Le transfert des lignes court-courriers au ferroviaire remis en cause

L'association des aéroports ACI Europe se dresse contre l'arrêt des lignes court-courrier et leur transfert vers le rail. Une étude tente de démontrer le peu de bénéfices environnementaux qu'apporte ce type de transfert.
ACI Europe étude avion/rail
L'aéroport de Madrid Barajas (Photo: LC)

C’est un cheval de bataille majeur pour l’ACI Europe (Airports Council International) : celui de l’arrêt des lignes aériennes court-courriers, remplacées par des liaisons ferroviaires.

En Europe, Air France et le groupe Lufthansa s’en sont fait les chantres, souvent sous la pression des politiques. Les pays d’Europe du Nord, Scandinavie en tête, ont également lancé la bataille. Des taxes élevées frappent désormais les vols domestiques, histoire de décourager les passagers.

Dans ce contexte débarque une étude financée par diverses institutions européennes de l’aviation dont l’ACI Europe sur les bénéfices de ces transferts sur l’environnement.

Avantages limités d’un transfert de lignes aériennes vers le rail

Le rapport, intitulé « Short-haul flying and sustainable connectivity », souligne que la situation est bien plus complexe qu’il n’y paraît et analyse en détails ce qu’un passage d’un mode de transport à un autre implique.

L’étude, réalisée par le cabinet de conseil en économie et en finance Oxera, confirme ainsi qu’il existe une limitation physique au transport ferroviaire se substituant au transport aérien. Et que les avantages du transfert des vols court-courriers vers le rail sont limités sur les émissions de CO2.

L’étude reconnaît certes que le rail génère moins de CO2 par passager/km que l’avion sur les émissions directes. Mais elle met en exergue le fait que ces transferts induisent d’autres coûts environnementaux, sociaux et économiques. Elle explique d’abord que les vols de moins de 500 km ne représentent que 1% à 2% des émissions totales de l’aviation dans l’UE.

Le train ne fait pas tout

Elle explique aussi que la construction de nouvelles lignes de chemin de fer a un coût environnemental élevé. En raison des émissions de CO² associées à la production de ciment et d’acier. Mais également en raison des émissions provenant du carburant utilisé pour développer les infrastructures. L’étude omet cependant de préciser qu’un tel développement n’est pas permanent.

En revanche, l’étude a raison de pointer sur l’impact significatif qu’ont de telles infrastructures sur la biodiversité. Une ligne de train-notamment à grande vitesse- cause des dommages aux habitats de la faune sauvage et génèrent de hauts volumes sonores.

L’étude enfonce encore le clou pour les aéroports secondaires. Ces derniers bénéficient généralement de lignes aériennes difficiles à transférer au rail. D’abord parce que la construction d’une ligne à grande vitesse est peu rentable en raison du coût de construction et des faibles volumes de trafic. Se pose ainsi la question du bénéfice économique qu’engendreraient des trains à grande vitesse au lieu d’avions.

En outre, il n’est pas garanti que les passagers délaissent l’avion systématiquement au profit du rail. L’étude estime que beaucoup choisirait alors la voiture, un moyen de transport plus flexible mais également plus polluant.

L’étude analyse ensuite le rapport aviation/rail à l’aune des progrès technologiques. Les émissions d’avions vont sensiblement diminuer dans les années à venir. Une évolution qui s’appuie sur les avancées technologiques des avions et le développement de carburants verts.

La décarbonation de l’aviation sera vraisemblablement à un stade très avancée au moment où se déploiera une nouvelle infrastructure ferroviaire. L’étude explique qu’en 2030, les tests d’avions hybrides se multiplieront sur des lignes régionales. Et que ces nouveaux appareils vont pouvoir réduire les émissions de CO² de 50 % par vol.

Toulouse Blagnac devrait perdre de nombreuses fréquences sur Paris, après l’ouverture d’une ligne TGV (Photo : LC)

Une différence de coûts en baisse dans le futur

Par conséquent, à mesure que les secteurs du rail et de l’aviation se décarboneront, l’écart entre les émissions de CO² se réduira davantage.

L’étude souligne aussi que les vols court-courriers jouent un rôle de pionnier dans les efforts de décarbonation du transport aérien de l’UE. Ils servent en effet de référence aux nouvelles technologies durables. Selon l’étude, « le transfert obligatoire de l’avion vers le rail n’est pas une solution miracle pour réduire les émissions. Ils compromettraient également la capacité de l’aviation court-courrier à servir de banc d’essai pour la décarbonation de l’aviation ».

Le secteur aérien appelle donc à un plus grand équilibre et à une plus grande exactitude dans le débat sur l’intermodalité. « Tous les modes de transport ont leur rôle à jouer ; il ne s’agit pas de l’aviation ou du rail, mais de l’aviation et du rail », expliquent-elles.

L’étude souligne bien que tout n’est pas que noir pour l’aviation et blanc pour le rail. Elle oublie pourtant un argument de poids dans la fin de l’exploitation de vols court-courrier: l’aspect économique. Or, pour la plupart des compagnies aériennes, ces vols sont déficitaires. C’est ce qui a motivé les décisions d’Air France et Lufthansa d’arrêter  certaines lignes court-courrier. Ou de les réduire aux seuls vols de correspondance vers leurs hubs.

La flambée des cours du pétrole et la probable mise à l’écart pour longtemps de la Russie en tant que fournisseur devraient à court terme favoriser d’autres transferts de lignes aériennes vers le rail.