Les voyages incentive changent de cap

Soumis ces dernières années aux contraintes sanitaires et géopolitiques ou liées au développement durable, les voyages incentive se sont recentrés sur l’essentiel : l’humain.
La Corse, une des destinations incentive les plus prisées aujourd'hui (a) Alain Parinet.
La Corse, une des destinations incentive les plus prisées aujourd'hui (a) Alain Parinet.

Changement climatique, crise sanitaire, guerre en Ukraine… Autant d’éléments planétaires incontrôlables qui ont modifié en profondeur la façon de récompenser ses clients et collaborateurs par un voyage. Hier anecdotique et vécu comme une contrainte, la responsabilité sociétale des entreprises (RSE ) devient une évidence, comme le confirme Laure Dupont-Hury, directrice du pôle voyages incentive chez Lever de Rideau : « Dans les briefings, les clients consacrent une page entière à la dimension responsabilité environnementale et sociétale. Et cela va bien au-delà de la compensation carbone, ce qui n’était pas le cas il y a encore un an. »

Dans ce cadre, les voyages à l’autre bout de la planète sans réelle raison ne sont plus les récompenses qui font rêver. « Partir doit avoir un sens. Le télétravail a fait prendre conscience aux dirigeants de l’importance du facteur humain : la cible des voyageurs est plus large qu’auparavant, touchant parfois tous les salariés d’une entreprise », constate Laurent Ouillet, dirigeant du groupe Autreman, qui remarque également un autre changement : « Les clients nous demandent d’inclure une dimension team building dans les voyages afin de fédérer les participants. Ce besoin de cohésion est nouveau dans ce type de récompense ».

D’après Astrid Boutin, chef de projet évènementiel à Echappée Belle, les groupes sont désormais plus petits, ne dépassant guère 100 personnes. D’autre part, les clients exigent d’inclure dans le contrat d’engagement une assurance annulation. Charge à l’agence de se débrouiller avec les prestataires si le voyage n’a pas lieu… Même constat chez Lever de Rideau et Destination Plus : un contenu plus fédérateur, des voyages ayant un sens, des participants moins nombreux et qui sont acteurs et non plus passifs : tels sont les nouveaux ingrédients de ces récompenses.

Des voyages incentive concentrés sur la France et l’Europe

Côté destination, malgré la reprise progressive des vols internationaux, les voyages incentive demeurent pour l’instant concentrés sur les courts et moyen-courriers. « Ils restent centrées sur la France, en particulier la Corse, et sur l’Europe », remarque Pascal Jeanselme, directeur de Sport Liberté Evènement. Même ressenti pour une agence évènementielle marseillaise qui enregistre une hausse spectaculaire des demandes – avec des délais très écourtés –, et cela pour des voyages de trois à quatre jours essentiellement à quelques heures du territoire français. Monaco, Palma, Ibiza, Malte sont ainsi prisées, tandis qu’en France ce sont Marseille, Cannes, Bordeaux, Lyon, l’Ile de Beauté et le Var qui ont la cote.

Les routes sinueuses de la Serra de Tramuntana sont bordées de villages à flanc de colline, pittoresques, entourés par une nature foisonnante composée d’oliviers, de cyprès, de figuiers, ou d’orangers. Un paysage culturel sublime, et classé à ce titre au patrimoine mondial.
Sur l’île de Majorque dans les Baléares, la Serra de Tramuntana, un paysage culturel classé au patrimoine mondial. (a) Alain Parinet

Chez Lever de Rideau , Laure Dupont-Hury assiste également à une flambée des briefs : « le besoin de voyager est flagrant avec des options qui étaient peu présentes avant la crise sanitaire comme des excursions, et l’acceptation parfois de conditions que les clients auraient refusées il y a deux ans ». En dehors des destinations européennes classiques, l’agence enregistre des requêtes pour l’Outre-mer : Polynésie, Réunion, Antilles, mais aussi pour des pays comme Taiwan ou l’Indonésie, Bali en tête. « Ce ne sont pas des reports, mais réellement de nouveaux briefs pour des voyages programmés en 2023 », précise la directrice du pôle voyages incentive.

Reste que la reprise qui se heurte à des problèmes de logistiques : certaines liaisons n’existent plus, les vols sont pris d’assaut, les hôtels sont bookés… Autant de paramètres qui compliquent la mission des organisateurs. Pourtant, les voyages de récompense ont un avenir.  Ils sont en pleine mutation, se réinventant, avec des contenus impactants qui prennent le pas sur la destination elle-même et, surtout, une valorisation de la dimension humaine.

Trois questions à Marie Allantaz, consultante experte en travel management

Quels sont les changements en matière des voyages de récompense ?

Marie Allantaz – Les entreprises demandent de plus en plus des garanties. Plus généralement, ce qui hier était concédé au titre de conditions exceptionnelles tend à devenir un acquis. D’autre part, dans le futur, les voyages ne récompenseront pas les mêmes choses qu’auparavant. Le facteur humain, par exemple l’attitude vis à vis des autres ou l’impact du travail en équipe, entrera en compte au même titre que des objectifs économiques.

Le choix des destinations a-t-il lui aussi changé ?

M.A. – Actuellement, la priorité est de re-déclencher une dynamique et de remettre tout le monde sur la même ligne, donc les changements ne sont pas encore significatifs. Mais, progressivement, les choix seront guidés par l’impact de la démarche environnementale et sociétale. Même si cette mutation n’est pas encore flagrante, la tendance va dans cette direction. Ainsi, la destination ne sera plus retenue pour son exotisme, mais en fonction d’une démarche plus profonde, ayant un sens et en adéquation avec l’ADN de l’entreprise.

Les voyages à l’autre bout du monde perdent de leurs attraits ?

M.A. – Les destinations cartes postales type les Bahamas ne seront plus forcément motivantes. L’inattendu, comme un bivouac en pleine nature, mais aussi le dépassement de soi, le retour aux sources, à des valeurs différentes et à l’essentiel auront plus d’attraits que les antipodes… Les voyages de récompense seront plus fléchés !