Nouvelles marques en France, tendances : interview de David Heijligers (Hilton)

Arrivée des marques Canopy et Tapestry à Paris, nouvelles tendances, évolution de la demande affaires : David Heijligers, directeur général du développement de Hilton pour la France et le Benelux, fait le point sur la croissance du groupe américain.
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David Heijligers, directeur général du développement du groupe Hilton pour la France et le Benelux.

Le développement du groupe Hilton, et de toutes ces marques, est-il freiné par la crise ?

David Heijligers – Au contraire. Malgré cette crise sans précédent, Hilton a continué son développement que ce soit au niveau mondial, en Europe ou en France. L’an dernier, année difficile s’il en est, nous avons quand même réussi à avoir une croissance nette de 5%, ce qui nous a permis de franchir la barre symbolique du million de chambres dans le monde. Mais, au delà des chiffres, ce qui est important, c’est vraiment le maintien de la qualité des établissements que nous ouvrons, quelque soit le segment, du milieu de gamme au luxe. Le nouveau Canopy que nous avons ouvert à Paris, dans le quartier du Trocadéro, en est un bon exemple, à la fois en matière de localisation et de produit offert à nos clients.

En France, après une période où Hilton était un peu moins présent, votre groupe semble nettement reparti de l’avant avec l’ouverture de ce Canopy by Hilton à Paris et bientôt l’apparition d’une nouvelle marque, la Tapestry Collection, dans la capitale française ?

D. H. – Exactement. On continue à se développer très fortement en France. Je suis toujours extrêmement confiant sur son potentiel, sa position clé sur le marché touristique autant d’affaires que de loisirs. Les fondamentaux sont là et on sait que la demande ne s’est pas évaporée. Elle va revenir graduellement et elle commence déjà à le faire.

Combien d’hôtels comptez-vous prochainement ajouter en France ?

D. H. – On est toujours sur l’objectif d’avoir une trentaine d’hôtels d’ici 2022. On est en bon chemin avec cinq ouvertures d’ici la fin de l’année : deux Tapestry Collection à Paris, un Hamopton by Hilton et un Hilton Garden Inn à Tours, en plus d’un Hilton Garden Inn au Havre. L’an prochain, d’autres très belles choses sont prévues avec le Hilton Tour Eiffel dans le VIIe arrondissement ou la très attendue Maison Heller à Metz, un Curio Collection. On peut également cité un Curio à Dijon, dans la Cité des vins et de la gastronomie. Enfin, nous aurons aussi un Hilton Garden Inn à la Villette, dans les anciens entrepôts généraux de Paris. On continue à pousser notre offre autour des grandes métropoles françaises et certaines villes secondaires comme Tours.

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Le Canopy Paris Trocadéro (c) johnathimaritis

A la peine avec la crise, Paris et la Côte d’Azur sont-ils des marchés toujours porteurs ?

D. H. – Bien sûr. Avec leur mix affaires-loisirs d’ampleur internationale, ils restent toujours aussi intéressants pour nous. Le Grand Paris Express ouvre des perspectives pour nos marques milieu de gamme Hilton Garden Inn et Hampton. On l’a vu, le Hampton by Hilton que nous avons lancé à Clichy a tout de suite eu un grand succès. Dans Paris intra muros, il y a toujours un gros potentiel pour nos marques haut de gamme, même après nos nouvelles additions. Bien sûr, notre marque quatre étoiles plus Canopy n’a pas vocation à avoir une dizaine d’établissements à Paris, ni à être dans 30 villes en France, mais elle offre de belles perspectives. C’est une marque de « quartier ». Trocadéro, Chaillot, le Palais de Tokyo : tout ça répond à la clientèle de la marque, à la recherche de culture, de vie locale. Un deuxième Canopy ouvrira d’ailleurs en 2023 dans le Quartier Latin, très intéressant pour la clientèle internationale. Selon les opportunités, cette marque pourrait s’installer dans d’autres quartiers à forte identité, par exemple à Lyon ou à Bordeaux.

Deux établissements Tapestry Collection sont prochainement attendus à Paris. Pouvez-vous nous présenter cette marque, nouvelle en France et tout juste apparue en Europe, à Madrid ?

D. H. – C’est une marque haut de gamme constituée autour d’hôtels indépendants originaux. Nous avions déjà une marque de ce type, la Curio Collection, mais elle est positionnée un cran plus, entre le haut de gamme et le luxe, et nous exigeons de ces établissements qu’ils aient une vraie offre de restauration. Avec Tapestry, nous offrons une plus grande flexibilité aux propriétaires. Beaucoup d’hôteliers indépendants nous disaient : je suis en plein centre de Paris ou de Madrid, je ne vais pas avoir un restaurant alors qu’il y en a quatre dans ma rue. On avait donc ce frein pour Curio, alors qu’avec Tapestry on a cette possibilité d’accueillir des hôtels qui ne proposent qu’un bar et le petit-déjeuner.

Ces collections, apparues au sein des groupes hôteliers après la crise de 2008 et destinées à accueillir des hôtels indépendants dans leur giron, trouvent-elles encore plus de sens aujourd’hui ?

D. H. – En effet, et d’autant plus. Elle répond aux attentes des hôteliers indépendants qui ont besoin de s’adosser à un système de distribution mondial. En outre, elles sont propices à la reconversion d’hôtels existants. Avec le Covid, certains propriétaires profitent de la fermeture pour faire des travaux et faire monter leur hôtel en gamme. Par ailleurs, dans les années à venir, vous allez avoir l’acquisition d’hôtels dans les années à venir par des fonds de private equity qui ont les moyens de mettre de l’argent dans les actifs pour les repositionner Ce repositionnement est souvent l’occasion de mettre une nouvelle marque, et c’est pour ça que les conversions vont représenter 20 % à 30 % de notre développement dans les années à venir. Dans ce cadre, nous sommes bien armés avec les Curio et Tapestry Collection pour profiter de cette tendance.

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La Tapestry Collection by Hilton apparaît en Europe avec l’Atocha Hotel Madrid. (c) 2021 Hilton

A côté des conversions, quelles autres tendances guident l’évolution de votre groupe en Europe ?

D. H. – Le potentiel de croissance de nos marques milieu de gamme Hampton et Garden Inn en est une. Elles répondent aux besoins des classes moyennes lors de leurs voyages, de même qu’à la demande des entreprises pour des produits de qualité à des prix maîtrisés. Ces marques peuvent proposer un prix moyen adéquat aux marchés des villes secondaires et tertiaires. Au Royaume-Uni, nous sommes présents avec Hampton et Garden Inn dans le top 10 des villes britanniques, et bientôt dans le top 30. La stratégie est la même en Allemagne où on voit que ces marques sont très résilientes, même en période de crise. Elles ont encore une marge de progression dans les années à venir, d’où les trois ouvertures prévues en France cette année. Cet été, nous inaugurerons un Hampton by Hilton et un Hilton Garden Inn à Tours, deux hôtels qui se font face sur la meilleure localisation de la ville, la rue Nationale. Puis, d’ici la fin de l’année, nous ouvrirons aussi un Hilton Garden Inn au Havre.

Sur le segment lifestyle, nous avons deux marques avec un positionnement complètement différent : Canopy by Hilton, une enseigne positionnée entre le haut de gamme et le luxe, et Motto, une marque moyen de gamme de type micro-hôtel.

Les groupes hôteliers ne semblent jurer que par le lifestyle. Est-ce aussi le cas de Hilton ?

D. H. – C’est évidemment une des autres tendances lourdes, dont on parle énormément aujourd’hui. Sur ce segment, nous avons deux marques avec un positionnement complètement différent : Canopy by Hilton, une enseigne upper upscale, c’est-à-dire positionnée entre le haut de gamme et le luxe, et Motto, une marque moyen de gamme. D’un côté, vous avez des prestations haut de gamme avec restauration, bar, rooftop quand on le peut, mais aussi des chambres grandes et très confortables. A l’inverse, avec Motto, nous sommes plus sur du micro-hôtel avec des chambres de 14-15m2, ce qui est une révolution chez Hilton. Autre particularité de Motto, celle de pouvoir combiner plusieurs chambres ensemble. Les grandes familles peuvent par exemple prendre une chambre avec un lit double et une autre avec un lit double plus un lit superposé. Mais le voyageur d’affaires peut aussi se constituer une sorte de suite chez Motto en réservant une chambre de 14 m2 et une chambre attenante dont il peut faire son salon où travailler et recevoir, en rentrant le lit dans le mur.

Comme les auberges de jeunesse de nouvelle génération qu’on voit apparaître ça et là, le côté festif avec des bars animés est-elle aussi la marque de fabrique de Motto ?

D. H. – Pas forcément, en tout cas pas toujours. Le pré-requis minimum que nous fixons à nos propriétaires est d’avoir une réception et un café design dans leur établissement. Mais, comme on vise toujours des localisations en hyper centre, les propriétaires peuvent vouloir dédier le rez-de-chaussée à d’autres fonctions, par exemple des commerces, pour le valoriser, plutôt qu’à un vaste lobby. Néanmoins, un Motto peut très bien avoir un restaurant-café en rooftop. Ce sera le cas à Rotterdam, pour le premier Motto que nous ouvrirons en Europe. C’est une ville qui correspond à la marque, à la fois dynamique, jeune. La localisation est superbe, juste à côté des coins iconiques de la ville tels les maisons cubiques et le Markthal, un food market couvert très tendance. On pense que cette marque, constituée autour d’établissements idéalement situés, aura beaucoup de succès.

En parlant de tendance, on parle beaucoup de lifestyle. Mais, s’il y a un mot qui revient de plus en plus souvent dans le monde hôtelier, c’est celui de rooftop. Pourquoi ?

D. H. – Cela vient d’abord d’une pression foncière qui pousse à maximiser chaque mètre carré. Avec l’urbanisation, les prix grimpent, et cette tendance est partie de New York ou de Londres. Du coup, dès que le toit de l’hôtel le permet, on le propose à nos propriétaires. Ce qui satisfait aussi nos clients, qui en sont très friands. Les rooftops offrent souvent des vues magnifiques, très instagramables, et ajoutent une expérience inoubliable pour nos clients, par exemple un coucher de soleil avec vue sur la tour Eiffel au Canopy Trocadéro. Tout juste ouvert, ce rooftop est plein tous les soirs. Dans cet après covid, il y a cette envie d’espaces ouverts, d’où ce succès. Mais, même hors covid, on sait que ça marche très bien. Par exemple, le rooftop du DoubleTree à Amsterdam est très couru pour sa vue sur toute la ville, de même que celui du DoubleTree Towers of London. Ces lieux sont fréquentés autant par les locaux que par les clients de l’hôtel.

En parlant d’une autre tendance actuelle, le coworking, beaucoup d’hôtels se mettent à convertir leurs lobbys au travail nomade. Est-ce une chose à laquelle Hilton réfléchit ?

D. H. – Pour l’instant, nous ne travaillons pas à convertir nos lobbys au coworking, mais plutôt à repenser notre offre séminaires pour qu’elle soit plus flexible. Et cela en mêlant des grandes salles, des petites salles, des salles de taille intermédiaire, d’autres avec une ambiance coworking. C’est sur ce point que nous accentuons notre réflexion. Certains de nos hôtels ont déjà revu leurs espaces de réunions de cette façon et on avance sur ce sujet. Hilton a toujours été à l’avant-garde sur le MICE et entend le rester.

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(c) 2021-Hilton

Télétravail, visioconférence : comment les hôtels du groupe Hilton se positionnent-ils face aux nouvelles habitudes prises par la clientèle corporate ?

D. H. – Les usages évoluent et nous y répondons, notamment avec la possibilité de tenir des réunions hybrides dans nos hôtels. Avec les restrictions de voyage qui sont plus ou moins toujours d’actualité, cela permet de réunir aujourd’hui des équipes à distance dans nos hôtels. Mais nous pensons que ces solutions seront toujours appréciées dans le futur. En parallèle, nous avons aussi lancé Workspaces by Hilton, c’est-à-dire la possibilité de louer une chambre à la journée pour travailler en dehors de chez soi, avec la bonne connexion internet. On a pas mal de demande en ce sens, notamment à La Défense et à Londres. Enfin, une autre des choses fortes que nous avons mis en place au coeur de la pandémie, c’est le programme Hitlon CleanStay avec des standards sanitaires très élevés. Je pense que ce sujet va perdurer, car les clients sont toujours très sensibles sur ce point, comme le montre les enquêtes de satisfaction. C’est aussi une attente des entreprises à laquelle nous répondons avec le programme Hilton Event Ready, offrant la possibilité d’organiser des meetings en respectant toutes les normes sanitaires.

Selon vous, comment les déplacements professionnels évolueront-ils à l’avenir ?

D. H. – Il est difficile aujourd’hui d’anticiper ce que sera demain la demande affaires. Il y aura sans doute un peu moins de déplacements, notamment au regard de la conscience de l’empreinte carbone des voyages. Ils seront aussi peut-être plus longs, comme on peut l’entendre. Mais il est encore trop tôt pour juger. On verra dans les mois, voire dans les années à venir. Quand la poussière sera retombée, comme disent les Anglais.

Certains de vos concurrents ne cachent pas leur volonté de développer des solutions d’hébergement de long séjour. Alors que Hilton dispose de marques « extended stay » telles Home2Suites aux Etats-Unis, votre groupe a-t-il pour ambition d’étendre ces enseignes en Europe ?

D. H. – Pour l’instant, non. On veut éviter une prolifération d’enseignes en nous concentrant sur les marques que nous avons récemment lancées. Hampton et Hilton Garden Inn ne sont apparues de ce côté-ci de l’Atlantique qu’en 2018/2019 et nous ne voulons pas nous disperser pour les pousser de façon forte afin qu’elles deviennent des marques leader.

Puisque vous êtes aussi responsable du développement de Hilton au Benelux, la croissance de votre groupe est-elle la même sur ce marché ?

D. H. – C’est un petit marché géographiquement, mais très fort avec des villes magnifiques avec une grosse demande comme Amsterdam, Anvers, Bruxelles, La Haye ou Rotterdam. On est historiquement présent sur ce marché depuis les années 60, comme en témoigne le « Bed-in for peace » de John Lennon et Yoko Ono en 1969 au Hilton Amsterdam. Depuis, nous continuons à compléter notre offre là où nous sommes déjà implantés. En avril, on a par exemple ouvert un Hampton à Anvers, qui vient s’ajouter au Hilton du centre-ville. Même logique à Amsterdam, même si nous y avons déjà déployé un large éventail de nos marques allant de Waldorf Astoria à Hampton. Nous allons également complété notre offre à Bruxelles avec un DoubleTree. Mais nous déployons également nos marques dans des villes où nous n’étions pas encore présents comme à Gand, une grande ville d’affaires et de tourisme loisirs. En parallèle, nous commençons aussi à regarder les opportunité qui se présentent dans les métropoles secondaires. Dans ce cadre, nous ouvrirons cette année un hôtel à Sittard, en Belgique, non loin de Maastricht aux Pays-Bas. Cette ville a une grosse dynamique industrielle, tournée vers l’innovation.