
Le bureau comme lieu de travail est-il toujours aussi attractif aujourd’hui ?
Christophe Burckart – Oui, et je suis même surpris par sa résilience, car c’est un lieu de sociabilisation. Même si les collaborateurs des entreprises étaient peu présents dans nos espaces, leur taux d’occupation n’est jamais descendu en dessous de 70 % depuis mars 2020. De nombreuses entreprises ont continué à renouvelé leurs contrats pour s’assurer de pouvoir revenir dans leurs bureaux. De ce fait, nous avons retrouvé aujourd’hui la fréquentation que nous avions avant la pandémie.
Avec la pandémie, la demande pour des solutions immobilières plus flexibles s’est elle accrue ?
C. B. – Depuis la fin des confinements et l’accélération des campagnes de vaccination, notre commercialisation enregistre en progression de 60 %, et je vois deux explications à cela. Tout d’abord, avec les incertitudes liées à la pandémie, les entreprises ont ressenti ce besoin d’agilité en matière de gestion immobilière avec des espaces de travail qui peuvent s’adapter à l’évolution de leurs besoins. D’autre part, avec la mise en place de politique de télétravail, elles se sont demandées comment l’immobilier de bureau pouvait accompagner leur mise en œuvre. Certaines entreprises refusent le carcan « soit au bureau, soit à la maison ». C’est pourquoi nous poussons notre offre d’abonnement qui donne accès non pas à un seul centre d’affaires, mais à l’ensemble de nos 3500 centres dans le monde.
Pour autant, cette offre d’abonnement n’est pas une nouveauté proposée par IWG.
C. B. – En effet, elle existait déjà, mais elle est en train d’exploser. En presque trente ans d’existence, nous avions rassemblé 3,4 millions d’utilisateurs autour de cette offre. Là, en à peine 18 mois, nous sommes passés à 5,2 millions. Au Japon, NTT y a par exemple abonné ses 300 000 collaborateurs, Dell et Cisco en ont fait de même en Europe et cette offre séduit aussi des clients de plus petite taille, notamment en France. Pour quelques dizaines d’euros par mois en moyenne par collaborateur et une facturation au temps passé dans nos espaces, cette formule est tout à fait adaptée aux nouvelles habitudes. Elle donne de la valeur au télétravail. Ainsi les collaborateurs peuvent travailler au choix à la maison, dans un centre non loin de chez eux ou encore trouver un espace de travail au gré de leurs déplacements. Ce qui nous renforce dans notre volonté d’atteindre les 1000 centres en France, contre 130 sites dans 76 villes aujourd’hui.

Vous aviez déjà annoncé cet objectif avant la pandémie. A quelle échéance pensez-vous y parvenir ?
C. B. – Je dirais vers 2030. Cet objectif annoncé en 2019 avait comme horizon cinq à sept ans. Aujourd’hui, on se redonne à nouveau cinq à sept ans. Les opportunités de croissance restent très fortes, notre modèle ne représentant que 2% du marché aujourd’hui. A l’heure actuelle, nous avons repris le rythme d’ouverture de la période pré covid avec un nouveau centre par mois. Pour aller plus loin, notre développement en franchise est un levier fort, mais qui a pris un peu de retard dans le contexte actuel. Les investisseurs et leurs banques attendent que la situation se soit stabilisée. Mais des dossiers significatifs sont maintenant en phase de signature. Des annonces sont à attendre prochainement, sans doute dans les premiers mois de 2022. D’ici la fin de l’année, je pense donc qu’entre les ouvertures et les signatures, nous aurons rajouté une vingtaine de sites en franchise à notre offre, en plus de notre croissance organique qui devrait s’élever à une quinzaine de centres.
De quelle manière le développement de nouvelles habitudes de travail va-t-il soutenir votre croissance ?
C. B. – Ce développement recèle deux types d’opportunités. Tout d’abord, le fait que 90% des entreprises, notamment de grands utilisateurs, aient aujourd’hui des mètres carrés inoccupés. Elles souhaitent les remettre sur le marché, d’où la possibilité d’accord avec les locataires ou les propriétaires pour opérer des sites sur ces mètres carrés inutilisés. A partir du moment où on peut les monétiser à des conditions avantageuses, beaucoup se montrent intéressés. Nous avons déjà montré notre capacité à le faire par le passé et, aujourd’hui, des discussions sont en cours de façon récurrente.
Lorsque vous demandez aux entreprises où sont leurs besoins, ceux-ci sont de plus en plus à Pau ou Rodez qu’au centre des grandes métropoles.
Quant au deuxième type d’opportunités, quel est-il ?
C. B. – L’évolution actuelle nous invite à renforcer notre maillage sur le plan national. Lorsque vous demandez aux entreprises où sont leurs besoins, ceux-ci sont de plus en plus à Pau ou Rodez qu’au centre des grandes métropoles. Aujourd’hui, quand certains grands comptes vous demandent d’héberger leurs équipes, c’est rarement à Lyon ou à Lille, mais plutôt dans des villes où ils ne souhaitent pas avoir d’actifs, mais ont quand même besoin d’une présence. Et donc de solutions.
Pour autant, la région parisienne fait aussi partie de vos priorités.
C. B. – C’est clair. L’Ile-de-France, ce n’est pas seulement La Défense ou le Triangle d’or parisien. L’idée, c’est d’aller mailler au delà comme à Versailles, Poissy ou Alfortville où nous sommes déjà. Mais il y a bien d’autres où nous ne sommes pas encore. Par exemple, la marque Stop&Work se pose en alternative au travail à domicile en proposant des tiers lieux de travail dans des zones résidentielles en deuxième ou troisième couronne des grandes agglomérations. En région parisienne, nous en avons par exemple à Fontainebleau, à Bourg-La-Reine et à Maisons-Laffitte. Mais nous avons aussi ouvert un Stop&Work dans un lieu d’affaires en plein développement, le plateau de Paris-Saclay, où nous avons créé un écosystème sur 6000 m2 dédié à l’innovation. Au rez-de-chaussée, ce lieu accueille un centre d’événements ouvert aux résidents du lieu comme à l’ensemble des acteurs locaux. Au premier étage, vous avez un incubateur de start-up qui vont y bénéficier d’un certain nombre d’outils, notamment des laboratoires de réalité virtuelle et des media labs. Il y a aussi une pépinière qui va bénéficier de programmes d’accélération avec des partenaires comme la French Tech. Enfin, le Stop&Work Paris-Saclay englobe aussi un hôtel d’entreprises et un centre d’affaires plus traditionnel où on héberge les bureaux d’entreprises plus établies.

Quelle est votre stratégie concernant les grandes métropoles françaises ?
C. B. – Concernant ces villes principales, nous voyons des opportunités pour étendre la présence de nos différentes marques. Si je prends Spaces, que nous avons commencé à déployer en 2017 à Paris, elle est aujourd’hui à Bordeaux et à Nice depuis peu. On ouvrira un Spaces à Marseille en février, un autre à Lille un peu plus tard dans l’année et puis à Lyon. Et il y a encore des villes où elle n’est pas présente comme Toulouse, Nantes ou Rennes. Même chose pour HQ, notre enseigne d’entrée de gamme, destinée aux entreprises au budget plus serré. Nous ouvrons le HQ Paris Blanche le 5 janvier, à une dizaine de minutes à pied de la Gare Saint-Lazare (NDLR : sixième adresse HQ en région parisienne, le HQ s’étend sur 873 m2 et six étages et propose 141 postes de travail, des bureaux virtuels, des salles de réunions et des espaces de coworking). Mais cette enseigne HQ n’est pas encore partout. Idem aussi sur le très haut de gamme, avec notre marque Signature. A Paris, nous proposons deux adresses prestigieuses, sur la Place Vendôme et rue Saint Honoré, à Bordeaux nous sommes installés place des Grands Hommes et Cours de la liberté à Lyon cours de la liberté. Mais il n y a pas encore de Signature à Lille ou à Nice par exemple.
En installant un centre d’affaires dans un grand lieu de divertissement tel que l’Accor Arena, nous nous inscrivons dans cette politique de services plus étoffée.
L’évolution de votre offre passe aussi par des concepts innovants, comme un futur Spaces installé au sein de l’Accor Arena à Paris.
C. B. – En effet, nous avons pour volonté d’aller vers de nouveaux concepts comme celui proposé à l’Accor Arena à partir de février prochain. Avec l’arrivée de la marque Spaces dans l’offre de notre groupe, nous étions déjà allés vers des services plus communautaires comme du bien-être ou du sport. En installant un centre d’affaires dans un grand lieu de divertissement tel que l’Accor Arena, nous nous inscrivons dans cette politique de services plus étoffée. Nous nous sommes mis d’accord avec la direction de la salle pour trouver une manière créative d’utiliser et de monétiser leurs espaces, la plupart du temps non utilisés en dehors des événements. De notre côté, en nous inscrivant dans un écosystème de services assez large, nos clients pourront profiter d’une conciergerie, de lieux de restauration. Les loges seront réaménagées et transformées en bureaux privatisés entre les événements. Les salles de réunion et de formation de l’Arena vont aussi devenir des espaces de coworking partagés et les salons VIP de l’Accor Arena deviendront des Business Clubs, pour les clients de passage.
Est-il facile d’intégrer un centre d’affaires qui accueille par ailleurs de multiples événements à l’année ?
C. B. – L’important est d’être transparent sur le mode de fonctionnement. Nous nous engageons à remettre ces espaces à la disposition de l’Accor Arena le matin même des événements. Mais, comme ceux-ci ont lieu en très grande majorité le week-end, les risques de télescopage sont limités. Et, dans le cas où un événement a lieu en semaine, nous pouvons nous appuyer sur notre large réseau à Paris pour proposer à nos clients d’aller travailler dans des centres voisins, par exemple à la gare de Lyon. La programmation, connue à l’avance, sera communiquée de façon régulière et ils pourront ainsi s’adapter assez facilement.
Dans le cadre de ces nouveaux concepts, réfléchissez-vous à d’autres lieux où vous pourriez intégrer des espaces de travail ?
C. B. – Il y a un concept qu’on avait testé il y a quelques années en France et qu’on veut retester car il fonctionne dans d’autres pays, ce sont les aires d’autoroute. Dans les années à venir, des hubs de service liés à la voiture électrique devraient être créés en nombre. D’où l’intérêt de proposer des lieux de travail pendant que les voyageurs rechargent leur voiture, ce qui peut prendre 30-45 minutes avec la super charge et plus encore si d’autres personnes attendent déjà. On ne peut pas occuper les gens uniquement avec un café. D’où notre volonté de tester des choses autour de cette approche. On travaille sur plusieurs plans de développement.