Dimitri Tsygalnitzky (FREENOW) : « Il était naturel de déployer des taxis à Paris »

FREENOW propose une offre de taxis à Paris à partir du 1er juin, renforçant d'autant le poids de la filiale de BMW et Mercedes dans la mobilité urbaine. Le pourquoi de ce lancement avec Dimitri Tsygalnitzky, directeur général France.
Dimitri Tsygalnitzky, directeur général chez FREENOW France ©CamilleFroment
Dimitri Tsygalnitzky, directeur général chez FREENOW France ©CamilleFroment

Connu en France pour son offre de VTC, FREENOW lance aujourd’hui un service de taxis à Paris. Qu’est-ce qui rend légitime cette évolution ?

Dimitri Tsygalnitzky – Il faut savoir que pour FREENOW, la France était l’unique marché où seule l’offre de VTC était proposée. A l’inverse, dans tous les autres pays d’Europe où nous sommes présents (NDLR : 10 au total, la France inclue), notre activité principale repose sur les taxis, notamment avec la marque mytaxi. Dans certains pays comme l’Allemagne, le Royaume-Uni et le Portugal, nous proposons les deux, avec une offre à la fois de taxis et de VTC. Il nous semblait donc tout naturel de déployer cette offre en France et à Paris en particulier, une des principales villes pour notre groupe. D’autant que nous avons non seulement l’expertise, mais aussi la conviction qu’en apportant cette offre de taxi, nous allons renforcer notre position sur le segment B2B qui est un de nos piliers de développement. Alors qu’Uber et Bolt sont nos principaux concurrents en ce qui concerne les usages personnels, pour le voyage d’affaires, ce sont surtout Uber et G7.

De 600 chauffeurs de taxi aujourd'hui, FREENOW s'est fixé l'objectif de 5000 taxis d'ici un an.
De 600 chauffeurs de taxi aujourd’hui, FREENOW s’est fixé l’objectif de 5000 taxis à Paris d’ici un an.

Comment se partagent les usages professionnels des taxis et VTC ?

D. T. – Il faudra qu’on le valide en fonction de la spécificité du marché parisien, mais nous pouvons observer dans les autres pays que le VTC est privilégié pour les grandes distances et les trajets banlieue, les tarifs étant souvent plus attractifs. A l’inverse, depuis ou vers les gares et les aéroports, le taxi est plus intéressant grâce à la possibilité d’accéder au plus près des terminaux. Autre argument jouant en faveur des taxis, les courses aux heures de pointe, alors qu’ils peuvent emprunter les voies de bus. Enfin, le temps d’attente est aussi un élément important pour les voyageurs d’affaires dont les réunions peuvent se prolonger. Si 10 minutes d’attente sont prévues pour les VTC, le chauffeur de taxi n’hésite pas à rester comme son taximètre tourne.

Depuis ou vers les gares et les aéroports, le taxi est plus intéressant que le VTC grâce à la possibilité d’accéder au plus près des terminaux

Quelles ont été les étapes jusqu’au lancement effectif de votre offre aujourd’hui ?

D. T. – Lors de la définition de notre plan stratégique en fin d’année dernière, nous avons décidé de la lancer au 1er juin. Il y a presque deux mois, nous avons commencé à engager des chauffeurs, avec une équipe allant dans les rues de Paris faire du recrutement aux bornes de taxi. S’il peut y avoir une certaine défiance, les chauffeurs nous voyant comme une plate-forme de VTC, nous avons discuté avec pratiquement 1500 d’entre eux et plus de la moitié se sont montrés extrêmement intéressés par notre modèle économique flexible fondé sur une commission de 15% sur la course. 200 chauffeurs ont participé au pré-lancement de l’offre il y a deux semaines et nous ambitionnons d’en avoir près de 600 aujourd’hui, à son lancement effectif. Pour aller jusqu’à plusieurs milliers en fin d’année.

Pour atteindre ce chiffre, entendez-vous aller débaucher des chauffeurs à la concurrence ?

D. T. – Aujourd’hui, il y a à peu près 20 000 chauffeurs de taxis en Ile-de-France, dont une moitié travaillant avec G7 et Alpha Taxis et l’autre moitié d’indépendants. Ce sont eux que nous privilégions ces derniers, déjà parce qu’ils n’ont pas à payer de mensualités de l’ordre de 400 euros à G7 et Alpha et que ces sociétés ne leur mettent pas la pression pour imposer une exclusivité. Il y a suffisamment à faire avec tous les chauffeurs indépendants et, si on peut avoir 9 000 chauffeurs, ce serait magnifique.

Englobant toutes les formes de mobilité urbaine, l'appli FREENOW propose le choix entre différents services.
Englobant toutes les formes de mobilité urbaine, l’appli FREENOW propose le choix entre différents services.

Cette barre des 9 000 chauffeurs est donc votre objectif ?

D. T. – Nous estimons déjà qu’en atteignant déjà les 5 000 chauffeurs de taxi d’ici un an, nous pourrons offrir des niveaux de services forts pour la clientèle professionnelle. En parallèle, comme nous continuons à développer notre base d’utilisateurs, il faudra à un moment un nombre suffisant de chauffeurs pour que les temps d’attente soient attractifs. Mais nous chercherons à avoir le bon équilibre pour ne pas diluer notre offre et pouvoir générer suffisamment de revenus pour que les chauffeurs soient engagés avec nous.

Alors que les Parisiens et les voyageurs d’affaires sont par exemple habitués à G7, comment allez-vous faire connaître votre offre de taxis ?

D. T. – Actuellement, une centaine de chauffeurs floqués FREENOW circulent dans Paris et nous souhaitons en avoir 300 jusqu’à l’été pour marquer le coup. A côté de ce flocage, la règle veut que si un taxi travaille avec une plate-forme, il l’indique par son logo. Donc tous les chauffeurs auront un petit adhésif Freenow sur les fenêtres de leur voiture.

Nous estimons déjà qu’en atteignant déjà les 5 000 chauffeurs de taxi d’ici un an, nous pourrons offrir des niveaux de services forts pour la clientèle professionnelle

Quels sont les avantages pratiques offrez-vous aux entreprises et à leurs collaborateurs ?

D. T. – Les voyageurs d’affaires ont à leur disposition tous les moyens de paiement pour régler les courses, que ce soit le cash, les cartes de crédit ou, s’il y a une ligne de crédit négociée avec l’entreprise, le passager n’aura rien à payer au chauffeur. S’il doit faire une avance de frais, comme FREENOW est synchronisé avec Concur et Cytric, la dépense remonte automatiquement si l’entreprise travaille avec ces solutions. D’où, pour l’employeur, une visibilité exhaustive sur ces dépenses tout en évitant des notes de frais qui circulent à droite, à gauche. Mais l’autre intérêt est de pouvoir instaurer des politiques voyages qui s’appliquent également aux taxis. Par exemple, une entreprise peut autoriser leur collaborateur à prendre un taxi pour se rendre à l’aéroport ou aux heures de pointe et autoriser le VTC à d’autres moments. Autre possibilité, celle de dire que pour des trajets réalisés tôt le matin ou tard le soir, ils seront payés par l’entreprise et par l’employé le reste du temps.

A lire aussi : ALD Move veut gérer les frais de déplacement

Pour autant, l’offre de FREENOW ne s’arrête pas aux taxis et VTC, mais s’étend à tout la mobilité. Avec là aussi les mêmes avantages ?

D. T. – En effet, ces bénéfices pour les utilisateurs et les entreprises s’appliquent non seulement aux taxis et VTC, mais à toutes les autres formes de mobilité. Que ce soit les trottinettes et les vélos que FREENOW propose en France en partenariat avec Tier, les scooters électriques avec Cooltra, les voitures en autopartage avec Share Now ou les trottinettes et les vélos électriques avec Dott, en attendant d’autres partenariats en cours de discussion. L’ensemble de ces mobilités, en fonction de la présence des opérateurs dans les différentes villes, peuvent être réservés de bout en bout via l’application. Si les acheteurs voyages sont encore frileux vis-à-vis de ces solutions, on sait qu’un certain nombre de collaborateurs les utilisent en centre-ville. Et cela à travers des applications différentes, des formes de paiement différentes. Il y a un manque de visibilité, alors que notre promesse est de réunir tout dans une seule appli, sans encombrer l’espace mémoire des téléphones.

Pour autant, à la différence de certains de vos concurrents, votre vision de la super app semble circonscrite à la mobilité urbaine. Pourquoi ?

D. T. – L’avenir nous le dira, mais je ne suis pas convaincu des synergies et du mélange entre courte et longue distance comme le fait SNCF Connect ou comme veut le faire Uber au Royaume-Uni. Nous sommes dans la mobilité du quotidien et la démarche n’est pas la même de commander un VTC en quelques minutes que d’acheter un billet de train ou d’avion ou de réserver une chambre d’hôtel. A trop ouvrir l’app, on risque de ne satisfaire personne. Pour les utilisateurs, notamment les voyageurs corporate, nous voulons être le compagnon de voyage idéal pour se déplacer de l’aéroport à l’hôtel, de l’hôtel au bureau, du bureau au restaurant. Nous voulons maîtriser cette notion de super app, mais uniquement appliquée à la mobilité urbaine, sans nous disperser.

La mobilité urbaine peut être aussi vue à travers le prisme de la RSE. Quels sont les objectifs de FREENOW en matière de développement durable ?

D. T. – L’objectif que FREENOW s’est fixé est zero émission nette d’ici 2030, avec une réduction de 50% de nos émissions d’ici 2025. Nous avons trois leviers principaux pour y arriver, notamment l’accompagnement de nos 25 000 chauffeurs de VTC en France pour l’achat de véhicules verts au travers de subventions, d’accords avec les constructeurs et les fournisseurs de bornes de recharge électriques sur des tarifs préférentiels ou encore en proposant un différentiel de prix entre l’électrique et les autres gammes pour stimuler la demande. Ca, c’est le premier pilier, celui où il y a le plus de travail à faire de notre part, mais aussi de manière collective avec les autres plates-formes, les syndicats de chauffeurs.

Les voyageurs d'affaires peuvent réserver les scooters et trottinettes électriques de Tier via l'application FREENOW.
Les voyageurs d’affaires peuvent réserver les scooters et trottinettes électriques de Tier via l’application FREENOW.

Quant aux deux autres piliers, quels sont-ils ?

D. T. – Le deuxième, c’est de remplacer les courts trajets en VTC par des alternatives multimodales, notamment les courses inférieures à de quatre kilomètres qui ne sont en plus pas les plus intéressantes pour les chauffeurs, mais constituent une part importante des réservations. Un trajet de deux kilomètres peut facilement se faire en vélo ou en trottinette et ceux un peu plus long en scooter ou vélo électrique. Enfin, le dernier pilier est de travailler sur nos algorithmes de dispatch pour optimiser au maximum les temps d’approche des chauffeurs, qui peuvent avoir un impact sur les émissions carbone.

Votre nouvelle offre de taxi est-elle concernée par ces objectifs ?

D. T. – Ce n’est pas aujourd’hui la priorité. Ce serait un non sens de vouloir commencer à verdir une flotte avant même qu’elle n’existe. D’autant que nous nous attendons à une bataille assez complexe avec G7, Uber ou les chauffeurs de VTC et taxi eux-mêmes. C’est une petite révolution qu’on est en train d’opérer. Cependant, ce qui n’est pas actuellement une priorité le deviendra à partir de la fin d’année ou début 2023, quand nous nous engagerons à verdir la flotte de taxis comme nous l’avons fait pour les VTC, où nous avons aujourd’hui la plus grande flotte électrique d’Ile-de-France.

Reste une question, Freenow compte-t-il déployer son offre de taxis hors de Paris ?

D. T. – Pour l’instant, nous n’avons pas de plan en ce sens. Cependant, en fonction du succès que l’on rencontrera dans les trois à six mois qui viennent, nous pourrions tout à fait envisager d’étendre ce service à d’autres villes. Aujourd’hui, nous opérons des VTC dans sept métropoles françaises : Paris, Lyon, Nice et, depuis l’an dernier, Marseille, Toulouse, Bordeaux et Lille. Il y a plein d’autres villes secondaires, mais aussi tertiaires où l’offre de taxis pourrait être un moyen de se déployer rapidement, sans forcément déployer une offre de VTC. On ne s’interdit rien.