Traduction automatique : faire tomber les barrières de la langue

Traduction automatique : faire tomber les barrières de la langue

Plus besoin de traducteur diplômé à côté de soi, un simple smartphone suffit pour se débrouiller face à des interlocuteurs étrangers ou devant un texte sybillin. Même si l'exactitude n'est pas toujours au rendez-vous, la traduction automatique révolutionne la façon de communiquer.

Avec ses sites internet – Babelfish, Linguee, Reverso parmi les plus connus, en plus de Google Translate ou Bing Translator – et ses applications mobiles à gogo, la traduction automatique est aujourd’hui quasiment un standard technologique. Mais au final, une seule question intéresse les utilisateurs : peut-on faire entièrement confiance à ces solutions ? De l’avis général, l’exactitude de la traduction automatique atteint les 75 à 80 %. Ce qui suffit souvent pour saisir le sens général d’un texte, mais n’est guère recommandé pour la traduction des termes d’un contrat portant sur des milliards de dollars. Il suffit d’ailleurs de prendre une phrase au hasard pour avoir une idée des approximations : “longtemps, je me suis couché de bonne heure”, célèbre et simple en apparence. Pour Reverso, cela donne “for a long time I am early lying” et “long time I went to bed early” pour Google Translate. Faut-il les en blâmer pour autant ? Depuis plus d’un siècle, les traducteurs de Proust ne se sont pas encore accordés sur ce qu’il convenait d’écrire… Est-ce “went to bed early”, “used to go to bed early” ou “would go to bed early” ?

La chanteuse Malinda Kathleen Reese s’est d’ailleurs amusée de ces errances à travers sa série de vidéos à regarder sur YouTube “Google Translate Sings”. À l’aide du site de Google, l’artiste a traduit de langue en langue les textes de chansons connues telles Bohemian Rhapsody de Queen ou Let it Go, la rengaine du dernier Disney la Reine des Neiges. De l’anglais au chinois, puis du chinois au français, puis du français au tamoul et ainsi de suite pour revenir en anglais à la fin, le tout mis en musique. De fil en aiguille, les erreurs s’accumulent. Au final, le fou rire est garanti !

Techno

Les chercheurs ont commencé à plancher sur la traduction automatique à partir des années 50, en s’appuyant notamment sur les expériences faites pendant la Seconde Guerre mondiale pour casser les codes ennemis. Aujourd’hui, les solutions fourmillent, entre les sites internet et les applications mobiles utiles aux voyageurs.

Cet humour potache met en lumière un fait : la traduction automatique n’en est encore qu’à ses balbutiements. D’ailleurs, Google ne se voile pas la face quant à l’absolue pertinence de sa solution. D’abord parce que, pour trouver des segments de phrases, ses systèmes vont fouiller au sein d’un corpus de textes qui, certes, ont le mérite d’exister en plusieurs langues, mais sont souvent assez rébarbatifs à l’image des documents offciels de l’Union européenne. “Nos systèmes de traduction ont dans l’ensemble été meilleurs pour donner du sens aux documents officiels ou business que pour aider les gens dans leur communication de tous les jours”, constatait en début d’année Aaron Babst, alors directeur du programme Google Translate avant de passer en septembre chez Facebook.

Mais, c’est bien connu, il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. Aujourd’hui, les voyageurs d’affaires ont à leur disposition une multitude d’appli mobiles qui s’imposent comme autant de dictionnaires à embarquer au creux de la poche. Alors bien sûr, le résultat n’est pas toujours optimal, mais c’est tout de même bien plus pratique que d’avoir à se balader avec les collections réunies des Larousse, Harraps et Robert & Collins en permanence sous le bras…

Parmi les plus utilisées, iTranslate se vante d’être la plus populaire avec 55 millions de téléchargements depuis ses débuts, tandis que Google Translate se targue de traduire pas loin de 100 milliards de mots par jour. Un chiffre faramineux, surtout si on le compare aux capacités d’un traducteur professionnel qui, au quotidien, peine à atteindre les 4 000 mots.

Conversations sans frontières

Conversations sans frontières

Après l’écrit, la traduction automatique s’attaque désormais aux échanges vocaux. Lancé cette année, Skype Translator réussit un vrai tour de force, celui de “résoudre le décalage entre la façon dont les gens parlent et écrivent. C’est un des principaux sujets sur lesquels mes équipes ont travaillé l’an dernier”, explique Arul Menezes, en charge chez Microsoft de la recherche autour de la traduction automatique sur le blog research.microsoft.com.

Grâce aux nouvelles technologies, les barrières de la langue tremblent et chancellent. Porte-voix d’un monde globalisé, les grands réseaux sociaux comme Twitter ou Facebook se sont eux aussi lancés dans la traduction instantanée des messages échangés. En parallèle, des applications innovantes sont apparues pour secourir les voyageurs “lost in translation” comme WordLens. Sans besoin même de connexion internet, celle-ci permet, simplement en pointant la caméra d’un smartphone sur un menu ou vers un panneau d’indication d’en recevoir immédiatement la traduction dans sa langue. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que Google ait fait l’an dernier l’acquisition du développeur de cette application, Quest Visual, pour enrichir son offre de traduction mobile.

Mieux, alors que les solutions se sont longtemps concentrées sur l’écrit, la traduction orale commence depuis peu à faire son apparition. Ainsi, iTranslate a enrichi son offre d’une déclinaison Voice qui permet à deux personnes ayant installé l’application sur leur smartphone de converser chacun dans leur langue, l’application se chargeant de faire l’intermédiaire. De son côté, Skype a lancé en fin d’année dernière le plug-in Translator qui permet de traduire les échanges simultanément. “La traduction vocale nous a paru une évolution naturelle du travail que nous avons entrepris sur la traduction écrite”, explique Chris Wendt, directeur de ce programme de traduction automatique. Satya Nadella, le PDG de Microsoft, la maison mère de Skype, en est convaincu, un outil comme celui-là pourrait “changer la vie des gens et des entreprises”.

Panorama des applications de traduction les plus pratiques

Application

Google Translate

La plus connue avec 90 langues, dont 38 avec reconnaissance vocale, et une fonction caméra (gratuit).

Application

Waygo
Une appli pour comprendre les inscriptions en caractères chinois, japonais et coréens (gratuit).

Application

Istone Travel
Offre la traduction de 300 expressions familières dans une douzaine de langues (gratuit).

ApplicationTriplingo
2000 phrases traduites en 13 langues, Intègrant les expressions familières, voire argotiques (gratuit.

ApplicationIhandy Translator
Un interface très “user friendly” et 52 langues traduites. Gratuit, avec une version pro à 2,99 $.

ApplicationItranslate
L’autre leader de la traduction automatique avec ses 90 langues et son option voix (gratuit).

ApplicationItranslate Voice
La traduction simultanée par smartphone interposé en 42 langues. (6,99 $).

ApplicationSMS Translator
Permet de traduire des échanges de SMS en 16 langues (gratuit).

ApplicationSayhi Translate
Propose 100 langues disponibles avec, aussi, la traduction de dialectes locaux. (4,99 $).

ApplicationReverso
Traduction instantanée en 10 langues avec des exemples d’utilisation en contexte (gratuit).

Les nouvelles technologies vont-elles soustraire les hommes de cette punition divine, la confusion des langues, vieille comme la Genèse ? Le mythe est archi connu. À trop vouloir s’élever d’eux-mêmes vers le ciel en construisant la tour de Babel, Dieu flanqua à terre cette oeuvre autant humaine qu’orgueilleuse et les condamna à traîner leur peine au milieu de paroles inconnues. Un mythe qui a nourri bien des fantasmes : de la mystique Hildegarde de Bingen au Moyen-Age et sa lingua ignota jusqu’au docteur Zamenhof et son espéranto à la fin du XIXe siècle, philosophes et humanistes se sont creusés la tête pour construire des langues artificielles qui pourraient être comprises de tous. On compte ainsi près de 900 initiatives rarement couronnées de succès, sinon d’estime.

L’approche technologique du problème est, elle, totalement inverse. Puisque la diversité linguistique est un fait, faisons contre mauvaise fortune bon coeur et donnons aux gens les moyens de communiquer entre eux par-delà leur différence. De manière schématique, la traduction automatique s’appuie sur des modèles statistiques du langage, les machines allant grâce à ceux-ci fouiller dans les pages pour trouver des séquences de phrase dont elles pourraient trouver l’équivalent dans une autre langue.

Techno

Maudites erreurs de traduction… Les solutions automatisées n’en ont pas le monopole. L’histoire fourmille d’exemples, drolatiques pour certains comme lors du voyage de Jimmy Carter en Pologne où son traducteur fit part de son “désir charnel pour les Polonais” au lieu de “son envie de mieux comprendre leurs désirs”… Plus tragique, la réponse du premier ministre japonais, “mokusatsu”, à l’ultimatum des Alliés. Pour certains, ce petit mot ambigu voulait dire qu’il s’abstenait de tout commentaire. Mais même les agences de presse niponnes l’ont interprété comme une fin de non-recevoir. Dix jours plus tard, c’était Hiroshima.

De cette aventure technologique de longue haleine qui a débuté dans les années 50, menée par IBM et Systran notamment, on commence réellement à en récolter les fruits. Pour illustrer la difficulté de la tâche, les équipes de recherche de Microsoft travaillent sur le sujet depuis plus d’une décennie, avec comme premier résultat le lancement de Bing Translator puis, plus récemment, de Skype Translator. Avec la traduction vocale, les chercheurs s’attaquent d’ailleurs à une autre difficulté. Car si, pour la langue écrite, les systèmes peuvent s’appuyer sur des textes, traduire le langage parlé est bien plus difficile. Il faut notamment tenir compte de l’intonation, des pauses qui rendent difficile la compréhension par une machine d’où commencent et où s’arrêtent les phrases. Sans parler des formulations propres à l’oral ! Du coup, pour enrichir le vocabulaire des réseaux de neurones artificiels, les chercheurs se sont notamment appuyés sur les messages publiés sur Facebook, plus proches du langage de tous les jours.

Pour aller plus loin, Google fait aujourd’hui appel à… l’humain. Le géant technologique a récemment lancé un programme collaboratif pour améliorer l’algorithme de son service Translate, les utilisateurs étant invités à proposer de meilleures traductions pour des phrases usuelles. Au final, les utilisateurs portent en eux une partie de la résolution du problème, car, à l’heure du big data, plus les solutions seront utilisées, plus les outils affineront leurs traductions.

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