
Ces derniers mois ont vu le lancement aux États-Unis d’une foule de nouvelles marques longs séjours, que ce soit par Marriott, Hilton ou Hyatt. Voyez-vous une même opportunité pour le développement de ce segment de ce côté-ci de l’Atlantique ?
Xavier Desaulles – Le potentiel est là. L’opportunité de marché en Europe est forte si on regarde ce qui se passe aux États-Unis où l’appart’hôtellerie continue à se développer. Le modèle est né là bas, est culturellement ancré alors que bouger d’un État à l’autre pour des motifs business et utiliser des solutions de relocation est chose commune. Les Américains y voient une formule intelligente, flexible avec des chambres plus grandes et équipées de cuisine, sans devoir aller au restaurant tous les jours. Un élément anti inflation non négligeable aujourd’hui. Au final, l’appart’hôtellerie représente aujourd’hui entre 8% et 10% de de l’inventaire d’hébergement outre-Atlantique, contre seulement 3% à 4% en Europe. Ce qui laisse une vraie capacité de croissance en démocratisant cette formule d’hébergement.
Où en est l’offre d’Adagio aujourd’hui ?
Xavier Desaulles – En 15 ans d’existence, nous sommes passés de 16 sites en 2007 à 126 établissements à fin décembre dernier. Soit à peu près 14 500 appartements dans 16 pays. Une belle croissance donc, qui s’est focalisée essentiellement sur la France avec 80 destinations, dont 40 établissements en Île-de-France et 40 autres en région. En plus de cela, nous avons aussi 40 aparthotels à l’international, dont une dizaine de sites à la fois en Allemagne et au Royaume-Uni, mais aussi en Suisse, en Italie. Aucun de nos concurrents n’a un tel réseau dans les grandes métropoles européennes. Très présent en Asie, Ascott ne compte qu’une quarantaine de Citadines en Europe. Appart’City et Résid’home se sont largement développés en France, mais peu ailleurs. Ce qui nous permet d’être aujourd’hui le leader de l’appart’hôtellerie en Europe.

Quels sont vos objectifs de croissance à moyen terme ?
Xavier Desaulles – Dans ce secteur encore fragmenté et en pleine croissance, nous avons la volonté de jouer notre rôle de leader et de développer le réseau. Notre objectif à cinq ans est d’emmener la marque vers la barre des 200 sites, et donc d’ajouter 80 destinations d’ici à 2027. Et cela autour de deux axes de croissance, à commencer par conforter notre position en France, notamment en région. En effet, nous sommes déjà très bien implantés à Paris avec 19 sites intramuros et 21 autres en périphérie de la capitale. C’est donc sur les régions que nous allons axer notre développement. Nous avons ouvert un deuxième Adagio à Lyon en janvier, un autre à Montpellier en février, nous inaugurerons bientôt un quatrième établissement à Toulouse cet été. Ces déploiements stratégiques vont densifier le maillage d’Adagio dans les métropoles françaises où nous sommes déjà implantés – je pourrais citer également Annecy, Lille, Nantes, Rennes, Rouen ou Strasbourg – tout en allant vers des villes où nous ne sommes pas encore présents. Je pense à Brest et La Rochelle par exemple.
Votre développement va-t-il aussi se poursuivre en Europe ?
Xavier Desaulles – A l’international, nous avons pour ambition première de consolider nos réseaux en Allemagne et au Royaume-Uni, déjà forts d’une dizaine de sites. Par exemple, nous ouvrirons l’année prochaine un troisième Adagio à Londres. En Allemagne, nous en avons ouvert un à Hambourg en janvier dernier et nous en attendons un autre prochainement à Heidelberg. Mais nous avons aussi inauguré un Adagio à Gand, au Benelux. Notre développement à l’international s’organise autour de positions déjà établies, essentiellement au Nord de l’Europe.
Accor, qui est votre coactionnaire avec Pierre & Vacances, développe des déclinaisons Living de Novotel ou Mercure Living en Asie ou en Afrique. Le développement d’Adagio ne va-t-il pas de ce fait se cantonner essentiellement à l’Europe ?
Xavier Desaulles – Une chose est sûre, Adagio est la marque prioritaire long séjour de la division premium, médicale et économie de Accor. Nous avons un droit de premier regard sur les opportunités de développement touchant au segment extended stay. Mon sentiment est que, pour Novotel ou Mercure, cette déclinaison Living n’est pas centrale dans le développement de ces marques, Leur savoir-faire en termes de produits longs séjours ou de revenue management lié à ce modèle n’est pas au cœur de leur expertise. En parallèle de notre propre équipe de développement, nous nous appuyons d’ailleurs beaucoup sur celles d’Accor pour sourcer des projets, de trouver des partenaires, notamment sur des projets de combo. Par exemple, le projet que nous avons récemment ouvert à Gand mixe un Ibis Budget et un Adagio Access, réunis par une réception commune.


En dehors des nouveaux établissements à venir, comment votre marque évolue-t-elle dans le cadre de sa nouvelle stratégie « Next Adagio »?
Xavier Desaulles – L’avenir d’Adagio, c’est aussi la montée de son réseau en consistance. Pour les cinq ans à venir, nous avons un plan de rénovation portant sur une trentaine d’établissements. Notre volonté est de les « premiumiser », de revitaliser ces actifs avec de nouveaux designs, de monter leur expérience en gamme. Ce fut le cas récemment de l’Adagio Original qui achève quatre mois de travaux. Autre sujet d’importance, celui de la notoriété. Nous devons travailler pour devenir la marque préférée des voyageurs pour les moyens et longs séjours. Une chose qui m’a frappé quand je suis arrivé à la tête d’Adagio il y a 18 mois, c’est que le déficit de perception de cette marque. On n’y associe peu de choses, ni positives ni négatives d’ailleurs. Notre ambition est de la faire résonner avec beaucoup plus de communication pour valoriser notre offre. C’est aussi pour cela que nous avons repensé notre territoire de marque, avec un nouvelle signature, un nouveau logo.
En parallèle, vous avez aussi repensé la segmentation de votre portefeuille.
Xavier Desaulles – En effet, nous avons remis de l’ordre dans notre offre avec, d’un côté, la gamme Adagio Access, qui regroupe 50 de nos sites. Avec Access, nous proposons une offre économique « premium ». Si les surfaces sont un peu plus petites – 18 ou 19 m² -, il y a un vrai choix en matière de design, un agencement ingénieux des appartements. Par exemple, un tiers d’entre eux disposent de lits armoires, ce qui offre aux voyageurs en mission aux budgets contrôlés un vrai lieu de vie avec une cuisine, un bureau pour travailler. A côté, nous avons la gamme haut de gamme Adagio Original, le cœur de notre offre avec 75 sites. Puis nous avons ajouté la déclinaison Premium, autour d’établissements cinq étoiles que nous avions à Dubaï et Casablanca. C’est un autre métier, l’apparthôtellerie cinq étoiles. Elle est axé sur des motifs longs séjours, demande plus de services. Cette gamme Adagio Premium peut nous ouvrir des opportunités sur le très haut de gamme dans certaines destinations lointaines, mais, pour l’instant, notre priorité, c’est vraiment de développer les deux gammes Access et Original en Europe.
A côté de cela, l’offre de vos établissements évolue également, avec l’apparition de solutions de coliving. Pour quelles clientèles ?
Xavier Desaulles – Notre définition du coliving cible des gens qui se connaissent déjà, que ce soit des collaborateurs d’une même entreprise ou des tribus familiales – parents, petits-enfants, grands-parents. Pour tous ceux-là, nous avons créé des appartements coliving constitués de quatre studios indépendants pour deux personnes, tous avec salle de bains, le tout regroupé autour d’un espace salon et salle à manger partagé. Ca marche bien avec une demand de groupes aussi bien corporate que loisirs. Notre site test, l’Adagio Orginal Paris Bercy, qui est proche de l’Accor Arena reçoit également beaucoup de groupes d’amis qui viennent ensemble pour un concert. L’idée maintenant, c’est de développer cette offre. Nous proposerons par exemple des appartements coliving à Londres en janvier prochain, sur le site de Whitechapel.

Que représente le segment corporate pour Adagio ?
Xavier Desaulles – A peu près la moitié du chiffre d’affaires avec plus de 11000 sociétés avec qui nous avons des accords. L’an dernier, le segment corporate a représenté à peu près 120 000 clients sur les 500000 que l’on a accueilli en 2022. Si nous enregistrons une durée moyenne de séjour de 4 nuits globalement, sur le corporate, cette durée dépasse les six nuits. Un quart de nos clients reste même chez nous plus d’un mois. D’où l’importance de l’accueil, de la dimension humaine de nos établissement. Contrairement à un hôtel traditionnel où le voyageur qui ne réside qu’une nuit est un peu anonyme, nos équipes apportent un supplément d’âme en connaissant le nom des clients, leurs habitudes. Un autre aspect important vis à vis de cette clientèle est cette idée de dégressivité tarifaire en fonction de la durée. Sur un séjour court, d’une à trois nuits, nous sommes est en ligne avec l’hôtellerie traditionnelle. Mais au bout de 3-4 nuits, nous sommes 5% à 10% moins cher, et 30% moins cher pour ceux qui restent un mois.
En ce qui concerne la clientèle affaires, l’évolution des habitudes post pandémie est-elle favorable à votre mode d’hébergement ?
Xavier Desaulles – Tout à fait. La tendance actuelle au « work from anywhere » démontre la force de la proposition de l’appart’hôtellerie en général, et d’Adagio en particulier. Un voyageur peut travailler dans son appartement ou au calme dans les parties communes, sur de grandes tables, avec de très bonnes connexions. On voit de plus en plus des voyageurz d’affaires arriver en semaine et être rejoint le vendredi par son conjoint, sa famille, pour découvrir la ville le week-end. Avant le Covid, le samedi était un jour généralement peu fréquenté. Aujourd’hui, la fréquentation est beaucoup plus élevé, de même qu’au mois d’août, qui était traditionnellement faible à cause du manque de clientèle corporate. Aujourd’hui, les gens prennent leurs vacances de façon différente, plus morcelée, et le mois d’août est devenu un mois très fort pour nous avec un mix de clients loisirs et corporate. Les frontières se floutent. Et cette hybridation nous va très bien.