Karim Malak (easyHotel) : « Un besoin d’hôtellerie économique de qualité »

Attractivité de l'hôtellerie économique, stratégie bas carbone, opportunités de développement : Karim Malak, PDG d'easyHotel, fait le point sur l'actualité de son groupe.
Karim Malak, CEO d'easyHotel.
Karim Malak, CEO d'easyHotel.

Après Nice et l’aéroport de Paris CDG, vous avez ouvert un troisième hôtel en France à Aubervilliers au printemps dernier. Etes-vous satisfait de leur activité ?

Karim Malak – Ces ouvertures rencontrent un franc succès, avec une arrivée en vitesse de croisière très rapide. Le marché de l’hôtellerie se portant bien, nous avons fait une première moitié d’année 2023 exceptionnelle, avec des chiffres records, notamment sur le mois de juin et pas uniquement grâce au salon Airshow au Bourget. Ca montre clairement qu’il y a un besoin d’hôtellerie économique de qualité en France, en particulier dans la région parisienne au vu des résultats obtenus.

La clientèle de vos hôtels est-elle plutôt loisirs ou affaires ?

Karim Malak – La marque easyHotel a une connotation assez loisirs. Mais, et ce n’est pas une surprise, nous avons un tiers de clientèle business, provenant moins de grandes entreprises que de petites et moyennes entreprises, des autoentrepreneurs, des professionnels de l’événementiel ou de la construction. A Paris CDG, nous avons en plus une clientèle de passage entre deux avions, tout en profitant de notre proximité avec Villepinte pour attirer des participants aux salons.

Vous avez trois hôtels en France, une quarantaine au total en Europe. Quels sont les objectifs de développement dans les années à venir ?

Karim Malak – Je n’aime pas réellement donner de chiffres, mais on peut dire une centaine. Un chiffre sur lequel je préfère m’appuyer est celui de notre offre actuelle, d’un peu plus de 40 d’hôtels, dont la moitié au Royaume-Uni. Un marché où notre marque est très connue et profite d’une très bonne notoriété, d’où la possibilité d’y densifier encore notre réseau. Mais, en parallèle, il n’y a aucune raison de ne pas réussir à en avoir une vingtaine en France, en Allemagne, en Italie ou en Espagne dans les années à venir. D’autant que, cette année, notre équipe de développement est en train de traiter quatre fois plus de projets qu’en 2022. Une vraie dynamique, de nouveaux projets devant d’ailleurs être signés fin 2023 et en 2024. Il y a notamment beaucoup d’opportunités sur la France où nous cherchons à densifier notre réseau de franchisés, voire à racheter nous-mêmes des hôtels pour les convertir.

Concernant le marché français, avez-vous déjà des projets concrets ?

Karim Malak – Pour l’instant, le seul projet qui soit en chantier est un hôtel à Marseille, à proximité du quartier d’Euromed, qui devrait ouvrir fin 2024, début 2025. Mais nous avons aussi une
capacité d’investissement certaine. Nos actionnaires ont les poches profondes, comme on dit en anglais. Par ailleurs, les chiffres de nos hôtels sont tellement bons que, sur la base de nos résultats financiers, on peut se permettre d’acquérir davantage d’établissements. J’ai bon espoir qu’on avance sur ce sujet là, car il y a un vrai besoin en France d’offrir une alternative à Accor et B&B sur le segment économique, que ce soit aux clients, aux investisseurs et aux franchisés.

Dans le cadre de ce développement, y a-t-il des synergies possibles avec les destinations desservies par easyJet ?

Karim Malak – Ce sont deux sociétés complètement différentes, mais effectivement dans la tête des clients, il peut y avoir une correspondance. Et d’autre part, il y a une même logique. EasyJet comme easyHotel veulent revenir aux basiques, des basiques très bien exécutés – un très bon matelas, un bon Wifi, la sécurité – , mais sans que les clients ne payent pour des choses dont ils n’ont pas besoin. Pour revenir sur les destinations, il y a évidemment une logique à mettre des hôtels partout où il y a des vols easyJet.

Quelles localisations regardez-vous en priorité ?

Karim Malak – Notre positionnement est d’avoir des hôtels localisés en centre-ville, avec l’assurance que nos clients puissent se déplacer facilement les transports en commun. La proximité des grands hubs de transports en commun est donc un de nos principaux critères. De ce fait, a priori, nous ne ferons pas d’hôtels d’autoroute ou installés dans une zone d’activité industrielle.

La volonté d’easyHotel est d’être un leader de l’hôtellerie économique et bas carbone. Comment cela se matérialise-t-il ?

Karim Malak – Tout d’abord, nous avons des bâtiments plus compacts, des chambres avec moins de mètres carrés, des parties communes plus efficaces. Par exemple, nous n’avons pas de grandes salles de petit-déjeuner, qui sont peu utilisées une partie de la journée. Nous n’avons pas de grands lobbys où installer un grand bar ou un faux espace de coworking. Moins de mètres carrés, ça veut dire moins de matériaux, de béton et moins d’emprise au sol. Deuxième point, notre nouveau design de chambre n’utilise que des matériaux recyclés et recyclables. Selon une étude indépendante, elle consomme 20% de carbone en moins. Les deux points s’ajoutant, ça commence à faire une réelle différence sur les émissions carbone à la nuitée. Si on rajoute à ça que nos clients qui viennent plutôt en transport en commun, que nos fournisseurs tendent aussi vers une empreinte minimum, l’ensemble de notre écosystème est plus bas en carbone.

A l’inverse d’autres enseignes économiques, vous ne vous tournez pas vers des bars attractifs, des lobbys animés. Pourquoi ?

Karim Malak – Tout d’abord, notre chambre a été designée par Saguez & Partners, des gens qui savent ce que c’est que le beau. Notre volonté est avant tout d’offrir la meilleure nuit de sommeil possible à nos clients. Après, je ne dis pas qu’on ne peut pas avoir de bar dans les parties communes. Tout dépend du bâtiment et de la localisation. On peut avoir des salles de petit déjeuner s’il n’y a pas à proximité d’endroits où le prendre. On pourrait aussi imaginer avoir un bar, mais toujours très compact. Par défaut, nos parties communes sont très réduites. On veut faire du compact, du fonctionnel accessible à tout le monde, sans prendre les clients pour des portefeuilles vivants. Un peu comme le font d’autres opérateurs, non pas low cost mais toujours abordables, comme Decathlon ou Ikea.

Avec l’inflation, l’hôtellerie économique jouit-elle d’une attractivité plus grande ?

Karim Malak – Pendant la pandémie, et maintenant en 2023, les hôtels économiques ont mieux fonctionné que l’ensemble des autres segments. Avec l’inflation, les clients peuvent avoir envie d’hôtels économiques pour utiliser leur budget ailleurs. Je pense qu’il y a une acceptation plus forte de l’hôtellerie économique, peut-être un retour de balancier par rapport à toute l’hôtellerie expérientielle. Il y a des moments dans la vie où on veut une expérience et d’autres où on ne veut qu’une seule chose, c’est bien dormir. Si je vais dans une ville, et moi le premier, j’ai besoin de deux choses : bien dormir et des transports en commun pour être sûr de pouvoir aller où je veux. Avec ça, je suis content. C’est le triptyque qu’on défend : de super deals, super easy et super low carbone.