Taxis volants, avions d’affaires bas carbone : demain est déjà aujourd’hui au Bourget

Le salon du Bourget consacre, avec un peu d'avance, l'avènement d'une mobilité urbaine aérienne à travers la présentation de nombreux projets. Autre nouveauté : des avions d'affaires bas carbone.
Le taxi volant d'Eve Air, une des principales attractions du salon du Bourget.
Le taxi volant d'Eve Air, une des principales attractions du salon du Bourget.

Il y a quelques jours à peine, le salon Vivatech avait déjà consacré l’innovation en matière aéronautique à travers la présentation d’un nouvel avion hypersonique « vert », de la start-up suisse Destinus, qui pourrait embarquer à l’horizon 2030 une trentaine de passagers pour des vols Paris-Sydney de 4 h ou encore l’AirScooter, Vespa futuriste à atterrissage vertical. Après le rendez-vous mondial de la tech, le salon du Bourget est venu démontrer grandeur nature l’avènement d’une mobilité urbaine en version aérienne.

« Cap sur l’Airvolution urbaine !« , annonçait le salon phare de l’aéronautique pour présenter sa 54e édition, lors de laquelle la première exposition au monde de taxis volants a été organisée, au sein de l’espace Paris Air Mobility. « La mobilité aérienne urbaine est depuis quelques années un formidable laboratoire d’innovation, si bien qu’il existe aujourd’hui une petite dizaine d’aéronefs électriques prêts à s’envoler dans le ciel de nos villes« , expliquait Patrick Daher, commissaire général du Salon du Bourget, en préambule de l’événement.

Cette nouvelle génération d’aéronefs électriques – ou eVTOLs, pour electric vertical take-off and landing – a ainsi tenu la vedette avec, notamment, une présentation en vol du Volocity, le taxi volant de l’allemand Volocopter. Un des projets les plus aboutis en la matière. Déjà testé l’an dernier au dessus du site de Pontoise, le Volocity poursuit la démonstration de ses capacités. D’autant qu’il est attendu dans le ciel de Paris à l’occasion des JO de 2024.

Avant le salon du Bourget, le taxi volant Volocity avait effectué une démonstration en vol à l’aérodrome de Pontoise l’an dernier.

Mais, avant même que la plupart de ces aéronefs high tech aient pris leur envol effectif, le salon du Bourget a consacré l’expansion de ce nouveau mode de mobilité. Alors que ses premiers vols ne sont attendus qu’en 2026, Eve Air a rempli son carnet de commandes à l’occasion du salon, à l’image d’un Airbus ou d’un Boeing. Cette filiale de l’avionneur brésilien Embraer a enregistré la demande de 70 appareils destinés à Voar Aviation qui compte étendre ses opérations entre les grandes métropoles brésiliennes, mais aussi de 50 autres dédiés à la compagnie norvégienne Widerøe qui s’inscrit dans les ambitions du pays d’un transport aérien zéro carbone en 2040. Et cela, en plus de partenariats avec le loueur d’avions danois Nordic Aviation Capital ou Blade, un des principaux acteurs de la mobilité aérienne en Europe du Sud, de même qu’en Amérique du Nord et en Asie.

Mais cette nouvelle offre de mobilité urbaine intéresse aussi les compagnies aériennes. United Airlines a récemment annoncé la commande de 200 eVTOLs d’Eve Air – 200 autres sont en option – pour développer la mobilité urbaine aérienne au dessus de la baie de San Francisco. En parallèle, United Airlines s’est aussi montrée intéressée par le taxi volant Midnight de l’Américain Archer Aviation, dont elle a préempté une centaine d’appareils pour effectuer des liaisons entre l’aéroport de Chicago O’Hare et un vertiport proche du Loop, le quartier d’affaires de la métropole américaine.

Pour permettre à tous ces appareils de voir le jour, Archer peut compter sur le savoir-faire industriel du constructeur automobile Stellantis, dont la participation au capital d’Archer a été récemment augmentée. Les deux partenaires ont d’ailleurs annoncé à l’occasion du salon aéronautique que la construction du premier site de production en série au monde d’eVTOLs, à Covington aux États-Unis, était en bonne voie. Avec, comme objectif décrit par Carlos Tavares, le PDG de Stellantis, le lancement de la production en série de l’aéronef d’Archer « à partir de mi-2024« . Une production qui devrait monter jusqu’à 650 appareils par an, une extension du site dans le futur pouvant l’élever à 2 300 avions.

A côté de Volocopter, Eve Air ou Archer, tous les acteurs impliqués dans le devenir de la mobilité urbaine aérienne ont présenté leurs modèles au sein de l’espace Paris Air Mobility tels le Chinois EHang, l’Allemand Lilium ou l’Américain Joby Aviation. A l’exception de Boeing, qui a présenté de son côté la sixième évolution de son taxi volant quatre places développé par sa filiale Wisk Aero, avec laquelle la compagnie Japan Airlines a conclu récemment un partenariat.

Taxi volant électrique, avion d’affaires bas carbone : les nouveautés du Bourget

Sur la liste de ces pionniers de cette mobilité de nouvelle génération figure aussi une start-up, française celle-là : la Toulousaine Ascendance Flight Technologies, dont l’aéronef Atea, à propulsion hybride électrique, est attendu en 2025. Ce taxi volant doté de cinq places devrait être capable de voler à 200 km/h sur une distance de 400 km. De quoi envisager des dessertes intrarégionales bas carbone entre grandes villes dont la desserte en train n’est pas optimale, par exemple New York-Washington ou Toulouse-Clermont-Ferrand reliées en 1h30, mais aussi de proposer des solutions de mobilité dans des zones urbaines denses comme la baie de San Francisco ou de faire des sauts de puce entre des zones difficiles à rejoindre autrement que par les airs à l’image des îles de l’archipel des Philippines. De ce fait, le modèle a commencé à intéresser divers acteurs de par le monde tels Green Aeroleas et Helifirst en France, Evfly et Yugo à Singapour, Flyshare en Californie, Amedeo en Irlande et Philjets aux Philippines.

A tout seigneur, tout honneur, l’aéronautique française, parmi la plus performante au monde, a mis sa capacité d’innovation en avant lors du salon. Une capacité d’innovation qui avait été encouragée quelques jours avant l’ouverture du Bourget par Emmanuel Macron qui invitait le secteur à devenir « le champion de l’avion ultra sobre« . Un message reçu cinq sur cinq avant même qu’il n’ait été délivré, notamment par Beyond Aero. Basé à l’aéroport de Toulouse-Francazal, la start-up a profité du salon pour présenter un prototype d’avion d’affaires « vert », en l’occurrence le premier jet business au monde à propulsion hydrogène. Nommé One et pouvant embarquer de 4 à 8 passagers, il devrait avoir une autonomie de 1500 km pour une vitesse de croisière de 575 km/h.

De quoi accélérer la décarbonation attendue de l’aviation d’affaires, souvent mise à l’index pour son impact environnemental. « Beyond Aero a fait le choix de commencer par l’aviation d’affaires dont la nécessité d’alternatives décarbonées est la plus forte : en moyenne 10 fois plus émettrice par passager que l’aviation commerciale« , souligne la start-up.

Un autre constructeur français pionnier de l’aviation bas-carbone, Aura Aero, mise pour sa part sur la propulsion électrique, et non hydrogène, pour son avion d’affaires régional ERA, attendu en 2028. Pouvant accueillir une petite dizaine de passagers en configuration aviation d’affaires, l’appareil devrait pouvoir couvrir jusqu’à 1 600 km et atterrir aussi bien sur les grands aéroports internationaux comme sur des pistes courtes et non préparées. D’où une multiplicité de possibilités pour des vols régionaux dans des régions développées ou pour désenclaver des zones moins accessibles. Dans le cadre du salon, Aura Aero a d’ailleurs signé des protocoles d’accord autant avec la compagnie française Pan Européenne Air Service qu’avec l’Américaine Alpine Air ou encore Afrijet, un transporteur basé au Gabon et dont les lignes sillonnent l’Afrique Centrale.

Ouvrir de nouvelles routes régionales sans augmenter les émissions carbone : cet objectif est partagé à travers le monde. De même que Aura Aero, la société américaine Eviation Aircraft mise sur l’avion électrique Alice, prévu pour neuf passagers et déjà testé en vol l’an dernier. Un « avion de banlieue » qui vient de recevoir une commande de 50 appareils de la part de la société de leasing floridienne Aerolease. « Nous travaillons avec de grandes compagnies aériennes dans le monde entier et nous savons, grâce à de nombreux échanges, que le développement durable est un sujet de grande importance« , a déclaré Jep Thornton, associé gérant d’Aerolease.

Pour autant, si tous ces projets concernent des vols courts, voire très courts, le verdissement attendu du transport aérien n’a semble-t-il pas mis un frein aux ambitions de faire revivre le temps du Concorde et des vols supersoniques. La start-up Boom, dont le concept Overture a été sélectionné par plusieurs compagnies aériennes telles United, American et Japan Airlines à hauteur de plus d’une centaine d’appareils au total, poursuit son aventure. A côté de ses premiers partenaires, dont Safran ou Collins Aerospace, Boom a complété la liste des fournisseurs amenés à donner vie à cet ambitieux projet, avec Aernnova pour la réalisation des ailes, Leonardo pour celle du fuselage et Aciturri du côté de l’empennage. Avec comme ambition finale des avions capables d’aller deux fois plus vite que les avions de ligne actuels, mais qui peuvent aussi incorporer 100% de SAF, de carburant aérien durable. Plus rapides, mais sans doute pas moins verts pour autant.

Le concept d’avion supersonique Overture, de Boom, photographié à Paris CDG.