
Vous ouvrez la résidence La Clef Champs Elysées. Ce troisième établissement de prestige à Paris incarne-t-il l’esprit de votre marque Crest Collection ?
Oui, c’est vraiment le nouveau flagship de cette luxueuse collection, un petit bijou inséré dans un très bel demeure haussmannien (voir article). Cette résidence de 70 chambres et suites seulement profite d’un emplacement d’exception, rue de Bassano, à quelques pas des Champs-Elysées. Derrière sa façade historique, l’immeuble a été revu de façon contemporaine avec Jean-Philippe Nuel. Nous sommes allés dans le détail pour en faire un lieu de vie inspirée de la vie parisienne, emblématique du raffinement à la française. Mais avec une touche extrême-orientale aussi, puisque le restaurant gastronomique sera conduit par Imperial Treasure, qui compte plusieurs restaurants étoilés en Asie.
Quelles sont vos ambitions avec la Crest Collection ? D’autres ouvertures sont-elles à attendre ?
Cette nouvelle résidence confirme la volonté du groupe Ascott de se positionner sur le luxe. Cependant, on ne se fixe pas d’objectifs pour la Crest Collection. Notre développement se concentre plutôt sur les marques Citadines et Ascott. Trouver des lieux d’exception qui allient charme, prestige et histoire est une question d’opportunité. Nous avons bien sûr d’autres projets pour cette marque, notamment en Europe, sans que je puisse en dire plus.
Plus globalement, le groupe Ascott connaît une croissance très forte depuis plusieurs années, dépassant même ses objectifs annoncés. Ce dynamisme va-t-il se poursuivre ?
En effet, le groupe Ascott est focalisé sur la croissance. Nous avions pour ambition d’atteindre 80 000 unités en 2020. Aujourd’hui, nous en sommes à 100 000, notamment grâce au rachat des résidences Quest en Australie et une prise de participation majoritaire dans le groupe américain Synergy, spécialisé dans le logement corporate. Nous sommes en avance sur nos objectifs, mais nous n’allons pas pour autant nous reposer sur nos lauriers. Nous espérons passer à 160 000 chambres en 2023. Dans ce cadre, il y a évidemment beaucoup de possibilités de développement en Asie, surtout en Chine. Mais, en prenant mes fonctions de directeur pour l’Europe, je me suis fixé le même objectif qu’au niveau global, à savoir doubler notre portefeuille sur ce continent. Suivre le même rythme qu’en Asie est ambitieux, mais accessible. La dynamique est positive.
Nous sommes en avance sur nos objectifs, mais nous n’allons pas pour autant nous reposer sur nos lauriers.
Votre croissance passe désormais non plus seulement par les résidences long séjour, mais aussi par l’hôtellerie. Pourquoi cette évolution de votre stratégie ?
On voit qu’aujourd’hui, en Europe et dans le monde, les comportements évoluent. Dans le long séjour, la moyenne de durée de séjour se réduit. Partout dans le monde, l’efficacité des hubs de transport permet aux voyageurs de rester moins longtemps. Il faut donc qu’on adapte nos produits pour répondre aux nouvelles attentes. Cette stratégie s’est matérialisée en septembre dernier par notre première acquisition dans le domaine hôtelier, celle de Tauzia, un des cinq premiers groupes en Indonésie à la tête de 120 établissements et 20 000 chambres. Leader dans le secteur des résidences hôtelières, Ascott se devait de diversifier son offre pour pouvoir croître de manière significative. Nous souhaitons donc être présents dans l’hôtellerie, mais aussi dans les résidences seniors et étudiantes.
Quels sont vos ambitions avec cette nouvelle branche hôtelière ?
Nous allons ouvrir 20 000 chambres d’hôtels supplémentaires sur les cinq prochaines années. Tauzia regroupe six marques, allant du lifestyle au luxe, et nous comptons les déployer en dehors d’Indonésie. C’est à dire principalement en Asie du Sud-Est – en Malaisie, au Vietnam et aux Philippines –, mais aussi en Chine. Les produits de Tauzia ciblent essentiellement la classe moyenne, un segment en plein boom partout sur ce continent. Quant à l’Europe, ce continent ne fait pas partie des priorités pour Tauzia, sauf peut-être de façon opportuniste. Il y a déjà tant de choses à faire en Asie !
Cette récente incursion dans l’hôtellerie pourrait-elle aussi profiter à votre offre de résidences ?
Ces dernières années, nous avons racheté plusieurs établissements sous enseignes hôtelières aux Etats-Unis qui progressivement, à la fin des contrats de franchise, seront convertis à nos propres marques. C’est déjà le cas à New York, sur la 5e Avenue, où nous avons ouvert un premier Citadines en transformant un ancien hôtel indépendant. Prochainement, un autre Citadines ouvrira à Sunnyvale, près de Cupertino. Nous réfléchissons aussi au lancement à New York de Lyf, notre nouvelle marque de résidences qui s’adresse aux millenials, aux voyageurs d’affaires jeunes de corps ou d’esprit. New York est une ville où il y a une demande pour ce type de produit lifestyle. On a encore quelques hôtels sous leurs marques d’origine, on pourrait l’envisager.
Justement, quand cette nouvelle marque Lyf, annoncée fin 2016, dévoilera-t-elle ses premiers établissements ?
Les deux premières résidences Lyf ouvriront cette année, d’abord à Shenzhen, puis à Singapour. A l’horizon 2020-2021, d’autres projets devraient voir le jour à Bangkok, à Cebu aux Philippines, deux autres à Singapour et un autre au Japon. En parallèle, nous travaillons activement pour avoir un Lyf en Europe, avec comme cibles Londres, Berlin et surtout Paris. Tout en diversifiant notre offre en dehors du segment long séjour, Lyf représente notre autre axe de développement. Nous souhaitons avoir des produits résidence adaptés à tous les types de clientèle. Nous avions déjà Citadines pour les voyageurs d’affaires et Somerset pour les cadres expatriés et leurs familles. Nous avions aussi Ascott sur le haut de gamme et la Crest Collection dans le luxe. Avec l’explosion du coworking et du coliving, nous avons constaté le besoin d’un concept différent afin de s’adresser aux entrepreneurs jeunes de corps ou d’esprit qui travaillent en mode projet. D’où, dans les résidences Lyf, des espaces communs plus importants et des chambres de taille plus restreinte que dans les Citadines ou les Ascott pour favoriser l’expérience et le partage.

L’esprit insufflé par Lyf pourrait-il influer sur l’évolution de vos autres marques ?
Effectivement. Sans dévoiler le design de nos futurs établissements Citadines, il y aura des déclinaisons qui se rapprocheront de cet esprit avec, notamment, dans les résidences des espaces de ventes à emporter, un check-in/check-out facilité, des lounges d’attente pour les personnes arrivant tôt ou partant en fin de journée. Mais, dans les Citadines, nous resterons toujours sur des surfaces de chambres importants pour garantir l’intimité du voyageur. Au final, tout dépendra de la localisation. Certains lieux ne sont pas adaptés à ce type de produit. En revanche, le Citadines New York 5e Avenue s’inspire déjà de cette évolution.
Qu’en est-il du développement de Citadines en Europe ?
Nous allons poursuivre notre cycle de rénovation, trois Citadines ayant été remis au goût du jour l’an dernier à Munich, à Strasbourg et à Paris, près du Trocadéro. En parallèle, d’autres établissements vont ouvrir, notamment à Londres, dans le quartier d’Islington. Cette résidence de 108 appartements, attendue pour l’été 2019, fait partie d’un complexe résidentiel et loisirs et sera le fruit de la transformation de l’ancien centre de tri postal de Royal Mail. En plus d’autres acquisitions possibles, nous nous lançons aussi sur d’autres modèles de gestion pour atteindre nos objectifs de développement, notamment avec des résidences en franchise.
Ce qui démontre l’attractivité de cette marque vis à vis des propriétaires d’hôtels.
Pour eux, avoir un produit long séjour à côté d’autres établissements franchisés auprès de grands groupes hôteliers représente un réel intérêt. Autre avantage, comme nous sommes très connus en Asie et en Chine, celui d’attirer une plus grande part de clients asiatiques. Trois Citadines en franchise ouvriront à Amsterdam dans les semaines qui viennent, puis à Nantes en juin prochain ainsi qu’à Strasbourg en 2020. Dans les deux derniers cas, notre partenaire est Domytis, un acteur spécialisé dans les résidences senior avec qui, d’ailleurs, nous travaillons aussi pour développer cette offre hors France, car ils ont une réelle expertise dans ce domaine.
Côté services, des innovations sont-elles aussi à attendre ?
Bien sûr. On commence à déployer des systèmes Chromecast dans certaines de nos résidences, notamment au Citadines Barbican et dans nos établissements La Clef. Ce qui permet à nos clients de visualiser sur la télévision leur contenu de divertissement afin qu’ils se sentent vraiment chez eux. On travaille beaucoup sur la communication digitale dans nos établissements, mais aussi sur un processus de check-in/check-out sécurisé et facilité. Par exemple, nous testons à Singapour un kiosque d’enregistrement qui utilise la reconnaissance faciale. Les objets connectés font aussi partie de nos pistes de réflexion. Aujourd’hui, on entend beaucoup parler de domotique, de chambre connectée. A mon sens, c’est encore un peu prématuré. Mais, d’ici cinq ans, on aura des choses beaucoup plus stabilisées, beaucoup plus industrialisées et intégrées. C’est clairement une direction que nous allons prendre.