
Sur la Côte d’Azur comme ailleurs, le concept du MICE hybride a fait une entrée remarquée au cours des derniers mois. Mais au sein d’une destination gâtée par la nature, la question de l’événement-écran peut se poser différemment… « Venir à Antibes pour y tenir un événement digital ne présente aucun intérêt : autant rester à Paris », tranche Jean-Pierre Derail, Directeur du Palais des Congrès d’Antibes Juans-les-Pins. « Quand le Covid est arrivé, tout le monde s’est mis au digital et on a proclamé la fin de l’événementiel. On gagne du temps, de l’énergie, c’est moins polluant… Maintenant, les gens en sont saturés. Le temps moyen de concentration devant un écran ne dépasse pas 2 heures. Alors pour un congrès de trois jours… ». Pourtant, le Directeur du Palais des Congrès d’Antibes Juans-les-Pins en convient : il a pu tendre l’oreille aux sirènes de l’hybride, avant de s’en détourner. « Si l’on m’avait interrogé il y a quelques mois, j’aurais pu dire : « l’avenir, c’est l’hybridation« . Le digital permet d’élargir l’audience, de faire intervenir des conférenciers éloignés à moindre coût. Mais finalement, quand on discute avec les clients, ils n’envisagent le format digital que sous la contrainte, s’ils n’ont pas le choix. Les gens veulent se rencontrer ». Au-delà de l’aspect anthropologique, ce constat répond aussi à une logique plus pragmatique, celle du modèle économique de l’événementiel. « Il faut se rappeler qu’un congrès vit par sa partie exposition, qui finance l’événement. En format digital, il n’y a pas ou peu d’exposants, c’est donc un peu se mettre une balle dans le pied. Dans les congrès médicaux, il faut pouvoir montrer les produits, les nouvelles machines, ce qui n’est pratiquement pas possible en digital ».
Ces réserves vis-à-vis de l’événement digital sont partagées par d’autres acteurs du MICE en Côte d’Azur. A Mandelieu-la-Napoule, où l’on a pourtant voulu croire en l’affirmation d’une demande hybride, le soufflé est rapidement retombé. Le studio de streaming qui a été installé dans le Centre Expo Congrès n’a pas fait long feu : il a été transformé à nouveau en salle de réunions. « L’outil digital, nous l’avons tous appréhendé, nous l’avons amélioré, cela a été une opportunité… mais nous en avons tous assez », résume Odile Delannoy, Directrice du Centre Expo Congrès de Mandelieu-la Napoule, et par ailleurs présidente du réseau Coésio. « Nous avons eu des événements totalement digitaux, puis hybrides, mais le modèle économique est difficilement exploitable, et l’humain a besoin de relations humaines. Nous allons continuer à utiliser le digital, pour étendre l’audience de nos congrès ou de nos salons professionnels. C’est pour ça que nous avons créé une salle Social Network Room. Mais le tout digital : non. Nous avons essayé, nous nous sommes adaptés, mais in fine on a besoin de se rencontrer. Il y a une saturation vis-àvis de l’outil digital. Une salle réagit, pas un écran », tranche Odile Delannoy.
Le constat est le même chez Pierre-Louis Roucariés. Le Président de Provence Côte d’Azur Events (PCE) et de l’Unimev explique : « je crois beaucoup dans le fait que les communautés physiques vont vouloir se réunir à nouveau dans des formats qui existaient auparavant. Le digital va même créer une communauté encore plus importante tout au long de l’année, qui va bien mieux travailler ensemble, et cela va générer l’envie de se rencontrer physiquement. Les opérateurs technologiques ont fait beaucoup de progrès pour la rencontre virtuelle, et cela va continuer. Des événements virtuels auront lieu, qui pourront dans certains cas remplacer l’événement physique. Mais il y a un élément intrinsèque à l’événement, c’est le hasard. Or la technologie ne laisse pas la place au hasard. Sur un salon, il y a toujours la rencontre qui n’était pas programmée, via un tiers, ou au hasard d’une allée, qui permettra de découvrir un nouveau stand, une nouvelle technologie. Cela n’aurait pas eu lieu sur un programme totalement calibré, comme c’est le cas sur un événement virtuel, car il permet de gagner du temps ».
Je pensais que ce n’était pas notre rôle de faire des événements hybrides, parce que notre rôle à la Semec c’est de mettre des têtes sur les oreillers, et des gens à la table des restaurants, pas de faire du digital
A Cannes, le débat a également eu lieu. « Il y a un an, moi le premier, je n’étais pas convaincu : je pensais que ce n’était pas notre rôle de faire des événements hybrides, parce que notre rôle à la Semec (Société d’économie mixte pour les événements cannois), c’est de mettre des têtes sur les oreillers, et des gens à la table des restaurants, pas de faire du digital. Mais c’est incontournable. Cette poussée du numérique est réelle et va s’accentuer », témoigne Didier Baudoin, Directeur général du Palais des Festivals. Cannes mise donc officiellement sur cette tendance, au point d’avoir rejoint le réseau international Hybrid City Alliance. L’inauguration du Studio Hi 5 s’inscrit dans le prolongement de cette initiative, anticipant l’évolution de la demande : « Nous nous sommes posés beaucoup de questions, et notamment : y aura-t-il autant de gens qu’auparavant ? Evidemment, nous sommes arrivés à la conclusion que non », estime Jean-Michel Arnaud, Président du Palais des Festivals et des Congrès de Cannes. « Il y aura de nouvelles jauges, avec 20 à 25% de personnes qui pendant un, deux ou trois ans ne refréquenteront peut-être plus de la même façon les congrès et les événements. Nous avons donc mené toute une réflexion sur l’accueil, la logistique, les opérations du Palais. Nous avons réfléchi à ce qui pourrait nous permettre à la fois d’absorber moins de gens, mais d’en toucher davantage, c’est à dire de créer de l’audience, d’élargir l’audience. Le numérique n’a pas pour objectif de remplacer la présence des clients sur les salons. Au contraire, il s’agit d’accroître l’audience. C’est un formidable levier pour aller chercher de futurs participants, et élargir la cible », ajoute Jean-Michel Arnaud.
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