Horizons dégagés pour l’hôtellerie mondiale

Revenus aux niveaux de 2019, les résultats des leaders de l'hôtellerie pour le dernier trimestre et l'ensemble de l'année 2022 tirent un trait sur la période covid. Le retour de la clientèle affaires et les réunions d'entreprise participent à cette embellie.
Siège du groupe Accor © Yves Forestier
Siège du groupe Accor © Yves Forestier

Le retour en force de la clientèle dans les hôtels des grandes métropoles européennes, Paris et Londres en tête ; un marché domestique américain toujours aussi dynamique ; un événement porteur – la coupe du monde au Qatar – irriguant toute l’hôtellerie au Moyen-Orient ; une reprise généralisée en Asie-Pacifique, la Chine exceptée : tous ces éléments favorables ont concouru à faire du dernier trimestre 2022 une période très profitable pour l’hôtellerie mondiale. Pour le deuxième trimestre consécutif, Christopher Nassetta, le président du groupe Hilton, constatait ainsi « une progression continue sur tous les segments, avec des RevPAR loisirs, affaires et groupes dépassant tous les niveaux de 2019« .

Les uns après les autres lors de l’annonce de leurs résultats trimestriels et annuels, les grands groupes hôteliers ont refermé la page Covid en présentant des revenus par chambre – ou RevPAR – supérieurs à ceux de 2019. D’où un élan commun positif. Keith Barr, directeur général d’IHG, s’est réjoui « de constater qu’au second semestre, nous avons dépassé les niveaux de 2019« , a commenté. Anthony Capuano, le patron de Marriott, a vu l’année se terminer « sur une note très élevée, avec des RevPAR en hausse de 7 % en décembre et de 5 % au quatrième trimestre par rapport à 2019« . Au final, ces deux groupes concluent 2022 avec un RevPAR encore en léger retrait en comparaison de 2019, de -4,0% chez Marriott sur l’ensemble de l’année et de -3,3% pour IHG pour la même période.

De son côté, Accor, notamment grâce à une hausse de +15% au dernier trimestre 2022 vs 2019, a même réussi à présenter un RevPAR en positif par rapport à l’exercice 2019. En effet, le revenu par chambre de l’hôtelier français dépasse de +2% son niveau d’avant crise, permettant au groupe de publier un chiffre d’affaires en hausse de de 80% à périmètre et change constants par rapport à l’exercice 2021. « 2022 a été l’année d’une reprise très dynamique du tourisme et nos performances, en forte croissance dans toutes les régions, témoignent de ce rebond« , a déclaré Sébastien Bazin, PDG de Accor.

Géographiquement, le groupe français enregistre pour les douze derniers mois, et par rapport à la période pré-pandémie, un RevPAR en progression de + 3% en Europe du Sud, la France inclue – à noter que sur ce marché et en ce qui concerne le segment économique, B&B Hotels présente un rebond du RevPAR de +13% vs. 2019 -, mais aussi de +5% sur le continent américain et, plus encore, de +47% pour l’Inde-Moyen-Orient-Afrique. Une région tirée par plusieurs facteurs porteurs : l’Exposition universelle de Dubaï, les pèlerinages en Arabie Saoudite et pour finir la coupe du monde au Qatar. Parmi les zones encore à l’écart de cette dynamique, Accor note que ses hôtels en Europe du Nord enregistrent un RevPAR en retrait de – 6% par rapport à 2019, la solide activité au Royaume-Uni étant compensée négativement par un marché allemand où les foires et congrès n’ont pas joué leur rôle moteur.

Autre partie du monde en mal de sa clientèle principale – les voyageurs chinois – , l’Asie-Pacifique enregistre un revenu par chambre inférieur de -18% au niveau de 2019. Mais, hormis en Chine, encore engluée dans sa politique zéro covid, l’hôtellerie asiatique a pu repartir de l’avant ces derniers mois. En Asie du Sud-Est, le quatrième trimestre 2022 a été marqué par une amélioration significative de l’activité (+17 points par rapport au trimestre précédent), tirée par la destination Singapour, la clientèle loisirs en Thaïlande et la réouverture du Japon depuis le mois d’octobre. Dans le Pacifique, le niveau d’activité est même supérieur à celui d’avant-crise.

Lobby du JW Marriott Berlin.
Lobby du JW Marriott Berlin.

Le retour attendu de la clientèle chinoise en 2023, après la reprise des voyages transatlantiques en milieu d’année 2022, dégage encore l’horizon de l’hôtellerie mondiale malgré les incertitudes actuelles. « L’hébergement est une activité cyclique et n’est pas à l’abri des ralentissements de l’environnement macroéconomique. Mais jusqu’à présent nous n’avons pas vu de signes de ralentissement de la demande« , remarque Anthony Capuano. De ce fait, Marriott envisage pour 2023 une croissance du REVPAR de +6 à +11 % au plan global et de +12% à +18 % pour ses hôtels hors Etats-Unis.

Les prévisions des autres groupes sont à l’avenant, comprises entre +4% et +8% pour Hilton, entre +5% et +9% du côté de Accor et entre +10% et +15% pour Hyatt. Si IHG ne donne pas d’indications pour l’année en cours, son PDG Keith Barr estime que, « malgré les incertitudes économiques, nous prévoyons que la demande de loisirs restera forte sur de nombreux marchés, parallèlement à la réouverture en cours de la Chine et à un nouveau retour des voyages d’affaires et de groupe« .

Dynamique de groupe et retour de la clientèle affaires

Car, alors que la clientèle loisirs reste à un niveau élevé, la nouvelle dynamique de la clientèle affaires participe à l’embellie de l’hôtellerie mondiale. C’est notamment vrai outre Atlantique, un marché où IHG a enregistré sur le segment Business un RevPAR de +5% supérieur à 2019, conjonction d’une fréquentation de -2% et d’une croissance tarifaire de + 7%. Cette bonne tenue de la clientèle affaires individuelle, revenue à 90% de son niveau pré-pandémie, explique aussi que Marriott, après deux années de stabilité, ait pu négocier avec ses grands comptes outre Atlantique une hausse des tarifs corporate s’approchant des deux chiffres pour 2023. Le groupe américain constate une reprise soutenue surtout par les petites et moyennes entreprises. « Nous avons constaté une reprise plus lente, mais régulière, de la part des grandes entreprises, mais elles ont encore du chemin à parcourir pour retrouver les niveaux d’avant la pandémie« , a expliqué Anthony Capuano, lors du jeu de questions-réponses suivants l’annonce des résultats.

IHG s’attend à ce que la dynamique du voyage d’affaires aux Etats-Unis se duplique ailleurs dans le monde. « Les progrès réalisés aux États-Unis laissent entrevoir un potentiel ailleurs« , IHG soulignant par ailleurs que les négociations sur les tarifs d’entreprise pour 2023 « devraient favoriser de nouvelles augmentations du prix moyen« . Le groupe britannique table sur des voyages d’affaires toujours aussi essentiels parmi les moteurs de croissance à long terme du secteur. « Les enquêtes menées auprès des entreprises indiquent un retour continu de l’activité de voyage et la possibilité d’une plus grande utilisation des hôtels pour soutenir les conditions du travail hybride et flexible« , souligne IHG.

Concernant la clientèle affaires, IHG estime aussi et surtout que « les groupes et les réunions devraient également connaître une reprise continue en 2023 ». L’activité MICE est revenue en effet à ses niveaux pré-pandémie. « Les réunions d’entreprise ont stimulé les performances en s’améliorant plus de sept points par rapport au troisième trimestre, remarque Christopher Nassetta, le PDG de Hilton. Quand les gens se sont de nouveau sentis à l’aise, ils ont commencer à replanifier des événements comme des fous, même les grands groupes, les associations« . Un élan qui va se poursuivre puisque le volume de réservations de groupe provisoires annoncé par Hilton est en hausse de plus de 20 % par rapport à 2022, « aidées par la demande croissante de réunions d’entreprise, les organisations réunissant à nouveau leurs équipes« .