
La situation semble paradoxale. Pendant deux ans, autorités aéroportuaires et compagnies aériennes ont répété à l’envi qu’elles prévoyaient toutes une reprise du trafic – certains la situaient en 2022, d’autres en 2023. Il apparaît qu’en fait pas grand monde ne s’est en réalité préparé – sinon en paroles- à faire face au grand retour des passagers dans les aéroports ce printemps en Europe…
En cette fin juin, les gros titres négatifs sur le transport aérien en Europe font la une. A l’instar de l’agence de presse Reuters qui le 19 juin publiait un dossier sous le titre peu rassurant de « Chaos estival pour les voyages en Europe« . Au...
La situation semble paradoxale. Pendant deux ans, autorités aéroportuaires et compagnies aériennes ont répété à l’envi qu’elles prévoyaient toutes une reprise du trafic – certains la situaient en 2022, d’autres en 2023. Il apparaît qu’en fait pas grand monde ne s’est en réalité préparé – sinon en paroles- à faire face au grand retour des passagers dans les aéroports ce printemps en Europe…
En cette fin juin, les gros titres négatifs sur le transport aérien en Europe font la une. A l’instar de l’agence de presse Reuters qui le 19 juin publiait un dossier sous le titre peu rassurant de « Chaos estival pour les voyages en Europe« . Au Royaume-Uni, Londres Gatwick, Heathrow ou Manchester sont sur toutes les télévisions. Qui montrent des hordes de passagers faisant la queue pendant plusieurs heures…
Il est vrai que, depuis deux ans, le secteur aérien a été forcé de dégraisser ses effectifs dans un contexte de confinement, quarantaines et autres fermetures de frontière. Selon Eurocontrol, 2020 s’était soldé par 56,2 milliards de pertes pour les compagnies aériennes, aéroports et services de navigation aérienne ; par 1,7 milliard de passagers en moins et 6,1 millions de vols en moins ; par 51% des flottes d’avions clouées au sol.
En 2021, le trafic a repris quelques couleurs. Eurocontrol indiquait dans sa note de conjoncture qu’il manquait encore à l’appel 1,4 milliard de passagers comparé à 2919. Durant l’année 2021, les pertes de l’aviation européenne ont pourtant encore atteint 22 milliards d’euros. Tandis que sur l’ensemble de l’année, le niveau de trafic atteignait 56% de 2019 – un mieux par rapport aux 45% de 2020…
Déjà sur le dernier trimestre, Eurocontrol, IATA (Association internationale des compagnies aériennes) ou encore l’ACI Europe (Association des aéroports) constataient la reprise. De quoi préparer compagnies aériennes et plates-formes aéroportuaires à ce retour en grâce du transport aérien.
Manque d’anticipation ?
Et pourtant, force est de constater que les paroles n’auront pas été réellement suivies d’actes – ou alors de façon bien tardive. Comme souvent, personne n’assume vraiment de responsabilités. Ainsi, Virginia Lee, Directrice Media et Communications de l’ACI Europe, dédouane les aéroports « car chaque aéroport est de fait différent« . Elle indique que les gouvernements n’ont dans la réalité pas fait grand chose pour aider les aéroports pendant la crise du Covid.
La majorité des aides financières publiques auraient ainsi plutôt favorisé les compagnies aériennes. « Il aurait été imprudent pour les aéroports de garder leur personnel dans une période de restriction quasi-totale du trafic. Ou d’anticiper en embauchant massivement alors que les autorités de tutelle dans les pays n’étaient elles mêmes pas certaines des conditions de reprise« , décrit-elle. « Nous regrettons que l’Europe n’ait pas d’avantage soutenue les aéroports pendant la crise« , souligne la responsable de l’ACI Europe.
On peut également blâmer les compagnies aériennes qui auront mis en place des programmes de vol, dont les capacités sont très proches de ce qu’elles étaient avant la crise du Covid. Notamment chez les transporteurs low-cost. Elles ont pris comme une aubaine le désir des voyageurs de s’évader après deux ans de restriction.
Les capacités aériennes en Europe atteignent désormais 85% à 86% du niveau de l’avant-covid selon Eurocontrol. Et l’organisme prévoit même que le trafic atteindra 95% de son niveau de 2019 durant le pic de la saison d’été. Ce qui fait ressentir encore plus durement la pénurie de personnel au sol. Dans un rapport paru en mars 2021, les syndicats à Roissy estimaient que la plate-forme avait perdu 20 000 emplois sur 94 000 avant crise. Soit effectivement un peu plus de 20% des effectifs totaux. Un chiffre que l’on retrouve également sur les aéroports allemands. A Amsterdam Schiphol, il manque désormais 10 000 employés sur les 68 000 que comptait la plate-forme avant la crise de 2020.
De plus, beaucoup d’employés d’aéroports semblent avoir entre temps définitivement quitté le secteur. En raison notamment de bas salaires et d’horaires de travail irréguliers. Une situation que l’on retrouve également dans d’autres domaines d’activité comme la restauration ou l’hôtellerie.
Face à l’encombrement des aéroports et les queues de plusieurs heures, pour l’instant le transport aérien européen n’a trouvé que peu de solutions efficaces à court terme. Certes, les aéroports recrutent à tout va. ADP offre 4 000 embauches. Tandis que l’association des aéroports allemands ADV demande qu’il soit possible d’engager temporairement 2 000 travailleurs venant de Turquie pour l’assistance au sol. Au Portugal ou en Espagne, les autorités vont dépêcher de nouvelles forces de police aux postes frontières des aéroports.
« Mais tout cela prend du temps. On ne forme pas du personnel de sécurité en quelques jours. Il faut ainsi plusieurs mois pour avoir un personnel de sécurité aux standards. En moyenne cela représente 16 semaines de formation« , explique Virginia Lee. Et d’ajouter: « plus l’aéroport est grand, plus important est le besoin en personnel ».
L’autre solution – bien plus radicale – prise par les compagnies aériennes est tout bonnement la suppression de vols. Easyjet semble être devenu un champion de ce type de mesure, réduisant un peu partout en Europe ses capacités. Au Royaume-Uni, nombre de transporteurs sont désormais en train de réduire leurs capacités, notamment à Londres Gatwick. KLM procède de même à Amsterdam. Tandis que le groupe Lufthansa vient d’annoncer un programme de réduction de ses fréquences durant le week-end sur tous les grands aéroports allemands ainsi qu’à Zurich. Air France n’a pour l’instant rien annoncé de tel.
Les compagnies aériennes donnent pour consigne aux voyageurs dans l’UE d’éviter d’enregistrer un bagage en soute. Et de se rendre immédiatement aux points de sécurité.
Il reste enfin une dernière solution pour les passagers : favoriser le train pour leurs déplacements en Europe. Certes, les trajets peuvent paraître plus long. Mais entre passer trois heures de plus, tranquillement assis dans un train ou faire la queue trois heures dans un aéroport, le choix est probablement vite fait…
Une situation aggravée par les appels à la grèveLa situation déjà chaotique dans plusieurs aéroports pourrait prendre une nouvelle ampleur dans les prochains jours, voire les prochaines semaines. Les tensions accumulées depuis deux ans par les personnels des compagnies aériennes et des plateformes aéroportuaires se cristallisent en effet à travers différents appels à la grève. L’aéroport de Bruxelles a d’ailleurs été paralysé le 20 juin dernier. Dans la foulée, les salariés de Brussels Airlines avaient ciblé les dates des 23, 24 et 25 juin. Chez Ryanair, les syndicats ont tenté une mobilisation européenne : les 24, 25 et 26 juin en Belgique et au Portugal, les 25 et 26 juin en France le 25 juin en Italie et du 24 juin au 2 juillet en Espagne. Les déplacements depuis et vers la péninsule ibérique devraient aussi être perturbés par la mobilisation chez easyJet, qui concernera les premier, deuxième et dernier week-ends du mois de juillet. Un préavis de grève a également été déposé chez Air France et Transavia pour le 25 juin – la filiale low-cost prévoit d’autres dates de mobilisation pendant l’été -, tandis qu’un débrayage a été voté chez British Airways, sans que la date ne soit encore connue. |