
En marge du traditionnel programme de fidélisation, il est un moyen plus personnel, plus intime même, de créer un lien particulier entre le voyageur d’affaires et ses hôtels favoris : la vente de produits dérivés. Transformer un client en ambassadeur arborant fièrement le logo de son enseigne au gré de ses déplacements ou à domicile : voilà bien une marque d’attachement plus valorisante que bien des points de fidélité. On pense bien sûr au peignoir douillet d’un établissement haut de gamme – moyennant finance ! -, à une serviette de bain et autre parapluie. Qu’il s’agisse de faire rayonner son image de marque ou d’engranger quelques revenus annexes – pourquoi choisir d’ailleurs ? -, les acteurs du voyage y trouvent visiblement leur compte.
La plupart des grands groupes n’hésitent plus à transformer chaque chambre en showroom, au sein duquel le voyageur d’affaires aura la possibilité de “chiner” aux rayons décoration, beauté ou literie. Après tout, n’est-il pas plus facile, plus naturel, d’expérimenter son prochain sommier pendant un déplacement de deux nuits plutôt que de simuler une micro-sieste au milieu des dizaines de clients d’un magasin d’ameublement ? Des magasins qui peuvent d’ailleurs contre-attaquer, et venir eux aussi diversifier leurs activités en s’essayant à l’hôtellerie. Voilà maintenant quatre ans que Maisons du Monde et Muji ont franchi le pas, surfant eux aussi sur ce rapprochement finalement naturel entre hospitalité et décoration d’intérieur.

Difficile de chiffrer ce que rapporte ce business parallèle aux hôteliers, à la fois en numéraire, en points de fidélité et a fortiori en notoriété. Mais force est de constater que la tendance essaime, se diversifie, se renouvelle. Serait-ce l’effet fashion week – organisée à Paris en ce début du mois de juillet – ou simplement l’arrivée des beaux jours ? Toujours est-il que les annonces se multiplient, donnant à plusieurs hôteliers des airs de fashionistas. Le 29 juin, le Carlton Cannes dévoilait sa nouvelle gamme de maillots de bain. Des shorts conçus par la marque britannique Orlebar Brown, dont une boutique est désormais intégrée à l’établissement cannois. Des maillots haut de gamme, forcément, qui arborent fièrement la façade de l’établissement. Pour Tom Rowntree, vice-président des marques de luxe chez IHG Hotels & Resorts, les créations Orlebar Brown “font partie intégrante de la garde-robe du voyageur exigeant de l’hôtel Regent. Nous sommes ravis d’unir nos forces pour apporter cet embellissement inattendu à l’expérience des clients et c’est une joie de voir l’hôtel immortalisé dans un design célébrant de nombreuses caractéristiques de la marque Regent« .

Dans la foulée de cette présentation, une autre icône de l’hôtellerie française faisait ses premiers pas sur les podiums. L’hôtel Molitor a officiellement lancé sa propre collection de vêtements le 3 juillet. Cette gamme relativement réduite (trois tee-shirts, deux hoodies, une casquette et un tote bag) doit refléter l’esthétique Art déco de l’établissement, tout autant que le mariage entre élégance et street art, lié à l’histoire du bâtiment et à sa nouvelle vocation.
Longtemps réservée à l’hôtellerie haut de gamme, la démarche s’est aujourd’hui démocratisée. Après tout, quoi de plus logique pour une enseigne “lifestyle” que de vouloir accompagner les voyageurs d’affaires dans leur vie quotidienne ? Depuis ses débuts, Mama Shelter s’est d’ailleurs fait une spécialité de proposer un catalogue haut en couleurs et décalé, à l’image de la philosophie de la marque. L’enseigne était déjà particulièrement active dans le domaine des produits dérivés : vêtements, vaisselle, jouets pour enfants… et jusqu’à une gamme “Hot” aussi exhaustive qu’épicée ! Le lancement d’une nouvelle gamme de lunettes avec Jimmy Fairly le 4 juillet dernier s’inscrit donc dans la suite logique des ambitions marketing de Mama Shelter.
Cette incursion des grands noms de l’hôtellerie sur le terrain de la mode n’est pas sans faire écho à une tendance inverse. Voilà une douzaine d’années, la haute couture s’essayait en effet à l’hospitalité haut de gamme. Bulgari, Armani, Versace, Missoni : les hôtels griffés ont bourgeonné dans plusieurs destinations business, avant que le phénomène ne s’essouffle. Pourtant, LVMH a installé Cheval Blanc à la Samaritaine, et compte même doubler la mise avec un premier hôtel Louis Vuitton. Attendu dans moins de cinq ans, celui-ci intégrera le plus grand magasin du monde de la marque éponyme. En parallèle, un premier boutique hôtel Maison ELLE a aussi ouvert ses portes l’an dernier à Paris. De là à imaginer une nouvelle passerelle des podiums aux lobbys ? Après tout, la mode n’est souvent qu’affaire de cycles…