Croisières : le temps retrouvé

À bord de paquebots de légende et de bateaux plus intimistes chargés de nostalgie, les passagers revivent les fastes d’une époque révolue. Les émotions sont fortes et les souvenirs s’ancrent à vie !
Naviguant dans les Caraïbes l’hiver, l’été en Méditerranée et depuis peu dans l’archipel indonésien, le Star Clipper fait revivre à ses passagers les grandes heures de la marine à voile.
Naviguant dans les Caraïbes l’hiver, l’été en Méditerranée et depuis peu dans l’archipel indonésien, le Star Clipper fait revivre à ses passagers les grandes heures de la marine à voile.r,

Yachts luxueux, voiliers gracieux, bateaux traditionnels, paquebots racés, itinéraires quadrillant toutes les mers et fleuves du globe, voyages de deux nuits, tours du monde de plusieurs mois… Les croisières sont aujourd’hui adaptées à tous les goûts, budgets et âges !”, dit Corinne Renard, directrice commerciale d’Un Océan de Croisières. Leur succès va même croissant. En 2015, 23 millions de passagers ont embarqué dans le monde – soit une croissance de 4 % par rapport à 2014 –, avec, parmi ceux-ci, 6,6 millions d’Européens, dont 615 000 Français.

À grand renfort de campagnes de publicité, les grandes compagnies ont largement contribué à cet engouement. “Le bateau devient parfois une destination à part entière : certains passagers ne descendent jamais lors des escales, profitant en toute quiétude des infrastructures, dit encore Corinne Renard. Comme s’ils étaient dans une bulle hors du temps et de l’espace!

Le MS Gauguin relie les îles paradisiaques du Pacifique, de Tahiti aux Marquises. Là où “par manque de brise, le temps s’immobilise”, chantait Jacques Brel.
Le MS Gauguin relie les îles paradisiaques du Pacifique, de Tahiti aux Marquises. Là où “par manque de brise, le temps s’immobilise”, chantait Jacques Brel.
Proposé par CroisiEurope, l'African Dream navigue sur la rivière Chobe, pour une immersion au cœur du monde sauvage.
Proposé par CroisiEurope, l’African Dream navigue sur la rivière Chobe, pour une immersion au cœur du monde sauvage.

À la suite de siècles de conquêtes, d’aventures et d’échanges, les bateaux sont devenus aujourd’hui un moyen de s’évader loin du stress du quotidien. Cette façon de voyager tout en douceur n’est au fond pas si récente et remonte à l’aube du XXe siècle. Débutent alors les célèbres traversées transatlantiques, marquant la suprématie des armateurs allemands dans l’Atlantique Nord. Ainsi, en 1897, le Kaiser Wilhem der Grosse s’impose comme le plus massif, le plus rapide, le plus luxueux et le plus moderne des paquebots ! Ses quatre gigantesques cheminées seront copiées par de nombreuses compagnies maritimes, dont la Britannique Cunard qui deviendra l’un des leaders du marché transatlantique et se positionnera sur les croisières, dites de romance, ouvrant la voie à l’Âge d’or des transocéaniques.

C’était le temps des grands navires et l’essor des chantiers navals européens, dont ceux de Saint-Nazaire, ouverts par les frères Péreire. C’est là qu’y seront construits des bâtiments célèbres, le France en 1912, puis l’Ile-de-France en 1925, le premier paquebot décoré dans un pur style Art Déco, et enfin, en 1935, le Normandie qui aura la réputation d’être le plus beau liner mis à l’eau par la France. Et pour cause : sa décoration se veut une vitrine de l’art français des années 30. Les artistes les plus renommés participent à son aménagement. Sa gigantesque salle à manger par exemple, qui s’étend sur trois ponts avec des portes d’accès monumentales de six mètres de haut, est ornée de statues de Louis Dejean, de cascades et colonnes de verre signées Lalique. Ses murs sont pour leur part recouverts de verre gravé d’Auguste Labouret…

Ses 2 000 passagers sont répartis en trois classes, les premières disposant de vastes suites et appartements ainsi que de luxueux salons. à bord également, un théâtre, une piscine intérieure et un jardin d’hiver. Le Normandie file sur l’océan à une vitesse moyenne de 29,94 nœuds, reliant Southampton en Grande-Bretagne à New York aux USA en un peu moins de quatre jours ! Ce qui est un exploit pour l’époque et lui vaut le Ruban Bleu, le prix du transatlantique le plus rapide au monde. La réplique britannique ne se fait pas attendre. En août 1936, Cunard met à l’eau le Queen Mary qui lui ravit le trophée en franchissant l’Atlantique en trois jours et 10 heures !

Aujourd’hui, le Queen Mary 2 fait revivre à ses passagers l’ambiance qui régnait à bord de son aïeul. “C’est le dernier liner au monde à franchir d’une seule traite les flots transatlantiques ! Un plongeon de sept jours dans l’histoire et le luxe discret des années 30, mais avec tout le confort moderne, car il a été récemment rénové”, précise Corinne Renard. Incarnant les fastes d’une époque où on prenait le temps de vivre, ce géant des mers effectue une trentaine de traversées de sept à huit nuits entre l’Europe et les États-Unis. Les 2 691 passagers et 1 200 membres d’équipage embarquent généralement à Southampton pour rejoindre New York. Mais, en septembre 2017, pour les 500 ans du Havre, Cunard proposera un départ exceptionnel de la ville normande. Cette liaison de sept nuits incarne les heures de gloire du fameux paquebot France qui a fait sa dernière transatlantique en 1974. Depuis lors, seuls deux liners ont relié les deux villes sans escale. “600 clients français ont déjà réservé”, se réjouit Corinne Renard. Leur émotion sera sans doute forte à l’approche de Terre-Neuve, le bateau croisant à seulement quelques miles du naufrage du Titanic. Et un brin de nostalgie s’emparera probablement de tous lorsqu’au petit matin du septième jour se détacheront de la brume matinale les silhouettes de la statue de la Liberté et des buildings de Manhattan.

L’esprit des grands navigateurs

Le cœur se serre aussi lorsqu’on embarque à bord d’une autre légende des mers, Le Ponant. Bois vernis, cordages à l’ancienne, voiles gonflées, cuivres rutilants, équipage attentif… le Ponant a un cachet fou ! En Méditerranée ou dans les Caraïbes, ce voilier trois mâts de 88 mètres accoste dans des petites criques confidentielles et des ports discrets grâce à son faible tirant d’eau. Les mouillages sont l’occasion de découvrir la faune et la flore marine commentées par un naturaliste.

Navire intimiste avec ses 32 cabines, le Ponant se privatise pour des croisières VIP.
Navire intimiste avec ses 32 cabines, le Ponant se privatise pour des croisières VIP.

À bord, l’ambiance est du pur style yachting, la tendance à l’élégance décontractée. “Nous sommes le seul croisiériste de luxe français”, affirme Hervé Bellaïche, directeur adjoint commercial & marketing du croisiériste. Les 32 membres d’équipage sont aux petits soins pour les 64 passagers qui disposent pendant le voyage d’un centre nautique et de deux restaurants, dont l’un à ciel ouvert. Au menu, une gastronomie à la Française et une large carte de vins. Cette année, le Ponant mettra les voiles sur la Méditerranée et la Corse au cours de six itinéraires. Ensuite, en hiver, il voguera vers les Caraïbes pour des croisières dans les Grenadines et à Sainte-Lucie.

Ressentir les sensations de la navigation à la voile, c’est aussi ce que promet le Club Med 2. Cette goélette de cinq mâts possède notamment huit ponts en teck de Birmanie, tous ouverts sur l’extérieur, pour 184 cabines. “Elle se privatise très facilement, relève Véronique Bertrand, directrice meetings & events du Club Méditerranée. Les groupes se l’approprient très vite !

La ligne racée du Club Med 2, majestueuse goélette de cinq mâts, se faufile dans les criques pour des cocktails magiques au soleil couchant.
La ligne racée du Club Med 2, majestueuse goélette de cinq mâts, se faufile dans les criques pour des cocktails magiques au soleil couchant.

L’itinéraire, les escales et la personnalisation du bateau peuvent être conçus sur mesure, que ce soit pour une croisière en Méditerranée l’été ou l’hiver aux Antilles avec, en 2018, le lancement d’une nouvelle destination, Cuba. Son hall nautique et ses deux piscines font aussi partie de ses atouts tout comme le savoir-faire de la marque Club Med. “Nous organisons plus de 900 événements par an, recense Véronique Bertrand. Notre formule all inclusive, champagne y compris, et le fait de gérer les transports séduisent les entreprises. 80% de nos clients affaires sont transportés par nos soins.” Comme Le Ponant, le Club Med 2 jette l’ancre dans des criques sauvages le temps de cocktails magiques au clair de lune ou de baignades au milieu de nulle part.

Le dépaysement est également garanti à bord du Star Clipper, un splendide quatre-mâts inspiré des clippers du XIXe siècle. “C’est un bateau de rêve”, déclare Béatrice Frantz Clavier, directrice commerciale du croisiériste. Et pour cause ! Ce lévrier des mers est un pur bonheur pour tous les nostalgiques de la marine à voiles avec ses 116 mètres de long sur 15 mètres de large, des voiles immaculées claquant au vent, un décor en acajou dans la pure tradition nautique, des touches de cuivre poli, des cabines spacieuses pouvant accueillir un total de 170 passagers pour une croisière hors du commun mixant cachet d’antan et confort moderne. La détente est au programme, que ce soit lors des escales ou à bord, autour d’une coupe de champagne au piano-bar ou sur le pont sous un ciel étoilé. Le rêve se poursuit lorsque le majestueux voilier sillonne la mer des Caraïbes, la Méditerranée ou le golfe de Thaïlande. Depuis peu, le Star Clipper parcourt aussi les eaux translucides d’Indonésie au départ de la romantique Bali, l’île aux épices. Semarang, Komodo et ses dragons, les îles Gili et ses coraux remarquables… Les escales sont exceptionnelles !

L’exception est aussi la marque de fabrique de la compagnie Silhouette Cruises. Cette dernière organise des expéditions intimistes dans l’archipel paradisiaque des Seychelles à bord de deux voiliers, le Sea Star et le Sea Bird. Partant de Mahé, ils emportent chacun leurs 18 passagers pour une croisière éco-safari de sept jours. à bord, en plus de l’équipage de neuf personnes, se trouve un naturaliste qui encadre les excursions et donne des conférences sur le système écologique seychellois.

Toutefois, les Seychelles, malgré tout leur charme, n’ont pas le pouvoir de séduction de la Polynésie qui reste la destination romantique par excellence. Celle que tous rêvent de découvrir en voyage de noces, entre amis ou entre collègues lors d’opérations incentive, on s’en doute, plutôt très haut de gamme…

L’idéal, pour cela, est d’embarquer sur le M/S Paul Gauguin, un navire qui accueille ses 332 passagers pour des croisières paradisiaques : Tahiti, Moorea, Bora Bora, les Marquises, Suva aux Fidji, îles Cook, Vava’u aux Tonga… “Nos itinéraires les plus courts, de sept nuits, permettent de découvrir l’archipel des îles de la Société avec notamment une journée polynésienne sur l’île privée de Motu Mahana”, indique Brigitte Keromen, directrice générale.

Tout est pensé pour que les clients profitent au maximum des paysages et de la nature. Ainsi le bateau possède de grandes baies vitrées, un centre de plongée et trois restaurants dont un gastronomique avec menus signés par le chef étoilé Jean-Pierre Vigato. Quant aux hôtesses, toutes polynésiennes, elles initient les convives à leur culture, danses, chants, musique et bien sûr, l’art de confectionner les traditionnels colliers de fleurs.

Sur un autre continent, en Asie du Sud-Est, à bord du RV Indochine II, les souvenirs s’imprègnent d’odeurs et de couleurs. Cette superbe jonque en bois, d’une capacité d’une soixantaine de passagers, joue sur un décor de pur style colonial – bois tropicaux, cotonnades et cuivres locaux – pour sublimer un itinéraire d’exception le long du Mékong, allant du Vietnam jusqu’aux temples d’Angkor, au Cambodge. Le long des rizières, l’eau est le prétexte à la découverte de marchés flottants et de villages typiques. Cette navigation douce est ponctuée d’excursions à pied, en charrette à bœufs ou en sampan, où l’on retrouve ici et là les traces de Marguerite Duras et de son riche amant… Un parcours tout en nostalgie proposé notamment par les voyagistes Rivages du Monde et Fleuves du Monde.

Construits en planches d’anguili – un bois noir très dur – ficelées par du chanvre, les kettuvalloms parcourent les backwaters, un réseau de canaux de plus de 1500 km sillonnant l’Etat du Kérala, au sud de l’Inde.
Construits en planches d’anguili – un bois noir très dur – ficelées par du chanvre, les kettuvalloms parcourent les backwaters, un réseau de canaux de plus de 1500 km sillonnant l’Etat du Kérala, au sud de l’Inde.

Les croisières fluviales présentent l’avantage de pouvoir s’arrêter n’importe où et d’offrir une proximité avec les peuples vivant le long des fleuves”, relève Didier Sébire, président de Terre Voyages-Fleuves du Monde. Au Kérala par exemple, à l’extrême sud de l’Inde, des voyageurs privilégiés peuvent embarquer sur un kettuvallom, une petite embarcation inspirée des bateaux de transport de marchandises. Ces “houseboats” d’une capacité d’accueil de deux à huit passagers se faufilent dans un labyrinthe de canaux, les backwaters, traversant jungle et lacs. Le long des berges frangées de cocotiers, des pêcheurs relèvent leurs filets, tandis que des nuées d’oiseaux s’envolent à l’approche de l’embarcation. “Nous sommes l’un des rares à proposer cette croisière”, dit Didier Sébire qui précise que “plusieurs kettuvalloms peuvent être privatisées pour les groupes.

Toujours en Asie, en Birmanie, le Belmond Orcaella, joyau de l’ex-marque Orient-Express rebaptisée Belmond, fait vivre à une cinquantaine de passagers une croisière de rêve de trois à douze nuits en version grand luxe. Le bateau les entraîne dans une balade hors du temps où ils admirent au fil de l’eau les dômes dorés de pagodes étincelant au soleil, découvrent à Bagan plus de 2 000 temples protégés, visitent des villages reculés…

Luxueux bateau de 29 cabines, le Belmond Orcaella invite ses passagers à découvrir la Birmanie au rythme lent des rivières Chindwin et Irrawaddy, croisant sur sa route des bœufs tirant paisblement des charrettes et les dômes dorés des pagodes millénaires de Bagan.
Luxueux bateau de 29 cabines, le Belmond Orcaella invite ses passagers à découvrir la Birmanie au rythme lent des rivières Chindwin et Irrawaddy, croisant sur sa route des bœufs tirant paisblement des charrettes et les dômes dorés des pagodes millénaires de Bagan.

Cocotiers ou aurores boréales

À bord, toutes les portes sont en verre afin d’offrir une vue exceptionnelle sur les rivières Irrawaddy et Chindwin. Le bâtiment possède aussi un restaurant gastronomique servant une cuisine européenne et des spécialités asiatiques ainsi qu’une piscine et un centre de remise en forme. Le Belmond Orcaella est bien sûr privatisable, l’itinéraire s’adapte à toutes les demandes. Des activités spécifiques peuvent être organisées, que ce soit une bénédiction par un moine, un vol en montgolfière ou encore des spectacles au cœur de sites remarquables.

Le romantisme se niche aussi bien loin des cocotiers, en Antarctique et en Arctique. Entendre le bruit de la glace se briser, admirer un ciel strié de vert, d’orange et de bleu lors d’aurores boréales, observer ours polaires et baleines sont des sensations hors du commun qui forgent, à n’en pas douter, de très beaux souvenirs. “Ce sont les rares territoires qui restent encore à découvrir ! Totalement atypiques, ils attirent de plus en plus des entreprises en quête de récompenses originales”, remarque Christine Bois, directrice générale France de Hurtigruten.

L’Express Côtier d’Hurtigruten remonte la Norvège jusqu’au cap Nord. Un voyage qui fait rêver les voyageurs bercés dans leur jeunesse par les récits d’aventures de Jack London.
L’Express Côtier d’Hurtigruten remonte la Norvège jusqu’au cap Nord. Un voyage qui fait rêver les voyageurs bercés dans leur jeunesse par les récits d’aventures de Jack London.

Toute l’année, les groupes peuvent embarquer à bord de l’Express Côtier qui longe les côtes norvégiennes de Bergen jusqu’au Cap Nord et le port de Kirkenes. En hiver, ils peuvent contempler les aurores boréales, s’adonner aux joies de la moto-neige et du traîneau à chiens et découvrir le quotidien des Sami, lapons norvégiens. Mais au printemps, Hurtigruten leur offre un autre grand frisson lors d’une expédition de 10 jours au Spitzberg, dans les eaux du Haut-Arctique. Là, ils vivent la magie d’un soleil de minuit sur fond de paysages immaculés. Les plus chanceux auront la joie d’apercevoir le seigneur des lieux, l’ours polaire !

Positionné également sur des croisières hors du commun, Seabourn joue sur le très haut de gamme avec une expédition exceptionnelle de 21 jours en Antarctique à bord du Seabourn Quest, un luxueux yacht de 225 suites avec un service ultra personnalisé. à partir de Valparaiso au Chili, le bateau traverse des déserts de glace pour rejoindre Buenos Aires en Argentine via Ushuaia et le cap Horn. Au menu, des moments forts comme des sorties en zodiac afin de découvrir la faune de ces terres du bout du monde ; des colonies de manchots, d’éléphants de mer et d’oiseaux marins, et aussi, entre deux glaciers à couper le souffle, des familles d’orques batifolant dans des eaux bleu acier. Bien sûr, cette croisière est réservée à quelques clients ou collaborateurs privilégiés. Mais quelle que soit la formule choisie, “les bateaux ne partent pas que des ports. Ils s’en vont poussés par des rêves”, comme l’écrivait Erik Orsenna dans L’entreprise des Indes. Offrir la possibilité de les réaliser n’est-elle pas la plus belle des récompenses ?
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