
Alors que certains voyageurs d’affaires lézardent encore sur la Côte d’Azur pour des congés probablement mérités, leur future destination business se situe peut-être juste à côté d’eux. En tous cas, Toulon se donne – enfin – les moyens d’exister véritablement sur la scène économique, d’attirer de nouveaux investisseurs, et de changer une image grisonnante à mille lieues de son taux d’ensoleillement record. Alors qu’en vitrine, la métropole renvoyait l’image d’une ville en sommeil, les responsables locaux s’activaient en coulisses pour remettre la main sur le foncier, afin de réaménager le centre-ville. Symbole de ce développement, le quartier de Chalucet a troqué son hôpital pour un nouveau pôle, où se dressent désormais l’immeuble des Beaux-Arts et la Maison de la Créativité. En son sein, l’école de commerce Kedge, mais aussi Camondo : la prestigieuse école parisienne a fait confiance au projet toulonnais, et inauguré son antenne Camondo Méditerranée en 2019, également rattachée au Musée des Arts Décoratifs de Paris.
Loin du cliché rugby, cade et pétanque, Toulon s’est en effet construit une réputation de plus en plus solide sur la scène du design, et de la créativité en général, à force d’investissements et de partenariats. C’est d’ailleurs ainsi que les édiles locaux ont choisi de baptiser ce « Quartier de la créativité et de la connaissance ». Ce nouveau pôle ne marque pas l’aboutissement des ambitions toulonnaises, mais bien le point de départ d’une vaste métamorphose. Car dans le prolongement de ce nouvel ensemble, – et en marge de l’inauguration des Halles en plein cœur de ville, début septembre -, le projet Montéty est également lancé.
« Il s’agit d’une une ancienne cité ouvrière, qui a son histoire, mais qui a aussi son futur ! », décrit Boris Bernabeu, Directeur adjoint des services au sein de la Direction générale attractivité du territoire de la Métropole Toulon Provence Méditerranée. Au sein de cet îlot qui sera relié au quartier de la gare par un « Pont des Arts », sont notamment attendus un institut de formation, un hôtel, une résidence services de nouvelle génération intégrant co-working et co-living, et des espaces dédiés au secteur tertiaire. Le tout agrémenté d’un parc de 16 000 m². Un vaste data center est également attendu à proximité.
Nous redessinons le Toulon du XXIe siècle avec un projet très structurant
Vous avez dit projet XXL ? Le plus beau reste à inventer. Car Toulon va s’attaquer à ce qui fait l’âme, le caractère de la ville : son front de mer au cœur de la cité. A la rentrée seront dévoilés les lauréats du concours « De Mayol à Pipady », un projet d’aménagement de 44 hectares en plein centre-ville qui se veut particulièrement ambitieux. « Nous redessinons le Toulon du XXIe siècle avec un projet très structurant », promet Boris Bernabeu, qui ajoute : « Tout est sur la table pour faire de Toulon une destination city break et une destination congrès. Pourquoi ne pas créer une promenade, des ramblas, des restaurants, des espaces commerciaux, voire un nouveau palais des congrès et une cité de l’innovation maritime avec le musée de la Marine, un aquarium ? ». Boris Bernabeu poursuit : « Le temps des projets devient enfin possible, et la désirabilité de Toulon, notamment auprès des investisseurs, est devenue concrète. Cela s’illustre notamment avec l’inauguration du Okko, place de la Liberté. Cet hôtel, nous n’aurions pas pu l’avoir il y a six ou sept ans, parce que le seuil de maturité de la ville n’était pas atteint ».

En clair, Toulon s’offre un nouveau centre-ville, voire une nouvelle population… Depuis plusieurs années en effet, les inaugurations de sites universitaires se sont multipliées dans le cœur de la ville, alors que ceux-ci ont longtemps été « exilés » dans des zones moins centrales. Et la tendance s’accélère, donnant une nouvelle dynamique à un centre-ville longtemps laissé en déshérence. Cette gentrification doit attirer des talents en formation, lesquels privilégiaient jusqu’ici des villes plus reconnues dans le domaine universitaire – et dans celui de la vie étudiante… – à l’image d’Aix-en-Provence au niveau régional. Des talents qui, une fois diplômés, pourraient bien décider désormais de poursuivre l’expérience sur place, et d’apporter eux aussi leur pierre à cet édifice toulonnais en pleine reconstruction.
« Dans les années 1990, il y avait 3 000 étudiants pour 400 000 habitants à l’échelle d’une agglomération qui n’en était pas encore une : c’était très faible. Aujourd’hui, nous dépassons les 16 000. Cela reste insuffisant, mais c’est déjà une belle progression », constate Patrick Valverde, Directeur Général de Toulon Var Technologies (TVT). Il poursuit : « On estime qu’il y a à peu près 2 500 étudiants du secteur numérique dans le centre-ville. A une époque, nos pépinières étaient situées en dehors de la ville. On s’est aperçus qu’elles recherchaient des zones urbaines, nous avons donc tout ramené sur le centre-ville ». « Il nous faut des jeunes sur le territoire : il faut que l’on sache les capter pour leurs études, puis les garder à Toulon », abonde Boris Bernabeu au sein de la Métropole TPM.

Cette évolution démographique s’accompagne d’une diversification économique. Trop longtemps cantonnée aux activités liées à la défense, l’économie toulonnaise explore désormais de nouveaux leviers de croissance. Sans pour autant renier son lien indéfectible avec la mer et l‘arsenal. « A une époque, à Toulon, on ne trouvait pas une seule PME dans le secteur technologique qui n’était pas dépendante de la défense, à 80 % minimum. Aujourd’hui, c’est l’inverse », résume Patrick Valverde. « Nous travaillons sur une logique « duale », en utilisant des technologies qui étaient liées à la défense pour aller sur du numérique, du commerce, de l’agriculture, etc. C’est moins traumatisant en termes de dépendance. La mer comme la défense sont des domaines très transversaux », poursuit-il.
Il y a à Toulon tout un ensemble de start-up qui ont su profiter de cette dynamique que l’on retrouve dans les villes en reconversion, dans ces centres-villes en reconstruction
Forte de nouveaux talents, et ouverte à de nouveaux secteurs d’activité, Toulon a vu éclore un écosystème de jeunes pousses, que le label French Tech a contribué à structurer dans un environnement de plus en plus propice. « Il y a à Toulon tout un ensemble de start-up qui ont su profiter de cette dynamique que l’on retrouve dans les villes en reconversion, dans ces centres-villes en reconstruction, avec ces opportunités foncières offertes par la zone franche qui ont permis à des entreprises de s’installer », décrit Boris Bernabeu au sein de la Métropole. « Il y a une dynamique autour du numérique, que Toulon Var Technologies a bien su structurer, et qui passe aussi par un partenariat qui plaît beaucoup avec la défense nationale, incarnée par la Direction générale de l’armement (DGA). La DGA a besoin de recherche, d’innovation dans des domaines stratégiques. Une convention a été signée en 2018, pour associer les différents acteurs dans des projets communs ». Récemment désigné président de la French Tech Toulon, Jean Larroumets témoigne : « L’avantage de la French Tech à Toulon, c’est que l’on peut s’appuyer sur les trente ans d’expertise de TVT. Certaines villes ont le label French Tech, mais pas de structure, de locaux. Ici, nous avons beaucoup de locaux de qualité, et qui sont visibles, qui cristallisent les énergies. Chalucet ou la Maison du numérique en font partie ».
Murex : un nouveau rendez-vous « inspirant »En juillet dernier se tenait à Chalucet le Murex 2021. Un nouveau rendez-vous proche de l’esprit Ted X, qui tend là aussi à dynamiser le monde de l’entreprenariat toulonnais, tout en le confrontant à des acteurs nationaux et internationaux. Patrick Valverde, à l’origine du projet, explique : « nous avons souhaité créer un moment festif, et qui rassemble des entrepreneurs, des innovateurs et des gens inspirants, à travers des conférences, des ateliers, etc ». Avec quelque 1 400 participants et plus de 120 rendez-vous organisés – malgré le contexte sanitaire et la tentation de la plage –, les organisateurs ont réussi le pari de cette deuxième édition. Et pourraient voir plus grand d’année en année. « C’est une démarche qu’il faut arriver à généraliser au niveau régional, d’autant que les autres French Tech de la région ont regardé l’événement avec beaucoup d’intérêt », témoigne Jean Larroumets, président de la French Tech Toulon. |
Une offre de transports amélioréePour accompagner ce développement tous azimuts, l’offre de transports est également repensée. Certes, ce caillou qui traine dans la chaussure des différentes municipalités depuis de nombreuses années ne disparaîtra pas du jour au lendemain. Et l’abandon du tramway, qui était pourtant sur bons rails, n’a rien arrangé… Mais le projet d’un « RER toulonnais » commence lui à prendre forme. Objectif : des trains reliant l’Est et l’Ouest de la métropole, et qui rapprocheraient à une allure plus cadencée les différents points stratégiques. Un projet qui passe notamment par la rénovation de plusieurs gares dans les villes voisines de Toulon et la création d’un pôle multimodal, la Halte Sainte-Musse. Quant à l’aéroport de Toulon Hyères, la concession confiée à Vinci Airports depuis 2015 semble y insuffler une nouvelle dynamique. Un plan de modernisation a été bouclé en octobre 2020, Vinci décrivant les travaux comme « les plus importants depuis la construction de l’aéroport en 1967« . Malgré la concurrence des deux hubs voisins, ceux de Marseille et de Nice, l’aéroport varois compte se faire une place au soleil au cours des années à venir. Et les responsables locaux entendent bien exploiter davantage le potentiel de la plateforme : « Nous travaillons de manière très proche avec l’aéroport de Toulon Hyères, qui évolue très favorablement, et qui a su montrer tout l’intérêt d’une telle plateforme, indique Boris Bernabeu au sein de la Métropole. En temps normal, il accueille 500 000 passagers par an, mais il est dimensionné pour en accueillir un million, et il doit atteindre ce chiffre. Toulon Hyères est particulièrement bien positionné, d’autant que Marseille et Nice sont saturés : c’est un non-sens d’aller y atterrir pour se rendre dans le Var« , ajoute-t-il. |