
Votre position de spécialiste du paiement des déplacements professionnels vous permet d’observer l’évolution de leur volume. Constatez-vous une amorce de relance ces derniers temps ?
Julie Troussicot – Nous voyons en effet une reprise, et cette nouvelle nous rend optimistes. Juin a été un beau mois, équivalent pour AirPlus à 50 % de ce que fut le mois de juin 2019. Evidemment tout est relatif, mais pendant des mois et des mois ce chiffre tournait autour de 20 % à 25 %. Malgré les incertitudes encore présentes, les entreprises ont réappris à voyager dans ces conditions-là. Nous attendons de voir avec attention ce qui va se passer en septembre.
Cette reprise concerne-t-elle tous les types d’entreprises ?
J. T. – La reprise vient clairement du midmarket, de toutes ces PME et ETI qui n’ont pas d’autre choix que de se déplacer pour leur business. Il y a de vrais écarts selon la taille de l’entreprise, mais aussi selon le secteur d’activité. Les grandes entreprises du bâtiment et de la construction ont assez vite repris les voyages car, dans leur métier d’industriel, ils se doivent d’être présents physiquement. A l’inverse, les grands groupes axés sur les services, la banque ou l’assurance n’ont pas repris leurs déplacements, car ce sont des métiers qui, pour beaucoup, peuvent se faire en télétravail.
Tous les secteurs du voyage profitent-ils de la même manière de ce redémarrage ?
J. T. –Le train, la location de voitures, l’hôtellerie… Toutes ces activités-là ont repris. En ce qui concerne l’aérien, ce sont essentiellement des vols court et moyen-courriers, très peu de long- courriers. Quand on parle avec nos clients, on sent cette envie d’apprendre à revoyager et à voyager mieux. Ce qui sera d’ailleurs le thème de notre événement Univ’AirPlus cette année.
Cet événement marquant de la rentrée pour l’écosystème du voyage d’affaires pourra donc avoir lieu cette année.

J. T. – Oui, et nous sommes très enthousiastes à l’idée de pouvoir de nouveau l’organiser. Mais, comme nous avions un manque de visibilité sur la situation sanitaire début septembre, nous ne voulions prendre aucun risque. Nous voulions être sûrs de pouvoir maintenir notre événement en 2021, car on a beaucoup de choses à dire, beaucoup de contenus intéressants à partager avec nos clients et le monde du voyage d’affaires. C’est pourquoi nous avons opté pour un format digital avec beaucoup d’intervenants et d’échanges autour d’un plateau télé.
Pouvez-vous nous donner quelques détails supplémentaires sur la forme que prendra l’événement cette année ?
J. T. – Déjà, la date à laquelle il se tiendra et qui est le 9 septembre prochain, de 14 à 18h, pour une après-midi très rythmée. L’événement est certes digital, mais il sera aussi dynamique et humain. Il y aura des tables rondes ponctuées d’interviews de personnalités. Nos clients viendront partager leur vision, leurs questions, leurs expériences autour des trois thèmes que nous avons choisi : le bien-être et la sécurité des voyageurs, le digital et la RSE (NDLR : pour plus de détails sur le programme, consulter comms.airplus.com/fr-fr/univairplus-2021). En parallèle, nous maintenons aussi notre innovation room, devenue traditionnelle. Plusieurs start-up impliquées dans le bien-être et la RSE viendront y pitcher, le public pouvant élire leurs start-up préférées le jour même.
Le bien-être des voyageurs, le digital et la RSE : ces thèmes sont au cœur de l’actualité, alors que votre événement annuel se tournait généralement vers des horizons plus lointains. Pourquoi cette évolution ?
J. T. – En effet, nous avons souvent eu des Univ’AirPlus très prospectifs. L’idée, cette année, était de revenir à notre ADN, le voyage d’affaires. Dans le contexte actuel, on ne pouvait éluder le fait d’avoir tous passé un an et demi très compliqué pour se mettre tout de suite à penser à des choses prospectives. En discutant avec nos clients, on a eu envie de faire un Univ’AirPlus extrêmement concret, pratique, fondé sur des tendances de fond, celles que l’on voyait déjà venir avant le covid et que la pandémie a accélérées.
Selon vous, ces trois tendances sont donc celles qui encadreront le futur des déplacements professionnels.
J. T. – Ces trois grands sujets structurels feront à n’en pas douter évoluer l’approche du voyage d’affaires dans les prochaines années. Nous avions déjà consacré un Univ’AirPlus au thème du bien-être et à la sécurité des voyageurs d’affaires, mais tout s’est accéléré pendant la pandémie avec, évidemment, un axe très fort sur la question sanitaire. Il était donc intéressant d’y revenir. Le voyage durable, l’environnement, ça aussi, c’était déjà là, mais le contexte a évolué pendant la pandémie avec la loi climat, l’arrêt de certaines lignes aériennes. Tout le monde a conscience aujourd’hui qu’il faut voyager mieux. Mais quelles sont les actions mises en place aujourd’hui dans le voyage d’affaires ? Quelles difficultés nos clients rencontrent-ils à ce sujet ? Il y aura pas mal de débat autour de cela. Cette table ronde devrait être très intéressante avec des témoignages pertinents montrant qu’il y a souvent un écart entre la théorie et la pratique. Les choses ne sont pas toujours simples en matière de RSE. Enfin, le troisième grand sujet est celui de la digitalisation. La pandémie a accéléré à la fois la volonté des entreprises de digitaliser l’expérience de leurs voyageurs, et les fournisseurs font évoluer leurs offres en ce sens.
Hormis notre carte corporate, nos solutions permettent déjà de virtualiser l’ensemble des paiements, de les rendre invisibles pour le voyageur.
Justement, comment AirPlus s’inscrit-il dans ce nouveau cadre ?
J. T. – Concernant la digitalisation, elle est inhérente à nos produits. Hormis notre carte corporate, nos solutions permettent déjà de virtualiser l’ensemble des paiements, de les rendre invisibles pour le voyageur. Depuis des années, nous prônons la centralisation des dépenses voyages sur une carte logée, notre offre de cartes virtuelles venant compléter ce paiement centralisé. Pour aller plus loin, nous entendons accélérer sur la digitalisation des services et des fonctionnalités autour de nos offres. Par exemple, nous avons revu entièrement le portail dédié à nos cartes virtuelles, qui offre aujourd’hui davantage de fonctionnalités. La souscription des nouveaux utilisateurs se fait notamment de façon totalement digitale. Nous allons aussi faire migrer notre produit phare, la carte logée, sur cette nouvelle plate-forme. Les voyageurs ne verront sans doute aucune différence, mais cela permettra aux entreprises d’aller encore plus loin en matière de reporting.
Tout cela fait partie de la phase de transformation digitale qu’AirPlus a lancé il y a quelque temps de cela. Où en êtes-vous aujourd’hui ?
J. T. – Ce gros travail a en effet initié il y a quelques années et 80 % de cette transformation est déjà effective aujourd’hui. Les 20% restants concernent entre autres des fonctionnalités que nous allons ajouter au volet « mobile » de notre carte corporate. On avance étape par étape en la matière. Cette carte plastique, lancée il y a un an en France, compte déjà de nombreux clients pour le règlement des dépenses qui ne peuvent passer par une carte logée ou virtuelle. Mais il est évident qu’aujourd’hui, de plus en plus de paiement se font sans contact – ce que permet notre carte – ou via le mobile. D’où l’idée de développer les fonctionnalités de notre application. Sa V1 avait pour priorité la réglementation PSD2 et l’authentification forte afin de fluidifier l’expérience du porteur de carte au moment de payer sur Internet. Plutôt que de recevoir un SMS et de devoir rentrer le code pour finaliser le paiement, il lui suffit d’aller sur l’appli, le paiement étant immédiatement confirmé grâce à la reconnaissance digitale. Après cette phase consacrée à la sécurité, la V2 de l’application, attendue à l’automne, intégrera une fonctionnalité de paiement depuis l’appli, ainsi qu’une visualisation des dépenses effectuées.

L’autre actualité d’AirPlus est celle de son futur, le groupe Lufthansa ayant évoqué la vente de cette filiale. Comment réagissez-vous à cette éventuelle cession ?
J. T. – Sur un sujet aussi sensible que celui-ci, AirPlus a une réponse claire. Nous sommes, bien sûr, au courant du fait que Lufthansa examine la possibilité de vendre AirPlus. Aucune décision n’a encore été prise. Mais nous sommes convaincus que Lufthansa examinera attentivement les différentes options et trouvera la meilleure solution possible pour AirPlus et ses clients.
Voilà pour le discours officiel. Mais, vous, à titre personnel, comment voyez-vous le futur d’AirPlus ?
J. T. – Nous sommes une petite structure agile, qui marche bien, qui innove, qui est dans une niche. Des entreprises comme AirPlus, il n’y en a pas beaucoup qui ont une telle expertise du paiement dans le domaine du voyage. C’est pourquoi il n’y a aucune raison de douter de l’avenir.
Reste que le monde aérien a été particulièrement secoué par la crise.
J. T. – Oui, la pandémie a eu un impact très fort sur les compagnies aériennes. Cependant, l’avenir de Lufthansa est assuré et je ne suis pas la bonne personne pour faire des déclarations sur la situation ou les décisions de Lufthansa. Les personnes qui agissent au sein du groupe savent ce qu’elles font. S’il y a une offre appropriée et qu’ils décident qu’AirPlus conviendrait mieux à un autre actionnaire, alors c’est la bonne décision. Il en va de même, bien sûr, si nous continuons à faire partie du groupe Lufthansa.
Des entreprises comme AirPlus, il n’y en a pas beaucoup qui ont une telle expertise du paiement dans le domaine du voyage. C’est pourquoi il n’y a aucune raison de douter de l’avenir.
On vous sent plutôt confiante quand on évoque avec vous ce sujet.
J. T. – Nous allons tous très bien, je vous rassure. AirPlus s’est entièrement transformé à la fois dans ses produits, dans ses solutions, dans sa structure informatique. Notre stratégie à l’horizon 2025 est extrêmement solide avec, notamment, un élargissement au-delà des voyages d’affaires vers les frais généraux et les achats indirects. AirPlus est l’un des principaux fournisseurs internationaux de solutions de paiements au service des entreprises avec 48 000 clients et nous sommes en train de migrer nos produits vers la plateforme informatique la plus avancée du secteur. Les cartes virtuelles fonctionnent déjà sur cette nouvelle plateforme, de même que les cartes corporate, que nous avons lancées en France il y a plusieurs mois. Nous ne pouvons qu’être confiants sur l’avenir.
Cependant, en tant qu’intermédiaire du voyage d’affaires, l’essor du télétravail ou l’apparition de nouvelles façons de voyager ne vous inquiètent-ils pas ?
J. T. – Beaucoup d’acteurs s’expriment sur leur vision du futur du voyage d’affaires. Personnellement, je n’ai pas de boule de cristal, mais il est certain que le voyage d’affaires ne sera plus le même. On voyagera mieux, et donc sans doute moins. Les voyages seront beaucoup plus qualitatifs, comme on commence à l’entendre dire nos clients. Lorsqu’il y aura un voyage, ce sera un vrai investissement pour l’entreprise. Alors les volumes qu’on pouvait imaginer avant la pandémie ne seront certainement pas les mêmes dans les années à venir. A nous d’être encore plus performants. Dans ce cadre, la transformation digitale que nous avions lancée avant la crise tombe à point nommé.
La carte virtuelle dédiée aux achats généraux, que vous avez lancée en France, pourrait-elle compenser cette baisse attendue du nombre de voyages ?
J. T. – Cette décision stratégique avait été prise par AirPlus avant la pandémie. Sur certains marchés comme l’Italie et l’Allemagne, nos cartes virtuelles sont déjà très utilisés par nos clients pour régler leurs frais généraux. En France, nous commençons aussi à développer ce produit qui est une vraie attente de nos clients, notamment des directeurs des achats qui désirent fluidifier le processus de paiement sur l’ensemble de leurs dépenses. Cette diversification pourrait permettre de pallier en partie le repli du volume des déplacements.