
Le goût des autres. A son corps défendant, la pandémie aura eu la politesse de démontrer ce besoin humain, très humain : celui des rencontres. La forte reprise des séminaires d’entreprise dès les restrictions terminées n’a pu qu’en attester. Des envies d’échanges et de convivialité où la table tient évidemment une place éminente. Dans ce cadre, certains établissements se distinguent plus que d’autres par leur art consommé de lier grande cuisine et réflexions de haute volée : tous ces établissements qui ont fait la renommée de la gastronomie française.
Blanc, Bocuse, Guérard, Loiseau, Lorain, Pic, Troisgros : ces grandes maisons, pour la plupart affiliés à la chaîne Relais & Châteaux, ont su rester au firmament du guide Michelin de génération en génération. Non sans évoluer d’ailleurs, se muant en resorts dédiés à la gastronomie et l’hédonisme. Plus restaurant-hôtel qu’hôtel-restaurant à l’origine, elles n’ont longtemps proposé que quelques chambres, le temps d’une nuit confortable après un repas d’exception. Puis ce fut l’ajout d’un bistrot plus abordable ou de chambres de standing moins élevé, l’agrément d’un espace bien-être également. De quoi faire de ces temples de la gastronomie des destinations en soi, pour des séjours plus longs, comme des points de rendez-vous pour la clientèle locale.
De manière discrète, sans toujours le clamer urbi et orbi, les hôtels-restaurants de grands chefs ont aussi ajouté les événements d’entreprise à la carte de leur établissement. Déjà dans les années 60, Paul Bocuse, grande figure de la nouvelle cuisine française, avait donné l’exemple de cette diversification dans l’événementiel avec le rachat de l’Abbaye de Collonges, l’ancien restaurant de ses grands-parents.

Voisin du restaurant étoilé, ce lieu chargé d’histoire, au décor festif sublimé par un orgue mécanique limonaire datant de 1900 – un « Gaudin » qui reproduit l’équivalent du jeu de 110 musiciens –, se dédie depuis lors aux événements de 100 personnes jusqu’à 600 invités. « Des dîners, des soirées de gala, des séminaires, mais aussi des showrooms et des salons professionnels », explique Damien Gosmat, directeur adjoint en charge de l’organisation des réceptions. Quant à la cuisine, elle est sous la direction et le contrôle du restaurant gastronomique. « L’Abbaye de Collonges n’est pas étoilée, puisque c’est vraiment un lieu de réception. Mais, en soi, la cuisine proposée est très qualitative », souligne-t-il.
Cependant, l’ingrédient MICE est souvent venu renforcer l’offre de ces maisons plus récemment. Aux Baux de Provence, l’Oustau de Baumanière propose par exemple son salon Cabro d’Or, de 150 m², qui peut accueillir 80 personnes en format théâtre. Le tout prolongé par une terrasse privative donnant sur un vaste jardin, avec vue sur un cadre d’exception. De la même manière à Valence, la Maison Pic – sous l’impulsion d’Anne-Sophie Pic, qui a repris le flambeau de son père Jacques – s’est dotée d’une salle de séminaire, rénovée l’an dernier.
Situé au-dessus du restaurant gastronomique historique et pouvant contenir un peu plus de 50 personnes, cette salle de réunion profite d’un éclairage naturel et d’une vue privative sur le jardin aromatique comme sur les cuisines. Mais l’établissement, qui dispose de 16 chambres côté hébergement, destine une autre salle aux groupes affaires, l’espace Scook. Une salle plus intime, de 12 personnes, qui a pour particularité d’être au cœur de l’école de cuisine ouverte par la Maison Pic en 2009 à quelques pas du restaurant. Ou comment joindre l’utile à l’agréable, puisque les groupes peuvent vaquer un temps à leur occupation professionnelle et poursuivre leur journée par un cours de cuisine délivré par un des chefs de l’établissement attitrés à la formation.

©Aurelie Lamour

©groupePIC

De son côté, le Relais Bernard Loiseau, qui disposait déjà d’une salle adaptée aux réunions, s’est doté en 2017 d’un nouveau bâtiment, la Villa Loiseau des Sens, intégrant un spa de 1500 m², au-dessus un bistrot et au dernier étage une salle de séminaires de 150 m² « avec une grande baie vitrée et un grand écran tactile, décrit Cassandra Oppin, chargée de marketing & communication de l’établissement situé à Saulieu, en Bourgogne. Elle peut accueillir jusqu’à 50 personnes en format en théâtre ».
Parmi les grandes tables les plus proches de Paris, à une heure quinze de voiture de l’aéroport d’Orly et autant de temps en train depuis la gare de Lyon, la Côte Saint-Jacques, à Joigny, offre également son cadre – celui des bords de l’Yonne – aux séminaires d’entreprises. A cet effet, le restaurant doublement étoilé de Jean-Michel Lorain a entièrement réhabilité sa salle de séminaire l’an dernier. « Il faut se mettre à la page des attentes des entreprises, explique Pâquerette Jacquemin, responsable commerciale de l’hôtel. Maintenant, il faut avoir une salle très modulable pour pouvoir travailler un temps en îlot, une autre fois en U, puis en théâtre ».
Une salle lumineuse qui est hébergée dans la Maison de famille, le bâtiment originel du restaurant. Remontant à plus de 70 ans, ce lieu qui a fait l’histoire de la La Côte Saint-Jacques intègre aussi un spa, des chambres plus simples tout en étant relié à l’actuel Relais& Châteaux par un passage souterrain. « Quand des sociétés viennent ici, c’est pour travailler au calme, en toute confidentialité. C’est un atout par rapport aux hôtels de ville où tous les groupes se mêlent au même étage », poursuit-elle.
Grand vert et gastronomie
Car, outre la perspective de pauses gourmandes et de repas d’exception venant ponctuer une journée de travail, c’est aussi ce caractère intime et personnalisé qui fait toute la différence. « Quand un comité de direction vient aux Prés d’Eugénie, ça crée des liens différents. Jardins, jeux d’extérieurs, pétanque : vous vous retrouvez plus dans une grande maison de vacances à la campagne que dans un hôtel avec là l’amphithéâtre, ici les 10 salles de réunion », remarque Anne-Laure Nussbaumer, directrice de l’hôtel-restaurant créé à Eugénie-Les-Bains, dans les Landes, par Michel et Christine Guérard. Et triplement étoilé depuis 1977, un record.

« Les événements que nous accueillons vont du comité exécutif de 10 personnes pour de très grosses sociétés aux séminaires de laboratoires pharmaceutiques, c’est très varié, précise Anne-Laure Nussbaumer. Mais, comme l’esprit de notre maison est familial, avec une clientèle venue se reposer, nous préférons limiter les séminaires résidentiels à 15-20 personnes ». Avec au programme, si les groupes restent quelques jours, au moins un dîner de gala au restaurant étoilé, un autre de cuisine minceur, éventuellement un repas à l’Auberge de la Ferme aux grives, hors les mercredi et jeudi, ses jours de fermeture. Le tout pouvant être agrémenté de la visite du château et des chais de Michel Guérard non loin de là, ou encore d’ateliers d’œnologie ou de yoga, de randonnées pédestres ou à vélo.
Des séminaires à la carte
Comme la famille Guérard à Eugénie-les-Bains, Georges Blanc a fait de son village de l’Ain, Vonnas, un lieu connu dans le monde entier. Un univers gravitant autour du chef trois étoiles depuis 1981, issu d’une longue lignée remontant jusqu’à la Mère Blanc, reconnue par Curnonsky comme « la meilleure cuisinière du monde » dans les années 1930. « Autour de la place principale de Vonnas, tous les bâtiments ou presque appartiennent à Monsieur Blanc », souligne Ludivine Coque, attachée de direction de l’établissement.
Sur quatre hectares, le « Village Blanc » réunit un hôtel cinq étoiles accompagnant le restaurant gastronomique, un spa de 1000 m², un hôtel de niveau trois étoiles – Les Saules & Spa –, la table régionale et familiale l’Auberge 1900. Et, bien sûr, tout ce qu’il faut de lieux destinés aux rencontres professionnelles. C’est-à-dire des salles de séminaires modulables d’une centaine de m², une salle de cinéma adaptée aux présentations – le Cinespace Laurent Gerra, autre célèbre régional de l’étape et proche du chef étoilé –, mais aussi, depuis l’an dernier, l’espace La Grange sur l’Eau. Situé au cœur de l’Auberge, ce lieu mi-salle de séminaire mi-restaurant offre aux petits groupes d’une vingtaine de personnes une unité de lieu et d’action, leur permettant de travailler et de se restaurer ou prendre l’apéritif.



« Et cela, sans compter aussi sur le Château d’Epeyssoles, tout près de Vonnas, qui se destine essentiellement aux mariages, mais peut parfaitement accueillir des séminaires d’entreprises, conclut Ludivine Coque. De la sorte, nous pouvons tout faire, d’une petite réunion de quatre personnes à un séminaire de 200 personnes, du très haut gamme comme des choses plus simples, le tout agrémenté d’activités comme des jeux de piste que nous pouvons organiser dans le village ou des rallyes en 2CV avec des prestataires extérieurs. Vous pouvez avoir une prestation clé en main avec un service commercial qui lie les différents services ».
Habitués à servir leurs clients de la meilleure des façons, ces établissements apportent le même soin à satisfaire les desiderata des organisateurs. « On peut tout personnaliser selon le budget du groupe, explique Cassandra Oppin, du Relais Bernard Loiseau. On peut héberger les participants à l’hôtel cinq étoiles ou juste en face, à La Tour d’Auxois, un hôtel trois étoiles qui nous appartient. Mais aussi organiser des repas au bistrot Loiseau des Sens ou au restaurant gastronomique. Voire, pour les petits comités de direction de six personnes, à la table du chef, au cœur des cuisines ».


Rencontre en cuisine avec le chef, visite privée de l’établissement en compagnie de Dominique Loiseau qui a su maintenir le rang de l’établissement après le décès tragique de son mari en 2003 : le prestige du lieu et son histoire poignante , « alors que les entreprises cherchent à donner du sens à leurs séminaires », remarque Cassandra Oppin. Quant aux activités, outre les sorties en quad ou des randonnées dans le Morvan, le Relais Bernard Loiseau peut jouer sur des synergies internes avec ses restaurants de Beaune – Loiseau des Vignes – et de Dijon – Loiseau des Ducs – pour mixer la visite des hospices de Beaune ou de la Cité des Vins avec des repas de qualité.
Les Côtes du Rhône à Valence, la Bourgogne à Saulieu ou Joigny, des pique-niques avec dégustation de vin et d’huile d’olive à Baumanière : c’est aussi le meilleur de leur terroir que ces établissements hautement gastronomiques ont à offrir. « Comme nous sommes à côté de Chablis, je connais de nombreux viticulteurs, tous testés par mes soins. Il suffit de me confier votre séminaire, de me dire ce dont vous avez envie, et je suivrai tout de A à Z, précise Pâquerette Jacquemin, de La Côte Saint-Jacques. Organiser un événement, c’est une chose. Mais vous avez gagné votre pari quand vous voyez le même séminaire revenir l’année suivante. Ca veut dire qu’on a été bon. Et ça, ça fait toujours plaisir » .