Les belles pages de la Société des Hôtels Littéraires

Proust, Rimbaud, Vialatte, Flaubert, Marcel Aymé, Jules Verne : la Société des Hôtels Littéraires célèbre les grands auteurs tout en offrant aux voyageurs des établissements cultivés et toujours bien placés.
L'Hôtel Littéraire Jules Verne a ouvert cet été à Biarritz.
L'Hôtel Littéraire Jules Verne a ouvert cet été à Biarritz.

Emblems Collection chez Accor, Vignette Collection chez IHG ou Melià Collection parmi les dernières apparues : on parle beaucoup de collections dans l’hôtellerie. Le mot a du chic, un petit côté mode, un parfum d’exception. Mais il en est une d’un genre plus culturel, davantage Gallimard, Flammarion ou Grasset que Dior et Chanel : la Société des Hôtels Littéraires. Fondée par Jacques Letertre, elle rassemble aujourd’hui six hôtels autour d’une même trame : des hôtels quatre étoiles dédiés à de grands noms de la littérature française, agrémentés de chambres bien sûr et qui évoquent les personnages de leurs romans, mais débordant aussi de livres, de pièces et manuscrits de collection.

« J’ai acheté mon premier établissement en 1988. Et comme, en parallèle de l’hôtellerie, je suis un grand collectionneur de livres, l’idée m’est venue de mélanger ces deux univers« , explique ce lecteur fanatique. L’histoire a commencé à s’écrire en 2013 avec l’ouverture de l’Hôtel Littéraire Le Swann à Paris, en hommage à Marcel Proust. « L’écrivain qui me tient le plus à coeur » précise Jacques Letertre. Situé près de la gare Saint Lazare, l’hôtel compte 81 chambres, toutes différentes et toutes faisant référence à un personnage de la Recherche, le baron de Charlus, Oriane de Guermantes, Albertine.

Chambre de l'Hôtel Littéraire Le Swann, à Paris.
Chambre de l’Hôtel Littéraire Le Swann, à Paris.

La Société des Hôtels Littéraires n’a pas perdu son temps depuis et a ouvert d’autres établissements, tous affiliés au réseau Best Western. A Paris, ils évoquent l’œuvre de Rimbaud et de Marcel Aymé, à Rouen celle de Flaubert, d’Alexandre Vialatte à Clermont-Ferrand ou, pour le dernier tome, Jules Verne à Biarritz. Pourquoi ces choix ? « C’est de l’arbitraire total, explique le fondateur du groupe. J’aime un écrivain, je l’ai dans ma collection, le lien s’y prête et on le fait. Par exemple, je me devais de faire un hôtel à Rimbaud. Du jour où on le lit, qu’on découvre une langue jamais parlée auparavant, le monde devient différent« . Cet hôtel poétique de 42 chambres est situé dans le Xe arrondissement de Paris, tandis qu’à Montmartre, le choix s’est porté sur Marcel Aymé, l’hôtel étant voisin de la maison de l’auteur des Contes du Chat Perché. « Mais j’aurais pu imaginer le dédier à Mac Orlan ou à Céline, décrit Jacques Letertre. Avec ce dernier, c’est sûr, j’aurais eu de la presse, mais est-ce pour autant un avantage… »

Si dédier un hôtel à Flaubert à Rouen était logique, à Clermont-Ferrand, le fondateur du groupe a balancé dans son choix entre Pascal – recalé, car un peu trop austère – et Alexandre Vialatte « à la fois traducteur de génie de l’œuvre de Kafka, immense chroniqueur au quotidien La Montagne et créateur des pubs de Michelin avant guerre« , décrit Jacques Letertre, soulignant une autre raison de ce choix espiègle : « être bien avec Michelin et le grand journal de la région, ça ne peut pas faire de mal. » Enfin, aux abords de l’été dernier est apparu à Biarritz l’Hôtel Littéraire Jules Verne. « Enfant, je lisais ses livres pendant mes vacances au bord de l’océan. Biarritz me rappelait à ce souvenir, mais la ville correspondait aussi à l’époque de l’auteur« , explique Jacques Letertre.

Pour créer celui-ci, comme tous les autres précédemment, le procédé narratif est le même : prendre un hôtel de centre-ville ayant vocation à devenir quatre étoiles, le faire monter en gamme, décorer chacune des chambres selon l’univers des œuvres choisies avec une citation encadrée ici, un roman posé là, des aquarelles originales de Jean Aubertin. « Pour celui de Biarritz, nous avons consacré 4,5 millions euros pour refaire l’hôtel entièrement à neuf, supprimer des chambres, et remplir l’hôtel de centaines de livres en plusieurs langues, parmi lesquels des livres que l’impératrice Eugénie avait fait relier pour son fils que j’avais dans ma collection », explique Jacques Letertre.

La Société des Hôtels Littéraires a profité de la période écoulée pour rénover tous ses hôtels, ajouter là de nouvelles suites, ici en redécorant le lobby, quand ce n’est pas en refaisant l’hôtel tout entier comme à Biarritz. « Ce plan d’investissement, qui était initialement prévu sur trois ou quatre ans, a été réalisé en un an« , remarque le fondateur de cette Société qui entrevoit les comportements des voyageurs se modifier durablement : « ceux qui n’ont pas compris qu’il fallait se moderniser et s’adapter aux nouvelles attentes ne résisteront pas à terme. »

Bibliothèque de l'hôtel Le Swann.
Bibliothèque de l’hôtel Le Swann.

Avec son positionnement particulier, la Société des Hôtels Littéraires profite d’un socle de clientèle fidèle et cultivée, notamment parmi la Société des amis de Marcel Proust et ceux de Marcel Aymé, mais aussi des fans venus de l’étranger, « des Indiens Flaubertiens ou des Proustiens allemands« , cite Jacques Letertre. Mais la clientèle affaires est aussi présente dans les hôtels, en raison de leur situation centrale et pratique ou parce que cet esprit culturel leur plaît. Ce qui s’applique aussi aux espaces événementiels, la place des hôtels dans l’univers culturel faisant des établissements un lieu de rencontre tout trouvé. « A Paris, il n’y a pas de semaine sans que nous accueillons le lancement d’un livre, l’annonce d’une pièce de théâtre ou la présentation d’une exposition. »

Quant au prochain hôtel, une chose est sûre, il sera consacré à Colette. « Lors du salon de Livre, nous avons fait un sondage en donnant cinq noms, toutes des femmes. C’est elle qui est ressortie quelques voix devant Georges Sand et Marguerite Yourcenar« . Reste encore à savoir où ? « C’est un vrai sujet. Dans la Puysaie, sa région, il est difficile une complémentarité entre le tourisme de loisirs et d’affaires. Le coin du Palais Royal où elle habitait à Paris serait idéal, si ce n’était le prix du mètre carré. Pourquoi pas aussi Saint Malo où se situe l’action du Blé en herbe ? Il faut prendre son temps et ne pas se tromper. De toute façon, il reste plein d’auteurs et plein de villes, Caen, Lyon, Bordeaux, Tours, Nantes… » Et même maintenant que Jules Verne est déjà pris par l’hôtel de Biarritz ? « Je trouverai bien un autre grand Nantais !« , conclut Jacques Letertre.