Interview : Nathalie Stubler, PDG de Transavia France

Les équipes de Transavia France se sont rendues récemment à Seattle, pour y célébrer l'acquisition d'un 32e appareil Boeing. Nathalie Stubler, CEO de Transavia France explique à cette occasion le plan de vol de la compagnie aérienne, son positionnement au sein du groupe Air France KLM, et son ambition pour les mois à venir.
Nathalie Stubler
Nathalie Stubler, CEO de Transavia France, à l'occasion de la livraison du 32e Boeing de la compagnie, à Seattle

Que représente l’acquisition de ce nouvel appareil célébrée à la fin du mois de mars par Transavia France ?

Nathalie Stubler – Aller chercher un nouvel appareil constitue toujours un événement unique. Il s’agit là du 32ème Boeing de Transavia France. Avec l’arrivée d’un autre appareil au printemps, cela se traduira par une croissance de 18% en termes de sièges kilométriques offerts (SKO) pour cette année. Au cours des 5 dernières années, Transavia France a triplé sa taille !

Ne craignez-vous pas de voir baisser le taux d’occupation ?

N. S. – En 2017, avec une hausse de l’offre de 12%, nous avions fini avec un taux d’occupation de 91%. Nous sommes montés à 94% en février 2018. Nous avons donc trouvé notre marché et nous sommes confiants.

Qui sont les clients de Transavia France ?

N. S. – Nos passagers sont plutôt Français, à hauteur de 78%, même si certaines routes attirent une importante clientèle étrangère. C’est le cas à Madrid par exemple, où la part des voyageurs espagnols atteint 40%.

Quelle est la part du voyage d’affaires ?

Nathalie Stubler – Il est difficile de donner un pourcentage global car les motifs du voyage varient beaucoup d’une destination à l’autre. Nous avons des destinations qui sont exclusivement vacances et loisirs. Mais il y a aussi beaucoup de PME sur les routes dont les fréquences sont les plus élevées, en particulier Porto, où nous passons de cinq à six vols par jour, ou encore Madrid avec quatre vols par jour. Sur de telles liaisons, nous pouvons attirer une clientèle affaires en quête des meilleurs prix avec un service adapté à leurs besoins.

Parvenez-vous à chiffrer la part de cette clientèle affaires ?

N. S. – Elle se situe entre 10 et 15% – parfois même au-delà – sur les routes les plus fréquencées. Les vols vers Porto notamment attirent beaucoup de PME. Notre réseau compte aussi des routes mixtes comme Tanger, qui peut attirer à la fois une clientèle affaires et loisirs.

Transavia France
Sur le tarmac du centre de livraison Boeing, Nathalie Stubler, CEO de Transavia France, accompagnée de l’équipage rapatriant à Orly le 32e appareil de la compagnie

Le bleisure doit avoir un impact particulier sur une compagnie comme la votre…

N. S. – C’est une tendance de fond, qui s’est accentuée avec les nouveaux outils favorisant la mobilité, et qui correspond bien à notre signature sur un certain nombre de routes. Le plus souvent, il s’agit de profiter d’un temps libre entre deux réunions pour aller visiter un incontournable de la destination, comme le Douro à Porto. D’autres clients prolongent même le voyage d’affaires le temps d’un week-end.

Pourriez-vous adapter votre offre pour cibler plus directement les voyageurs d’affaires ?

N. S. – Nous n’avons pas conçu une offre spécifique pour le voyage d’affaires, mais nous restons attentifs à cette clientèle. Notre offre tarifaire répond d’ailleurs aux besoins des voyageurs d’affaires. Nous avons trois offres : Basic, Plus et Max. Cette dernière permet de modifier le billet jusqu’au départ, donne accès au fast track, à l’embarquement prioritaire et à une place à l’avant de l’appareil. Ce sont les services que plébiscitent les voyageurs d’affaires. Le codeshare avec Air France et le fait que nos clients puissent désormais cumuler des miles dans le cadre du programme de fidélisation Flying Blue sont aussi des arguments qui font sens pour les voyageurs d’affaires, en particulier les TPE et PME qui recherchent l’achat au meilleur prix avec le meilleur service.

l’équipage constitue vraiment un élément de différenciation

Comment fidéliser une clientèle qui, sur le marché low-cost, est par nature opportuniste ?

N. S. – Il y a bien sûr un incontournable : le prix, qui se doit d’être dans les gammes low-cost. Notre structure de coûts nous permet de garantir ces prix bas, mais cela ne suffit pas. Nous nous différencions donc aussi par notre appartenance au groupe Air France KLM. Pour beaucoup de clients, c’est un gage de qualité, qui rassure, qui donne accès à des avantages dans le cadre de Flying Blue et qui nous garantit aussi une meilleure visibilité. Nous valorisons par ailleurs la transparence de notre offre : le client paye exactement le prix indiqué, il n’y a pas de frais cachés. Il y a aussi un paramètre essentiel, qui repose sur la manière dont nous nous occupons de nos clients. Chez Transavia France, l’équipage constitue vraiment un élément de différenciation. C’est un vrai plus et toutes les enquêtes le confirment. Nous leur offrons une grande autonomie sur la relation commerciale, il existe même un groupe d’ambassadeurs au sein de nos PNC, qui n’hésitent pas à proposer des idées, des initiatives. Cela donne lieu à des animations à bord comme à Halloween ou la St Patrick. In fine, ce sont eux qui font la différence et incarnent notre promesse « we make low cost feel good »

Quid du digital ?

N. S. – Là aussi, nous valorisons la proximité avec le voyageur. D’ailleurs, derrière le digital il y a aussi beaucoup d’humains. Nous allons poursuivre nos efforts dans ce domaine, sachant qu’aujourd’hui déjà 30% de nos ventes digitales se font depuis le mobile. Le service clients aussi est très orienté mobile, en se différenciant notamment sur WhatsApp. 60% de nos contacts clients sont effectués sur les réseaux sociaux. Pour nos clients Espagnols, cela monte même à 94%.

Avez-vous recours aux chatbots pour automatiser cette relation ?

N. S. – Uniquement pour les questions les plus simples et les plus récurrentes, par exemple concernant la taille du bagage cabine. Dans les autres cas, le suivi est assuré par une filiale du groupe Air France – KLM, dont une équipe est dédiée à Transavia pour interagir avec nos clients sur les problèmes plus complexes. WhatsApp est extrêmement apprécié des clients, qui souhaitent pouvoir interagir sans téléphoner, et gratuitement.

Transavia France
« Chez Transavia France, l’équipage constitue vraiment un élément de différenciation » : Nathalie Stubler, CEO de la compagnie

Ne craignez-vous pas un manque de lisibilité entre les différentes compagnies du groupe, notamment entre Transavia France et Transavia Hollande ?

Nathalie Stubler – Qu’il s’agisse de Transavia France ou Pays-Bas, du point de vue du client, il s’agit de la même marque, des mêmes uniformes, simplement avec des bases différentes. Transavia est la compagnie low-cost du groupe Air France – KLM, qui dessert l’Europe et le bassin méditerranéen. Le positionnement est donc clair.

Le lancement de Joon n’a-t-il pas rendu les choses plus complexes, toujours du point de vue client ?

N. S. – Non je ne pense pas. Au contraire, chaque compagnie répond à des objectifs clairs. Comme Air France, Joon s’inscrit dans une logique de hub. Elle permet de connecter le monde au monde depuis l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle. C’est l’un des outils qui ressemble le plus à Air France en termes d’offre et de service pour les clients, tout en s’appuyant sur des coûts plus faibles.

Transavia peut aussi être une compagnie laboratoire pour d’autres compagnies du groupe

Joon étant présentée comme une compagnie “laboratoire”, pensez-vous déjà à retranscrire certains de ses tests chez Transavia ? Le système de divertissement via boucle wi-fi par exemple ?

N. S. – Un test a été lancé chez Transavia Pays-Bas. Nous étudions les retours de Joon et de nos collègues néerlandais. Nous avions également lancé un système vidéo innovant via notre application. Il est très positif de pouvoir profiter de cette émulation, de partager les bonnes idées en matière d’innovation, de tester plusieurs méthodes. C’est la force d’appartenir à un grand groupe comme Air-France KLM. Nous sommes très à l’écoute de toutes les bonnes idées. Et il y a un vrai partage au sein du groupe. Par exemple, Transavia et Joon ont toutes les deux travaillé avec la même start-up : TravelCar. Et Transavia peut aussi être une compagnie laboratoire pour d’autres compagnies du groupe. Nous travaillons aussi sur des start-up dans le domaine de l’optimisation de la consommation carburant : un sujet qui intéresse d’autres compagnies du groupe. Il n’y a pas de droit de la propriété sur les bonnes idées au sein du groupe, bien au contraire.

 

Après Orly, Nantes et Lyon, étudiez-vous d’autres aéroports en France ?

N. S. – Notre développement est cohérent avec notre taille, et nous allons déjà enregistrer une très belle progression en 2018. Nous sommes installés à Lyon et Nantes, deux villes où nous annonçons une forte croissance en 2018 (+25% pour Lyon et +40 % à Nantes). Nous voulions aussi être forts à Orly : nous sommes maintenant la principale compagnie low-cost sur cet aéroport, une plateforme accessible, qui sera reliée à terme avec la ligne 14 du métro. C’est un avantage crucial.

Transavia pourrait-elle se lancer sur le long-courrier ?

N. S. – Jean-Marc Janaillac l’a dit : dans cet environnement concurrentiel, on se doit de regarder ce qu’il se passe dans le low-cost long-courrier. Il a lancé des travaux stratégiques, et a donné rendez-vous à l’été. Le déploiement de Trust Together, qui prévoit de développer Transavia au départ de la France, et de monter à 40 avions d’ici 2020, nous occupe déjà beaucoup. La seule année 2018 représente 18% de croissance, 12 nouvelles routes, 140 embauches, quatre nouveaux appareils… Notre feuille de route est donc déjà bien remplie ! Il faut aussi souligner qu’il s’agit d’une croissance rentable. Et dès que nous avons été rentables, nous avons distribué de la participation à nos salariés. Cela motive tout le monde.