Corinne Menegaux (OT Paris) : « une ville qui porte les mêmes valeurs »

Activité MICE, attractivité de la destination Paris, amélioration du parcours des voyageurs d'affaires : Corinne Menegaux, directrice générale de l'Office du Tourisme et des Congrès de Paris, évoque l'actualité du tourisme à Paris.
Corinne Menegaux, directrice générale de l'Office du Tourisme et des Congrès de Paris
Corinne Menegaux, directrice générale de l'Office du Tourisme et des Congrès de Paris.

Habituée aux premières places du classement des villes de congrès ICCA, Paris ne fait plus partie du trio de tête du palmarès 2021. Est-ce dommageable pour la destination ?

Corinne Menegaux – Cela n’enlève rien au fait que Paris soit une destination privilégiée en matière de congrès. Hormis ces dernières années compliquées, le planning 2023-2025 n’a d’ailleurs pas faibli par rapport aux années précédentes. Il faut par ailleurs noter que la méthode de comptage de l’ICCA était un peu différente en 2021, prenant en compte les événements purement virtuels et pas seulement hybrides. Un sujet sur lequel nous n’avions pas répondu considérant qu’un événement virtuel, même s’il apporte à la filière, n’est pas contributif pour la destination. Cette différence explique ce décalage, d’autant qu’on nous avait dit qu’il n’y aurait pas de classement…

En ce qui concerne l’année 2022, la reprise de l’activité MICE a-t-elle répondu à vos attentes ?

Corinne Menegaux – Après trois premiers mois encore compliqués, on rattrape, mais l’année devrait être encore en deçà du niveau de 2019. Tous les événements ont de nouveau lieu, de taille souvent plus petite, mais avec de bons retours sur investissement. On savait déjà, avant le covid, que les grands événements avaient un peu de mal, qu’on arrivait au bout de certains modèles. Nous sommes dans une phase de redimensionnement de cette industrie qui est assez intéressant à voir. Des événements à taille plus humaine, avec des visiteurs plus proactifs et plus ciblés, mais des stands plus petits, et partant plus vertueux, c’est peut-être aussi bien finalement.

L’accueil de ces événements reste cependant une de vos priorités. Quelles sont vos dernières initiatives pour soutenir le secteur ?

Corinne Menegaux – Nous avons commencé début 2022 par remettre à jour notre charte d’accueil des congrès. Une charte qui engage, à nos côtés, les grands sites d’accueil comme ceux de Viparis ou de GL Events et les acteurs de l’hébergement pour mutualiser les efforts et proposer des conditions préférentielles aux organisateurs. A partir de là, nous avons souhaité aller plus loin avec une nouvelle charte concernant l’accueil de grands événements en général, qu’ils soient sportifs par exemple ou corporate. Une charte d’accueil qui traite l’ensemble des verticales concernées, c’est-à-dire l’hébergement et les sites de congrès, mais aussi les agences réceptives, les traiteurs, les transports. Là aussi, l’objectif est de porter un message collectif pour la destination, chacun s’engageant à son niveau à faire le mieux possible en matière d’expérience client, mais aussi de flexibilité dans les conditions d’annulation, un sujet sur lequel nous avons beaucoup insisté. Ce travail est déjà bien avancé, l’idée étant de sortir cette nouvelle charte début 2023.

Pavillon 6 du parc des expositions de la porte de Versailles.

Quels messages portez-vous aux organisateurs ?

Corinne Menegaux – Aujourd’hui, Paris a tout à faire valoir. On est une ville très inclusive, très portée sur l’éco-responsabilité, le tourisme durable. Je reste persuadée que, quand vous êtes une entreprise, vous choisissez une ville qui porte les mêmes valeurs pour organiser un événement. Il y a un certain nombre de valeurs fortes sur lesquelles Paris est extrêmement bien positionnée, et qui sont clés au moment de faire un choix.

En matière d’éco-responsabilité, Paris ne souffre-t-elle pas de la concurrence d’autres métropoles, par exemple des villes du Nord de l’Europe ?

Corinne Menegaux – Je ne dis pas qu’on est parfait, mais Paris a quand même beaucoup travaillé sur ces sujets-là, que ce soit les pistes cyclables, les transports en commun, le réseau de chauffage et de refroidissement… Dans le dernier classement Global Destination Sustainability Index, Paris est d’ailleurs remonté de la 55e à la 25e place. Alors oui, certains villes du Nord sont en avance, notamment Göteborg qui est première au GDS Index. Mais je vous défie d’y trouver des lieux de taille équivalent à ceux de Paris. Nous sommes quand même la première ville dans le monde en matière d’infrastructures. En ce qui concerne les transports, même si ce n’est pas toujours simple pour les visiteurs, Paris dispose aussi d’un des réseaux les plus étendus au monde. Sur les grands événements mondiaux, le besoin d’infrastructures fait qu’au final, Paris se retrouve en concurrence avec un nombre limité de grandes métropoles telles Londres, New York, Barcelone ou Vienne.

Justement, la crise a-t-elle changé certaines choses, avec notamment des événements d’envergure maintenant plus régionale que mondiale ?

Corinne Menegaux – Il n’y a pas de changements notables, d’émergence subite d’une ville qu’on voyait moins auparavant. Paris a de quoi répondre à l’ensemble des demandes, pour de petits comme de très gros événements. Et son accessibilité reste quand un critère important. Par exemple, si vous ne faites plus un grand événement mondial, mais plusieurs rendez-vous régionaux, je vous défie d’aller le faire à Dijon. Je n’ai absolument rien contre Dijon, notez-le bien. Dijon est une destination centrale, au cœur de plein de choses. D’ailleurs, pour les métropoles de plus petite taille, sur des événements plus petits, de portée nationale, il y a de vraies opportunités aujourd’hui. Ce qui est très bien, au contraire.

Si les événements rattrapent progressivement leur retard, la reprise des voyages d’affaires semble plus timide. Comment faire pour l’accélérer ?

Corinne Menegaux – La clientèle d’affaires revient il est vrai un peu moins vite, mais la reprise a tendance à s’accélérer avec les salons professionnels qui attirent de nouveau pas mal de clientèle. Ce sont de vrais leviers d’attractivité. En marge de note charte d’accueil d’événements, travailler sur les filières d’excellence en Ile-de-France – le design et la création, la tech, la santé, le sport… – est d’ailleurs un autre de nos autres grands sujets. En plus des valeurs portées par la ville, une entreprise qui organise un événement portera son choix sur une destination où sa filière est bien implantée dans le tissu économique, permettant par là même de faire des rencontres, de découvrir de nouveaux sujets.

Sur quoi travaillez-vous pour mettre en valeur la destination auprès des organisateurs ?

Corinne Menegaux – A travers notre initiative Paris Local destinée à la clientèle loisir, nous travaillons énormément à valoriser le territoire et les savoir-faire du Grand Paris. Ce qui peut aussi être intéressant pour la clientèle B2B. Par exemple, pour l’organisateur d’une convention à la porte de Versailles, il est intéressant de pouvoir dire aux congressistes où aller dans un rayon de deux kilomètres. On peut préparer des cartographies pour montrer ce qu’il y a à faire autour du site, les bons bistrots ou les restaurants bio, les artisans, où trouver le meilleur croissant. Mais cela peut aussi concerner les voyageurs d’affaires en général, ceux qui viennent régulièrement à Paris, qui reviendront peut-être moins souvent, mais pour plus longtemps. Nous réfléchissons à éditorialiser pour elle des contenus à forte valeur ajoutée qui pourraient faciliter leur parcours.

Quelles pistes de réflexion avez-vous en tête ?

Corinne Menegaux – Par exemple, un voyageur qui assiste à un salon sur une journée ou deux a souvent besoin de trouver un endroit pour faire une visio, passer un coup de fil. L’idée serait de pouvoir lui dire où trouver des solutions, quels sont les endroits où réserver une salle à proximité. De la même manière, on pourrait leur dire ce qu’il y a à faire autour des gares s’ils ont deux heures à tuer. Des solutions existent aujourd’hui, il faut maintenant trouver la manière de les référencer et de le communiquer, pourquoi pas à travers notre site web B2B.

Y a-t-il d’autres choses qui pourraient simplifier, selon vous, les voyages d’affaires dans la capitale ?

Corinne Menegaux – Je rêverais que Paris soit plus « friendly » avec les voyageurs business. Ce qui n’est pas facile, je vous l’accorde, mais on peut quand même essayer. L’enjeu est de leur faire gagner du temps et de gommer certains irritants sur leur parcours. Il y a sans doute des programmes de fidélité ou autres à imaginer pour leur donner des accès plus rapides en transport à la capitale, une file de taxi dédiée, un passage de douane plus simple. Concernant les transports, on travaille beaucoup avec Ile-de-France Mobilités pour faire remonter certains sujets, ce qui est notre rôle en tant qu’office de tourisme. Par exemple, un billet de RER pour Villepinte Ville n’est pas au même prix que pour Villepinte Parc des expositions. Je défie un visiteur étranger de le savoir. Il faudrait qu’il y ait une solution, un passe ou autre, pour les touristes n’aient pas à se poser de questions.

Quels autres irritants souhaiteriez-vous gommer ?

Corinne Menegaux – Parmi ceux-ci, il y a aussi le sujet de la billetterie dans les musées où, pourquoi pas, des billets coupe file pourraient être envisagés. Aujourd’hui, pour une exposition, vous êtes obligés de réserver vos créneaux bien à l’avance. Mais, pour un voyageur d’affaires qui ne maîtrise pas son agenda, dont une réunion peut être annulée au dernier moment, il est quasi impossible de profiter de ce temps soudain libéré. Or, ces activités culturelles sont une des vitrines de Paris à l’étranger. Nous avons d’ailleurs commencé à éditer tous les mois un best of des activités du mois, liste qui est communiquée aux salons et aux parcs des expositions, et par ce biais aux congressistes qui peuvent ainsi voir ce qu’il y a à faire à Paris quand vous allez venir dans 15 jours.

Au final, par-delà ses défauts, Paris reste toujours Paris, une métropole toujours aussi attractive.

Corinne Menegaux – Il est toujours bien de faire mieux, d’être plus attractif, plus hospitalier. Mais on peut voir qu’après des moments difficiles, le momentum est assez bon depuis la réouverture des frontières. Paris ne s’est pas arrêté de travailler, alors que, quand on regarde New York aujourd’hui, on y ressent moins d’effervescence. Sur la 5e Avenue, la moitié des boutiques sont vides, alors, grâce aux aides, peu de commerces fermés à Paris. La reprise a été plus rapide. La pandémie a même apporté quelques sujets de vie intéressants, quand on voit tous ces gens en terrasse quand on se balade, ce qui n’était pas le cas il y a cinq-six ans. Paris est dans une vraie dynamique.