Christophe Burckart (IWG) : « notre activité est tirée par le marché »

Attractivité des espaces de travail flexible, développement en région : Christophe Burckart, directeur France d'IWG, revient sur les tendances qui animent le marché de l'immobilier de bureaux.
Christophe Burckart, directeur général d'IWG pour la France. © Gabriel Gorgi
Christophe Burckart, directeur général d'IWG pour la France. © Gabriel Gorgi

La généralisation des politiques de télétravail bouleverse-t-elle l’immobilier de bureaux ?

Christophe Burckart – Les entreprises ont intégré l’avènement du travail hybride. 20% d’entre elles avaient une politique de télétravail avant le covid, et ce chiffre est passé à 80% aujourd’hui. Ce phénomène impacte l’immobilier de bureaux et les localisations dans lesquelles on s’installe. Lorsque vous discutez avec un grand compte, la plupart veulent garder des lieux « totems », leurs sièges sociaux ou régionaux, et flexibiliser tout le reste avec des satellites qui permettent à leurs salariés de travailler à proximité de chez eux. C’est pour ça que nous sommes maintenant présents dans des villes qui ne sont pas forcément business. Par exemple, sur les trois derniers mois de 2022, nous avons ouvert des espaces de travail à Brest, à Carquefou et à Poitiers.

Pour autant, quels sont les avantages à travailler dans un tiers lieu plutôt qu’à domicile ?

Christophe Burckart – Je vais prendre l’exemple d’un site que je connais bien, le centre Regus à Maisons-Laffitte, situé en face de la gare RER. Une grande majorité de ses clients habitent à cinq minutes de là. Dans cette ville de 25 000 habitants, ce centre de 1700 m2 est plein avec des gens qui ne veulent pas travailler à domicile, mais aussi pouvoir se rendre facilement à Paris quand ils en ont besoin, tout en cloisonnant leurs vies professionnelle et personnelle. Travailler dans un tiers lieu permet aussi de ne pas souffrir d’isolement, de se retrouver au sein d’une communauté et de profiter de synergies en partageant un même lieu avec d’autres entreprises.

Spaces Opéra Garnier, un des sites d’IWG en France.

Le monde du travail a-t-il ainsi tendance à se décentraliser ?

Christophe Burckart – C’est un phénomène intéressant. Les clients utilisant ces centres dans les villes secondaires ou les zones périurbaines sont pour certains des collaborateurs de grandes entreprises qui télétravaillent à côté de leur domicile, et pour d’autres des entrepreneurs qui décident de rester près de chez eux plutôt que d’installer leurs bureaux à Paris ou dans une grande métropole, et d’y venir seulement pour leurs rendez-vous. Ce qui a un impact intéressant sur la redynamisation de ces territoires, et c’est pour ça qu’on est très bien reçu par les collectivités locales. On doit accompagner ce mouvement.

Comment l’offre d’IWG va-t-elle se évoluer en France en 2023 ?

Christophe Burckart – Nous prévoyons deux ouvertures ou signatures par mois cette année, avec un bon équilibre entre les grandes métropoles – notre prochain site ouvrira près de la gare de Lille Europe – et des villes moins immédiatement business. La demande se développe très rapidement, que ce soit dans les grandes agglomérations, les zones périurbaines ou les villes secondaires. Notre activité est tirée par le marché. Selon les lieux, le niveau de la demande a pris entre 50% et 60% en comparaison avec la période d’avant la pandémie. Nous avons énormément de nouveaux clients qui étaient dans une approche immobilière traditionnelle et qui ont appris la leçon du covid et souhaitent des choses plus hybrides, avoir de la flexibilité, la possibilité de faire on/off.

Votre stratégie de développement a-t-elle évolué face à cette demande croissante ?

Christophe Burckart – Notre maillage au plan national va s’accélérer en partenariat avec des franchisés ou des investisseurs qui font appel à nous pour opérer des espaces de travail flexible dans leurs bâtiments. Ce modèle constituera très rapidement une large part de notre développement. Notre volonté de nous développer en franchise commence à porter ses fruits avec une quinzaine de sites aujourd’hui en cours d’ouvertures ou de développement. Mais il n’y a pas que la franchise. Notre stratégie tourne autour de deux autres axes, notamment la croissance organique dans les 15 plus grandes villes de France. Dans ces métropoles, le phénomène de quartier reste important et nous ne sommes pas partout implantés. Enfin, un troisième levier de développement, plus récent, vient du souhait des propriétaires d’avoir des espaces de travail flexible au sein de leurs bâtiments. Dans ce cadre, ils nous demandent d’intervenir en tant que prestataire de services, à travers des contrats de gestion.

Les espaces de travail semblent désormais faire partie intégrante de nombreux projets immobiliers ?

Christophe Burckart – Cette tendance à la mixité est très forte. Il n’y a plus un projet d’envergure qui n’intègre pas du coworking, des commerces, voire des logements ou du coliving. D’autant que les PLU (NDLR : Plan local d’urbanisme) le demandent de plus en plus. L’immobilier devient de plus en plus serviciel, que ce soit envers les entreprises ou les utilisateurs. De nombreuses entreprises ne veulent plus avoir à gérer des baux, à s’occuper des services généraux. La mise en place du décret tertiaire, qui va nécessiter la mise en place d’actions pour faire baisser la consommation énergétique des bâtiments, renforce leur souhait de sortir leur responsabilité de cette gestion. Dès lors, elles préfèrent utiliser des offres d’opérateurs tels qu’IWG. On voit apparaître dans l’immobilier ce qui s’est passé dans le domaine informatique, quand les entreprises ont commencé à faire appel à de grandes sociétés de service comme Cap Gemini ou Atos.

Les attentes des collaborateurs des entreprises poussent-ils aussi à cette évolution ?

Christophe Burckart – On a une crise du recrutement, comme vous le savez. Pour attirer des talents, il faut que l’expérience au travail soit de plus en plus positive. Vous avez besoin d’aménagements sophistiqués, de lieux de partage, de services de bien-être, de localisations attractives avec, autour, des commerces, mais aussi des bars et des restaurants où se retrouver après le travail. D’où, au final, un appel d’air très fort pour des sociétés comme la nôtre.

L’immobilier de bureaux prend-il une part croissante dans l’attractivité d’une entreprise ?

Christophe Burckart – Le poids des DRH dans les décisions immobilières devient très important, car il y a cette dimension humaine sur lequel le travail hybride a un impact fort. Avant, nous parlions essentiellement aux directeurs immobiliers. Aujourd’hui, on parle aussi à la direction financière, au DRH qui a besoin de mettre en place une politique de télétravail, d’attirer des talents, de développer la productivité. L’immobilier est un outil qui y contribue.