A l’heure de faire les comptes de l’année 2020, le cabinet In Extenso a dressé, lors de sa conférence annuelle, un bilan évidemment très sombre pour l’hôtellerie française. Le revenu par chambre (RevPAR), mètre étalon de la profession, a subi un recul de 55 % par rapport à 2019, ce chiffre faisant la synthèse des hôtels aussi bien ouverts que fermés. Sans surprise, leur niveau d’occupation, suspendu aux règles de confinement et aux restrictions de déplacement, a atteint un plus bas historique, à seulement 32 % sur l’ensemble de l’année. Abyssal… « La pandémie a généré une crise incomparable à celles déjà vécues par les acteurs du secteur, dont...
A l’heure de faire les comptes de l’année 2020, le cabinet In Extenso a dressé, lors de sa conférence annuelle, un bilan évidemment très sombre pour l’hôtellerie française. Le revenu par chambre (RevPAR), mètre étalon de la profession, a subi un recul de 55 % par rapport à 2019, ce chiffre faisant la synthèse des hôtels aussi bien ouverts que fermés. Sans surprise, leur niveau d’occupation, suspendu aux règles de confinement et aux restrictions de déplacement, a atteint un plus bas historique, à seulement 32 % sur l’ensemble de l’année. Abyssal… « La pandémie a généré une crise incomparable à celles déjà vécues par les acteurs du secteur, dont les conséquences semblent, rétrospectivement, dérisoires face à la crise actuelle« , remarque le cabinet de conseil.
L’hôtellerie des grandes métropoles françaises, plus dépendants de la clientèle affaires et des événements MICE, a naturellement été très impactée. L’hôtellerie parisienne affiche par exemple un RevPAR en recul de 74 % sur l’année et la Côte d’Azur une baisse de -65 %, l’absence des touristes internationaux étant en partie compensée par la clientèle loisirs domestique. Dans ce cadre, portés par une bonne saison estivale sur les littoraux, les hôtels en régions ont vu leur RevPAR ne reculer « que » de 47 %, malgré les difficultés connues dans leurs grandes agglomérations.
Des régions plus performantes que les grandes villes et une hôtellerie économique plus résiliente que les catégories haut de gamme et luxe : ces deux tendances sont identiques partout en Europe, et même de façon plus accentuée qu’en France. Selon le cabinet STR, l’hôtellerie européenne accuse une chute de 72 % de son chiffre d’affaires, tandis que le RevPAR mondial a enregistré une baisse de 50 % en moyenne. En prenant en compte l’ensemble des hôtels ouverts et fermés, la fréquentation des hôtels européens s’est élevé à à peine 25 % en 2020. Ce niveau est sensiblement similaire à celui constaté en Afrique ou en Amérique du Sud, mais est en retrait par rapport à la Chine (44 %), aux États-Unis (40 %) ou au Moyen-Orient (39 %).
Toutefois, si des signes de reprise s’observent déjà dans certaines parties du monde, avec des taux d’occupation dépassant les 50 % à Dubaï, Pékin et Singapour, l’hôtellerie européenne reste à la traîne. « L’année 2021 n’a pas commencé comme prévu avec des hôtels toujours très peu fréquentés, remarque Aoife Roche, directrice commerciale Hotels de STR. Les 90 prochains jours seront difficiles dans toutes les principales villes d’Europe. Mais il y a de l’espoir à plus long terme, notamment à partir du quatrième trimestre. La patience est une vertu. » Selon STR, la fréquentation des hôtels dans le monde – hors Chine – ne devrait plus être en retrait en fin d’année que de 10 à 15 points par rapport à 2019. Au final, le cabinet s’attend néanmoins à un recul du RevPAR global compris entre 50 % et 60 % par rapport à 2019.
Dans son analyse, le cabinet In Extenso note qu’en France, « six hôteliers sur dix estiment un possible retour à la normale à plus d’un an. La majorité des hôtels fermés – soit environ un quart des hôtels du parc en décembre – ne savent toujours pas quand ils rouvriront. » Dans ce cadre, le redémarrage du tourisme hexagonal est fortement conditionné par « la reprise du trafic aérien et par le retour des clientèles internationales et MICE. Le calendrier événementiel pourrait reprendre en seconde partie d’année, à la fin de l’état d’urgence sanitaire, comme en témoigne l’annonce du report du festival de Cannes au mois de juillet. »
Avec une activité quasi nulle pour les conférences et les grands événements, du moins en début d’année, et une demande affaires toujours fluctuante, le mieux viendra en premier lieu du tourisme domestique de loisirs. Dans ce cadre, Caroline Leboucher, directrice générale d’Atout France, a souligné lors de la conférence annuelle d’In Extenso que « fidéliser les clients et en capter de nouveaux, parfois locaux, seront des enjeux majeurs pour les hôteliers à la reprise. D’où la nécessité pour les professionnels de susciter la curiosité des clients, les informer et leur donner envie de revenir, notamment en développant leur présence numérique et en pensant les hôtels comme un lieu de vie où coexiste la culture locale et le sens du voyage. »
« La crise va faire que le secteur sera plus digitalisé, plus responsable, mais aussi plus performant« , estime Béatrice Guedj, Head of Research and Innovation de Swiss Life Asset Managers France qui considère que « malgré la brutalité du choc à court terme, l’hôtellerie reste attractive pour les investisseurs de long terme. La reprise sera là à partir de 2023, cet horizon est désormais communément admis. »
« La crise aura des impacts durables sur la profession« , pense également Philippe Gauguier, associé d’In Extenso TCH, citant plusieurs éléments qui joueront un rôle dans le futur : le télétravail, l’utilisation du digital, les attentes des clients en matière de développement durable, une appétence accrue pour les destinations nationales, mais aussi, et ce qui est positif, cette envie de consommer de l’hôtellerie et de la restauration qui a pu être constatée à la fin du premier confinement. « On a vu aussi surgir des mots comme « staycation », comme « workation » qui montrent une évolution des attentes vis à vis de l’offre hôtelière« , a-t-il ajouté.
Invité de la conférence, Satya Anand, président EMEA de Marriott International, a souligné que « toute période chamboulée a un côté positif et celle du covid ne change pas à la règle. Nous avons dû élever nos protocoles sanitaires pour offrir un environnement plus sûr à nos collaborateurs comme aux voyageurs. Nous avons dû accélérer le développement de notre offre d’expériences digitales. Pas mal de choses resteront. »
Plusieurs professionnels invités à participer à la conférence ont également échangé leurs points de vue. « Aujourd’hui, nous avons rouvert les cuisines pour que nos clients mangent aussi bien qu’au restaurant, a souligné Frédéric Josenhans, PDG de Grape Hospitality Group & France Hostels. Avant, la restauration se limitait quelquefois à quelques bocaux. Il n’y avait pas de click & collect. Ne résisteront dans l’après-crise que ceux qui auront réussi cette transformation. Les autres seront mangés par Airbnb. »
Dans ce cadre, un type d’hôtellerie se montre plus résilient que les autres ces derniers temps : le lifestyle. « Prenez un des nos hôtels, le Mama Shelter Toulouse : il a fait beaucoup de take away pendant la période et a attiré en parallèle plus de résidents grâce à son room service plus attractif, a remarqué Pierre Mattei, PDG de Keys REIM. La mutation s’accélère avec des hôtels et très forts sur la partie F&B. » Jean-Baptiste Martin, PDG de Suitcase Hospitality, constate également qu’avant, « la restauration d’hôtel, ça n’était pas toujours très glamour. Là, de nouveaux entrants sont venus bousculer tout cela avec du son, de la lumière, des produits locaux. Les restaurants et bars seront essentiels demain. Grâce à cela, les voyageurs d’affaires n’ont pas le sentiment d’être dans un hôtel-bureau et peuvent avoir envie de rester plus longtemps parce qu’ils passent de bons moments. »