
Comment présenteriez-vous les atouts du groupe Logis Hôtels à un client affaires qui ne vous connaîtrait pas encore ?
Karim Soleilhavoup – Un maillage extraordinaire avec un hôtel tous les 11 km partout en France, une expérience qui sera différente à chaque fois, une garantie de bien dormir et de bien manger, notamment à travers notre offre soirée-étape. A tout cela s’ajoute une assurance de qualité, chacun de nos établissements étant visité tous les ans. En outre, d’ici la fin de l’année, la moitié de nos établissements offriront des bornes de recharge pour véhicules électriques. Déjà, fin 2022, nous avions 850 bornes déployées dans près de 400 hôtels, tous très bien situés pour les déplacements professionnels. Tout cela fait qu’en fléchant leurs déplacements sur des TPE-PME indépendantes, fortement implantées dans les territoires, plutôt que de passer par une plate-forme qui a son siège aux Pays-Bas, les entreprises peuvent aussi contribuent à sécuriser de l’emploi local, des transmissions de savoir-faire. Un élément qui n’est pas négligeable dans leurs bilans RSE.
Accor domine largement le paysage hôtelier français. Pourtant, à y regarde de plus près, votre groupe est le premier acteur en France en nombre d’hôtels.
Karim Soleilhavoup – En nombre d’hôtels oui, avec 2000 établissements, mais comme ceux-ci sont de plus petite capacité, nous représentons à peu près un tiers du groupe Accor avec nos 45000 chambres. Au total, notre réseau regroupe 15% de l’hôtellerie française. Le groupe Logis Hotels est aussi le premier employeur du secteur CHR hors région Île-de-France. Notre ADN est d’accompagner les hôtels et restaurants familiaux partout en France. C’est notre raison d’être, et qui n’a pas changé depuis plus de 75 ans. Notre plate-forme de service ne vise qu’une seule chose, cultiver l’unicité de chaque établissement.

A voir toutes les collections lancées par les grands groupes pour attirer des établissements de caractère, l’hôtellerie indépendante a le vent en poupe. Cette évolution vous est-elle favorable ?
Karim Soleilhavoup – L’hôtellerie dite de charme a longtemps été boudée au profit d’une hôtellerie standardisée, plus rassurante pour le client. Aujourd’hui, la peur a changé de camp. Pour des femmes et hommes d’affaires qui vont à l’hôtel deux à trois fois par semaine, la chose la plus insupportable est de n’avoir plus aucune surprise. Les attentes de la clientèle affaires ont changé. Elle attend de vrais moments de vie, surtout quand le voyageur arrive à l’hôtel tard le soir après une longue journée de rendez-vous ou le dimanche, en prévision d’une réunion le lendemain matin. Qu’on soit voyageur loisir ou affaires, on n’a qu’une envie : aller dans des hôtels de caractère, des maisons familiales, avoir la garantie d’un repas sympathique, être accueilli avec le sourire par les propriétaires. Ressentir le sourire du propriétaire en pleine période COVID, c’était quelque chose rassurant.
A vous écouter, la pandémie a d’une certaine manière mis en valeur l’offre du groupe Logis Hôtels ?
Karim Soleilhavoup – Nous avons gagné des parts de marché sur cette période. Notamment en encourageant, dès l’annonce du premier confinement, nos hôteliers à rester ouverts. Parce qu’il y aurait toujours une clientèle de passage, que ce soit des transporteurs ou des gens pour s’occuper des réseaux téléphoniques ou d’électricité. En conséquence, 70 % du parc est resté accessible, pour un taux d’occupation moyen tournant entre 30 % et 35 %. Uniquement de la clientèle affaires, évidemment. Notre autre mot d’ordre a été de dire à nos hôteliers : « vous allez fermer le restaurant, mais vous allez garder les cuisines ouvertes pour servir en chambre vos plats faits maison, à base de produits locaux ». En plus de continuer à faire vivre leurs fournisseurs, les hôtels ont pu ainsi satisfaire les voyageurs, venus chez eux quelquefois contraints et forcés. Des clients qui ne connaissaient pas tous Logis Hotels et qui, depuis, nous sont devenus fidèles.
Grâce à cela, la part de la clientèle d’affaires est sans doute en hausse dans vos établissements ?
Karim Soleilhavoup – Vous devez entendre que le voyage d’affaires est en baisse, qu’il y a de moins en moins de déplacements avec le déploiement de la visio. Pour ma part, je constate que notre produit affaires, la soirée-étape, a enregistré l’an dernier une croissance de +56% par rapport à 2019. La visio n’a pas tué l’humain, le besoin de se rencontrer. Sur les 213 millions d’euros de chiffre d’affaires générés par la centrale de réservation du groupe Logis Hotels, la part des voyageurs d’affaires identifiés est de 35%. Parmi eux, des VRP, des ouvriers, des cadres itinérants, des petits groupes aussi, car nos hôtels ayant une moyenne de 20 à 25 chambres, ils sont parfaits pour des comités de direction, qui seront cocoonés par des propriétaires au petit soin, avec des pauses faites maison.
La soirée-étape est la pierre angulaire de votre offre affaires. Elle n’est pourtant pas accessible via tous les canaux de distribution. Pourquoi ?
Karim Soleilhavoup – Logis Hotels a créé ce produit, cette idée ayant été reprise par d’autres depuis. Cette offre ne peut être réservée que de deux façons : celle qu’on préfère, c’est-à-dire directement auprès de l’hôtel, ou en alternative sur Logishotels.com. Vous ne le trouverez sur aucune autre plate-forme. Hormis une expérimentation avec une entreprise du CAC 40, cette offre n’est même pas comprise dans les contrats-cadres corporate, limités à de la chambre sèche et à la formule avec petit-déjeuner. Je ne suis pas là pour accroître à tout crin la performance de logishotels.com. La fin en soi du groupe Logis Hotels est de développer les ventes directes de chacun des hôtels. Or, si le client passe par un spécialiste de la réservation affaires, booking.com ou même logishotels.com, il ne participe pas à la valorisation de son fonds de commerce, à la différence d’un client en direct. Néanmoins, si le test en cours avec cette grande entreprise se révèle concluant et profitable pour nos hôteliers, nous pourrions envisager d’ouvrir plus largement sa distribution à l’avenir.
Venons-en à votre réseau d’hôtels. L’organisation du groupe Logis Hôtels a largement évolué au tournant de la dernière décennie. A quels fins ?
Karim Soleilhavoup – C’est d’ailleurs un autre facteur de nos gains de parts de marché. En 2018, nous sommes passés d’une marque unique à un groupe englobant six marques. Avec, pour lier le tout, une plate-forme de distribution et une centrale d’achat en commun et, ce qui est surtout intéressant pour le voyageur, un programme de fidélité transverse. De par notre rapprochement avec Citotel fin 2018, nous avons étendu notre offre urbaine avec deux marques que nous avons ensuite retravaillées et repositionnées : Urban Style, des boutique hôtel 3/4 étoiles de centre-ville, et Citotel, des établissements 2/3 étoiles de centre-ville ou en périphérie. En parallèle – et en plus de notre enseigne Auberge de Pays, dédiée à la restauration -, nous proposons deux autres marques haut de gamme. L’une, Demeures et Châteaux, autour d’hôtels au riche patrimoine, et l’autre, Singuliers Hotels, une enseigne 4 et 5 étoiles que nous avons créée en 2022.
Comment l’offre de Singulier Hotels et d’Urban Style se développe-t-elle ?
Karim Soleilhavoup – Elles se déploient progressivement. En 2019, Urban Style comptait moins de dix hôtels et nous serons probablement aux alentours de 25 établissements fin 2023. Du côté de Toulouse, nous avons aussi vu un premier cinq étoiles rejoindre Singuliers Hotels. S’il n’y a pas de logique de volume pour cette enseigne, nous devrions cependant avoir au moins trois ou quatre hôtels supplémentaires dès cette année.

Le cœur de votre offre, la marque Logis Hotels, a-t-il aussi évolué ?
Karim Soleilhavoup – Cette mono enseigne était tellement large avec ses 1700 à 1800 établissements que nous n’avions d’autres choix que de la segmenter avec des offres clairement identifiées. C’est ce que nous avons présenté en 2020 avec les gammes Essentiel, Cosy et Elegance côté hébergement et Terroir, Gourmand et Savoureux pour la restauration.
Son réseau, déjà largement développé en France, est-il encore amené à s’étendre ?
Karim Soleilhavoup – Nous sommes plutôt dans une phase de décroissance, liée à plusieurs phénomènes. Nos établissements sont plus petits, donc plus fragiles économiquement. Avec la fin des aides Covid, les redressements judiciaires ont fait leur retour. D’autre part, nous avons des propriétaires qui, pour certains, sont vieillissants et qui cessent complètement leur activité ou cèdent leur établissement pour en faire un EHPAD, une pharmacie. Cependant, si le nombre est en baisse, le chiffre d’affaires de la centrale est, lui, progression. Ce qui veut dire que j’amène de plus en plus de performance aux hôteliers.
Avez-vous aussi des velléités d’expansion à l’international ?
Karim Soleilhavoup – Le développement du groupe passera par là, c’est une certitude. Logis Hotels est déjà présent hors de France avec près de 200 hôtels et nous comptons renforcer en Allemagne, en Espagne et au Benelux, peut-être en Suisse et en Autriche avec nos marques premium, moins en Italie, un marché complexe et émietté. Reste que nos marques ont aujourd’hui une faible notoriété à l’étranger. Donc, sauf à réaliser des investissements importants, ce développement s’orientera vers des acquisitions et rapprochements, comme nous l’avons fait en France avec Citotel. Et ce, que ce soit en Europe ou en Amérique du Nord. Au Québec, nous nous sommes depuis quelque temps rapprochés d’une chaîne, Origine Hotels, qui nous ressemble beaucoup. Origine pourrait être notre marque premium au Québec avec des marques mainstream que nous pourrions apporter de note côté.
Venons-en à un autre grand sujet, pour tous comme pour le groupe Logis Hotels : la RSE. A quelles fins êtes-vous devenu partenaire de l’ADEME ?
Karim Soleilhavoup – Nous ne sommes pas peu fiers d’être le seul groupe hôtelier à être leur partenaire. Avec la mise en place du Fonds de tourisme durable, l’ADEME s’est vu confier la gestion de 50 millions d’euros de subventions destinées à des TPE-PME en région pour accélérer leur transition environnementale. Nous avons répondu à leur appel d’offres et nous avons aujourd’hui 20 responsables régionaux, formés au diagnostic et au montage des dossiers qui accompagnent nos hôtels au quotidien. Sur une période de deux ans, en 2021 et 2022, nous avons réussi à flécher quatre millions d’euros de subventions pour les hôtels du groupe.
Votre implication ne porte pas seulement sur le soutien à la transition environnementale de ces hôtels. Vous vous êtes aussi engagés dans la recherche et développement en matière de RSE.
Karim Soleilhavoup – En effet, nous déployons dans nos hôtels le concept My Easy Wash, que nous avons construits avec nos hôteliers et nos fournisseurs et ainsi qu’avec l’ADEME en ce qui concerne la sélection de machines à laver et des sèche-linge à pompe à chaleur. Tout est parti d’un constat : la plupart des hôtels externalisent le traitement du linge pour éviter sa manipulation, son stockage et, surtout, le calandrage, son repassage. Ce qui n’est pas sans impact sur la pénibilité du travail des femmes de ménage qui ont à manipuler des ballots de linge de 35 à 40 kilos. Pour faire évoluer cela, nous avons inventé un système de blanchisserie interne autour d’un textile écologique qui n’a pas besoin d’être repassé. Le linge est traité chambre par chambre, comme à la maison, sans lourde manipulation. Autres avantages, le linge n’est plus passé à 90 degrés et lavé avec des produits écolabellisés, justement dosés grâce à des sondes. De ce fait, le linge est plus confortable et dure plus longtemps. Au final, en y ajoutant les économies d’énergie, le concept Easy Wash permet d’économiser cinq tonnes d’équivalent CO2 par an pour un hôtel de 20 chambres.

Comment votre stratégie RSE se déploie-t-elle dans chacun de vos établissements ?
Karim Soleilhavoup – C’est un enjeu d’avenir. La compréhension de l’urgence est très hétérogène au sein de notre réseau, soyons honnête. Le premier acte fondateur de notre stratégie a été de créer un comité RSE autour d’une vingtaine d’hôteliers intéressés par le sujet, qui connaissent les enjeux opérationnels, les freins naturels d’un hôtelier qui a 30 chambres vis-à-vis de la RSE. Des bons élèves qui vont embarquer leurs collègues dans cette voie avec un discours créé par des hôteliers pour des hôteliers. En parallèle, nous avons lancé en juin 2022 l’indicateur Act Eco, fondé sur un questionnaire autour de sept thématiques et une liste de 70 actions à réaliser. Les hôtels ayant une note supérieure à 7 sur 10 sont mis en avant sur notre site internet, avec une fiche descriptive de tout ce qu’ils ont mis en oeuvre.
Quels sont les objectifs de cet indicateur RSE ?
Karim Soleilhavoup – L’objectif numéro un était de sensibiliser nos hôteliers. Mais c’est aussi un outil d’amélioration continue. Avec cet indicateur, les hôteliers peuvent prendre conscience de ce qu’ils font déjà et de ce qu’ils pourraient faire à l’avenir. Celui qui a 3 ou 4 sur 10 voit déjà qu’il n’est pas à 0, mais qu’en construisant un plan d’action, il peut passer à la note de 7 et être mis en avant sur notre site. Depuis que nous avons lancé cet indicateur, nous recevons 50 questionnaires par semaine. Nous avons déjà dépassé les 600 hôtels impliqués. Certains sont plus sensibles aux sujets sociaux, d’autres aux économies d’énergie, d’autres à la partie restauration. Comme cet indicateur a été construit sur un modèle de 70 points, chacun valant un point, les cases cochées sont différentes. Chacun doit trouver son chemin dans cette phase de transition, à nous d’accompagner les hôteliers dans leur voie.