
Le plan social décidé par l’hôtel japonais Henn Na du parc d’attractions Hen-Ten-Bosch, près de Nagasaki, a récemment fait parler de lui. L’établissement n’a pas hésité à mettre brutalement à la porte la moitié de son personnel en raison d’un service déplorable. Aucune grogne syndicale face à ce licenciement en masse : les employés en question n’étaient autres que des robots, les uns peinant à naviguer dans les couloirs, quand d’autres avaient le toupet de réveiller les clients au milieu de leur sommeil, confondant ronflements et commande vocale… “Les robots de services à reconnaissance vocale installés dans les chambres ont été supprimés,...
Le plan social décidé par l’hôtel japonais Henn Na du parc d’attractions Hen-Ten-Bosch, près de Nagasaki, a récemment fait parler de lui. L’établissement n’a pas hésité à mettre brutalement à la porte la moitié de son personnel en raison d’un service déplorable. Aucune grogne syndicale face à ce licenciement en masse : les employés en question n’étaient autres que des robots, les uns peinant à naviguer dans les couloirs, quand d’autres avaient le toupet de réveiller les clients au milieu de leur sommeil, confondant ronflements et commande vocale… “Les robots de services à reconnaissance vocale installés dans les chambres ont été supprimés, car ils n’étaient pas équipés d’intelligence artificielle et nécessitaient une mise à jour fréquente du logiciel. Nous misons désormais sur les technologies susceptibles d’augmenter la productivité”, précise le groupe H.I.S Hotel Holdings.
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Ayant essuyé les plâtres de la robotisation hôtelière, le groupe H.I.S fait évoluer son concept et continue à le développer dans les grandes villes japonaises, et bientôt à Taipei et New York. Au Henn Na Ginza, quartier business de la capitale japonaise, l’accueil est par exemple plus policé, plus corporate, avec deux femmes humanoïdes en guise de réceptionnistes. Dans les chambres, au design épuré, une armoire high-tech, conçue par le Coréen LG, défroisse les costumes suspendus en à peine une heure ; pour un fini impeccable avant de partir à la rencontre de ses homologues japonais, toujours très à cheval sur l’étiquette.
“Henn” signifiant à la fois “l’étrangeté” et “l’évolution” en japonais, ce concept traduit la surprise qui attend les voyageurs, mais aussi la mutation en cours de l’hôtellerie. Comme une invitation faite au secteur à retrouver l’esprit pionnier de ses débuts. Par exemple, en 1889, le luxueux Savoy de Londres a pu s’enorgueillir d’être le premier à offrir l’éclairage et des ascenseurs électriques. Luxe ultime pour l’époque, les suites étaient agrémentées de baignoires. Puis, dans les Années folles, ce fut au tour des premières radios, au Park Plaza de Boston, du telex et de la climatisation au Bristol de Paris. Vinrent ensuite la télévision, le minibar…
Ces dernières années, cette longue tradition d’innovation a eu tendance à s’essouffler face au rythme effréné des nouveautés technologiques destinées au grand public. “Mais depuis cinq ans, l’hôtellerie prend un virage digital”, constate Anton Lissorgues, manager senior et leader de la filière hôtellerie-tourisme-restauration au sein du cabinet Mazars France. En 2014, l’hôtel Aloft de Cupertino – la proximité du siège d’Apple n’y est sans doute pas pour rien – a lui aussi fait sensation en embauchant son premier Botlr, petit robot aux allures de R2D2 capable d’appeler l’ascenseur grâce à une connexion WiFi pour s’en aller livrer dans les étages boissons, brosse à dents ou club sandwich. Mais c’est surtout en Asie que la robotisation est la plus répandue, pour ne pas dire banalisée.
À Singapour, près de 400 hôtels disposent déjà d’employés high-tech, certains allant au contact direct des clients, d’autres soulageant le personnel de tâches fastidieuses, par exemple en poussant les chariots remplis de linge de toilette. “Nous avons aussi des robots distributeurs de boissons, des robots concierges et d’autres encore destinés au room service. Ces derniers, disposant de trois compartiments, peuvent effectuer plusieurs livraisons à des étages différents en un seul trajet”, décrit Satya Chandrakumar, directrice du développement commercial de la société Techmetics qui propose ses solutions au Marina Bay Sands, au Sofitel, au Park Avenue Rochester et au Fraser Suites de la Cité-Etat. “Nous avons de belles perspectives pour 2019 et 2020 avec de nombreux projets en cours, poursuit-elle. Au final, le retour sur investissement de ces robots (NDLR : au coût unitaire compris entre 50 000 et 65 000 dollars US pour une durée de vie de sept ans) est inférieur à un an, car ils remplacent trois emplois.” Une perspective d’avenir fascinante ou terrifiante, c’est selon. En tout cas, c’est la réponse trouvée par les hôtels de Singapour pour faire face à la croissance du tourisme conjuguée à une pénurie de main-d’œuvre.

Robots concierges
Cette évolution est-elle pour autant du goût des cadres nomades ? Le cabinet Mazars a récemment conduit une étude auprès de 750 voyageurs sur leurs attentes concernant les nouvelles technologies. “Sur les dix services testés, les robots arrivent en dernière position, remarque Anton Lissorgues. Ça ne fait pas partie des attentes prioritaires. En revanche, croiser un robot concierge, c’est une expérience qu’on peut raconter à ses proches. La valeur ajoutée est assez faible pour le client, mais très forte pour l’image de l’établissement.”
Si les robots sont la vitrine officielle du high-tech dans l’hôtellerie, le secteur suit de près toutes les dernières tendances. L’un des exemples les plus frappants est l’apparition dans les chambres d’enceintes connectées telles Amazon Echo ou Google Home. Même si près de 15 % des foyers américains en sont déjà équipés, ces solutions sont encore loin d’avoir été massivement adoptées au plan mondial. Cependant, à peine l’Internet des objets prend-il son envol que l’hôtellerie est déjà considérée comme un secteur prometteur pour ce type de produits.
Amazon a lancé en 2018 le programme Alexa for Hospitality, du nom de l’assistant vocal développé par le géant mondial du e-commerce. Dopées à l’intelligence artificielle, les enceintes connectées se substituent à la réception pour répondre à des questions simples sur le fonctionnement de l’établissement, par exemple en donnant les horaires d’ouverture du restaurant ou le code du wi-fi. Sans décrocher le téléphone, les voyageurs peuvent également passer commande au room service, réserver une table au restaurant ou un massage au spa, l’enceinte pouvant aussi servir à demander de l’aide en cas de malaise. Partenaire d’Amazon depuis l’été dernier, le groupe Marriott teste la solution Alexa dans certains de ces hôtels et ajoute une particularité à tous les avantages précités. Marriott étant partenaire des conférences TED, il suffit de demander à l’enceinte de diffuser un TED Talk sur la créativité ou le leadership, selon l’humeur, pour que celle-ci s’exécute.
Pour autant, le vrai côté pratique de ces enceintes connectées n’est bien sûr pas là. “Alexa, ouvre les rideaux”, “éteins la lumière”, “n’oublie pas de me réveiller à telle heure” : du fond de son lit, le voyageur se transforme en Alexandre le Bienheureux du XXIe siècle, faisant passer ses désirs pour des ordres. Reliées à la domotique installée dans la chambre, les enceintes permettent aux clients d’en prendre le contrôle à la voix. Ils peuvent même demander à Alexa de produire un “bruit blanc” relaxant pour les aider à s’endormir.
Laboratoires du futur
Nul doute que les enceintes connectées figureront en bonne place dans la chambre du futur, celle sur laquelle planchent les équipes Recherche & Développement des grands groupes. Tandis que Marriott a créé un laboratoire technologique, baptisé IoT Guestroom Lab, en partenariat avec Samsung côté objets connectés et Legrand pour le volet domotique, Louvre Hotels a ouvert en Chine un Innovation Center pour réfléchir aux concepts hôteliers de demain et développer des technologies adaptées à la clientèle chinoise, très friande en matière de nouveauté. Une volonté d’innover matérialisée par l’ouverture de son premier établissement labellisé Smart Hotel, le Campanile Jing An Shanghai.
De son côté, Hilton a présenté la Connected Room fin 2017. Ce concept déployé dans une petite dizaine d’hôtels aux États-Unis entend standardiser le smartphone en tant que télécommande de la chambre. Grâce à l’application Hilton Honors, les membres du programme de fidélité peuvent prendre le contrôle de la télévision, de la température ou de la lumière. De nouvelles fonctionnalités devraient venir enrichir ce concept, par exemple la possibilité d’afficher leurs photos ou œuvres d’art préférées dans des cadres numériques.
À quel horizon la chambre du futur se conjuguera-t-elle au présent ? “On entend beaucoup parler de domotique, de chambre connectée aujourd’hui, mais c’est encore prématuré, estime Ngor Houai Lee, directeur général de Ascott Europe. À mon sens, on est encore sur du gadget pour l’instant. Mais d’ici cinq ans, on aura des choses beaucoup plus stabilisées et industrialisées.” Pierre de Kervénoaël, directeur des ventes de Bowo, qui propose aux hôteliers des tablettes intégrant l’accès à Netflix, Spotify, Pressreader ou encore la commande de plats auprès de Deliveroo, entrevoit les évolutions possibles : “Grâce à l’intelligence artificielle, il sera possible de créer automatiquement une atmosphère en fonction du profil du client. Parce qu’il écoute telle ou telle musique, qu’il vient de lire tel article, qu’il consomme tel type de produit, la musique et la lumière se feront plus ou moins douces, les photos seront plus ou moins dynamiques. Nous appelons ça l’intelligence expérientielle.”
Si la chambre du futur jouera sur cette fameuse expérience, plusieurs services digitaux viennent déjà simplifier le séjour des voyageurs d’affaires. Et cela, non plus seulement à l’hôtel, mais aussi au-dehors. Certains smartphones laissés à disposition des clients dans les chambres rendent ainsi de précieux services. Tout en étant capables de contrôler la domotique, ils offrent surtout la possibilité de passer des appels locaux et internationaux de façon illimitée, évitant aux cadres nomades de coûteux frais de roaming. Pas besoin non plus d’acheter une carte SIM locale pour profiter d’une connexion 4G, puisque là aussi, ce service est gratuit. Ce qui permet de consulter Google Maps ou un traducteur automatique sans risquer de se ruiner. Un détail toujours utile dans des villes inconnues.
Forts de cela, les hôtels en profitent pour glisser dans la poche du voyageur un concierge high-tech diffusant une multitude d’informations sur la ville. Les clients ont même la possibilité de “chatter” avec la conciergerie de l’hôtel pour connaître les derniers restaurants trendys ou les meilleures adresses shopping. Dans ce cadre, la société japonaise Bespoke est allée plus loin en développant un “bot”, un agent conversationnel, qui répond de façon automatique aux questions, une nouveauté proposée par l’Holiday Inn Osaka Namba ou le New Otani de Tokyo. En pariant sur le devenir de ce type de solutions à travers son smartphone handy, la start-up hongkongaise Tink Labs s’est même élevée au rang de licorne, ces fleurons de la nouvelle économie valorisés à plus d’un milliard de dollars. Tink Labs étant partenaire de grandes chaînes comme Sheraton, Novotel, Mercure, InterContinental, Crowne Plaza, Holiday Inn ou encore les hôtels Henn Na, le smartphone handy est du même coup présent dans près d’un million de chambres aujourd’hui.
Sésame high-tech
Connectivité optimale, contrôle de la domotique… En plus de tout cela, handy fait aussi office de clé de chambre, une technologie qui tend à se banaliser depuis que l’ex-groupe Starwood – repris par Marriott –, puis Hilton se sont mis à le proposer aux membres de leurs programmes de fidélité à partir de 2014. Parmi les récents convertis, Louvre Hotels a commencé à déployer à partir de l’été 2017 un nouveau parcours client 100 % digital en agrémentant son application Hotel For You de fonctionnalités telles que l’ouverture de la chambre via une clé mobile, le check-in/check-out dématérialisé et le paiement du séjour.
Exercice cent fois répété par les voyageurs d’affaires, l’enregistrement à l’hôtel est un passage obligé avec des questions qui, sans être aussi sévères qu’un interrogatoire de police, n’en sont pas moins intrusives. “Que demande-t-on au client ? Un, veuillez faire la queue. Deux, montrez-moi vos papiers. Trois, prouvez-moi que vous avez de l’argent sur votre compte”, décrit Fabrice Collet, directeur général de B&B Hotels, dont les établissements économiques permettent depuis peu l’enregistrement à distance, sur un smartphone ou via internet. Il n’est pas surprenant de voir qu’une des demandes majeures soit de supprimer les points de friction que constituent les procédures de check-in et check-out en automatisant tout le processus. Selon l’étude “The Loyalty Divide” conduite en 2018 par Oracle, 88 % des clients apprécient que l’application de l’hôtel permette d’effectuer ces formalités de façon digitale.
Dans ce cadre, la technologie peut aussi favoriser… les relations humaines ! Grâce à un outil mobile permettant au personnel d’accéder au système de gestion de l’hôtel, la marque ibis a totalement revu la façon de recevoir ses clients. “Quand nos réceptionnistes sont derrière leurs desks, ils sont surtout concentrés sur la partie administrative. Or, quand on vient à l’hôtel, c’est pour avoir un échange ; et cela, on l’avait un peu perdu, remarque Iris Taeymans, directrice Accompagnement des projets opérationnels et digitaux d’Accor. Comme le personnel a aussi accès aux informations partagées par le client à travers le programme de fidélité, il peut l’inviter à s’asseoir, lui offrir un verre de vin blanc car il connaît ses préférences, discuter avec lui de ses hobbys.” À rebours de cette technologie adaptée aux échanges humains, la reconnaissance faciale pourrait venir modifier les habitudes. En Chine, deux hôtels Marriott testent des bornes interactives où le voyageur scanne sa pièce d’identité, se prend en photo, donne ses empreintes digitales, puis introduit sa carte de crédit avant de se voir délivrer sa clé de chambre. Un processus qui prend à peine 30 secondes, contre trois minutes en moyenne. Souriez, vous êtes filmés.
Des robots au pianoLa robotisation en cours ne se limite pas au domaine hôtelier. En Chine, JD.com, un des géants locaux du e-commerce, a ouvert en novembre 2018 à Tianjin son premier XCafe, un restaurant entièrement robotisé, en salle comme en cuisine, et bardé de capteurs, de caméras et de balises GPS. Grâce à cela, les robots slaloment entre les tables au milieu de centaines de clients, tandis que d’autres s’affairent au piano. Alors qu’en Chine, JD.com s’attend à ouvrir 1000 XCafé d’ici 2020, de l’autre côté du monde, à Boston, ce sont quatre jeunes ingénieurs du MIT qui ont conçu un restaurant tout aussi innovant, le Spyce. Derrière une cuisine ouverte, sept turbines mélangent, cuisent et concoctent en moins de trois minutes des bols healthy et appétissants. Le tout pour un prix défiant toute concurrence – moins de huit dollars – et une vraie qualité gastronomique, le chef triplement étoilé Daniel Boulud étant partenaire du projet. |
Traduction automatique
Une nouvelle fonctionnalité de l’Assistant Google, présentée lors du dernier salon CES de Las Vegas, pourrait bientôt faciliter la vie des voyageurs d’affaires. Le mode Interprète, en cours de déploiement sur les appareils Google Home et Smart Displays, permet en effet de dépasser la barrière de la langue pour converser facilement avec les concierges et réceptionnistes. Dans les faits, il suffit de dire “Hey Google, soyez mon interprète français” pour obtenir une traduction orale et écrite en temps réel dans près de 30 langues actuellement. Cette évolution est en phase de test au Caesars Palace de Las Vegas, au Dream Downtown à New York et au Hyatt Regency à San Francisco, le groupe Hyatt collaborant avec Google pour tester cette nouvelle fonctionnalité. |