
C’est désormais un rendez-vous bien établi. Depuis les chamboulements provoqués par la crise Covid, Accor va à la rencontre de ses clients corporate, réunissant les leaders européens des secteurs de la technologie, du droit, de l’énergie, de l’ingénierie et des produits pharmaceutiques autour du Masters of Travel. Organisé cette année à Bruxelles, ce conseil consultatif a dressé l’état des lieux du voyage d’affaires et des réunions d’entreprises post pandémie. « Les idées glanées façonneront la réflexion d’Accor sur les voyages, afin de comprendre pleinement ce que pensent les entreprises et de pouvoir travailler en collaboration avec elles pour créer des solutions qui répondent à leurs objectifs« , a décrit Sabine Toplak, co-animatrice de l’événement et VP des ventes corporate et TMC pour l’Europe et l’Afrique du Nord de l’hôtelier français.
Le nouveau rapport Business of Travel 2023 acte en premier lieu la reprise des déplacements professionnels comme des réunions et événements d’entreprise. Et ce, même si, en 2023, les dépenses liées aux voyages d’affaires devraient rester en retrait de 24% par rapport aux niveaux prépandémiques. Mais le rattrapage par rapport à 2019 n’est plus si loin à en croire une étude de Deloitte estimant que les dépenses devraient revenir au même niveau d’ici 2024. Un optimisme confirmé par une enquête mondiale menée récemment par le groupe hôtelier, où 57% des personnes interrogées prévoyaient une augmentation du budget voyages en 2024 par rapport à 2023.
En parallèle, en ce qui concerne l’année en cours, près de la moitié (46 %) des professionnels sondés ne prévoyaient pas de limiter les voyages d’affaires pour le reste de l’année, malgré les incertitudes financières et géopolitiques. Toutefois, 14% ont mis en place un plan de limitation des voyages, tandis que d’autres, du fait de la hausse des tarifs dans l’aérien et de nombre de sièges disponibles limités, réduisent le nombre de participants aux réunions internationales.
Plus globalement, le rapport Business of Travel 2023 dessine le panorama des réunions et voyages d’affaires, qui ne pouvait rester le même après une période aussi éprouvante pour les collaborateurs, ni face aux défis environnementaux à venir. Equilibre entre le travail et les loisirs, bien-être des employés, considérations environnementales : l' »expérience du voyageur » est ainsi placée au deuxième rang des considérations des entreprises pour 2024, juste après les économies de coûts. « Les entreprises s’efforcent de trouver un équilibre entre productivité et raison d’être, a commenté Saskia Gentil, Senior VP Ventes pour l’Europe et l’Afrique du Nord d’Accor. C’est une période de grands changements et de réévaluation pour l’industrie« .
Tous les délégués du Masters of Travel se sont accordés pour dire que l’heure est aujourd’hui aux voyages d’affaires « avec un but défini« . « Le « pourquoi » du voyage est un facteur crucial lors de l’approbation d’un voyage« , selon le rapport publié par Accor.
Conclure un partenariat, signer un contrat resteront aussi essentiels, au moins « tant que la technologie n’aura pas rattrapé son retard et que les hologrammes ne pourront pas sourire avec émotion« , souligne l’étude. Cependant, si la valeur du face-à-face est indéniable – les professionnels estimant que les réunions en personne génèrent 25 % de revenus supplémentaires -, il n’est plus question aujourd’hui de faire sa valise et de partir sur un coup de tête pour une réunion interne, mais d’analyser soigneusement le retour sur investissement du déplacement. En alternative, les réunions virtuelles sont désormais bien ancrées dans les pratiques business, limitant en outre ce stress des voyages qui va croissant, entre grèves, annulations et retard de vol.
Priorité à la durabilité, tendance au bleisure
La limitation des voyages non essentiels s’accorde également avec des préoccupations environnementales passées au premier plan pour beaucoup d’entreprises. Ainsi 54 % des sociétés clientes d’Accor considèrent-elles les émissions de carbone comme leur principale priorité en matière de RSE. D’où une pression accrue à l’égard de leurs fournisseurs d’hébergement dont l’implication en matière de développement durable devient un critère important. « La performance en matière de durabilité des fournisseurs pour la recherche et la sélection d’hôtels en 2024 a été classée à 6,57/10, ce qui démontre son importance dans les décisions de réservation« , souligne le rapport.
En outre, les délégués participant au Masters of Travel ont souligné que les objectifs de réduction de leurs entreprises pouvaient être souvent plus ambitieux que ceux des hôtels, certaines ambitionnant la neutralité carbone à l’horizon 2025. Elles invitent de ce fait leurs partenaires hôteliers à accélérer le déploiement de solutions RSE, notamment de tableaux de bord des établissements qui puissent être liés au processus d’appel d’offres. Dans ce cadre, Accor a pu donner quelques gages majeurs avec plus de 70 % de ses hôtels disposant d’outils de mesure des émissions de carbone ou la volonté de voir 100% de son parc éco-certifié d’ici 2026.
Dans le cadre de leurs réflexions mêlant coûts et bilan carbone, certaines entreprises évoquent de nouvelles habitudes émergentes avec le développement de déplacements vers des marchés secondaires moins onéreux et des voyages en basse saison vers les destinations principales, pour profiter de tarifs moins élevés, mais aussi éviter le recours à la climatisation.
Le bleisure s’inscrit aussi dans le cadre de cette réflexion sur l’empreinte carbone. Des voyages plus longs, plus denses professionnellement mais qui cochent aussi la case « loisirs » : cette solution win-win pour les entreprises comme leurs employés est devenue courante. Selon un sondage réalisé par Accor, 67% des clients interrogés ont prolongé leurs voyages d’affaires en 2022. C’est le cas chez les jeunes employés, plus enclins à combiner affaires et plaisir, mais la tendance est « de plus en plus répandue dans toutes les catégories démographiques » selon le rapport Business of Travel.

Ne faisant sans doute que commencer, sans qu’on en aperçoive aujourd’hui toutes les déclinaisons futures, cette tendance bleisure favorise les produits d’hébergement de long séjour. Mais ces différentes aspects laissent entrevoir encore quelques zones d’ombre. Notamment la répartition entre frais professionnels et individuels – de quoi donner quelques migraines au service comptable en charge de répartir les factures d’un séjour hôtelier prolongé – ou, plus encore, en ce qui concerne les assurances – le voyageur, mais aussi ses proches qui viendraient le rejoindre le temps d’un week-end sont-ils couverts ? – et la gestion des risques.
Si le duty of care est une des autres grandes priorités des entreprises, l’étude d’Accor note toutefois que « les délégués ont révélé que les sociétés pour lesquelles ils travaillent prennent de plus en plus en compte cet aspect « plaisir » dans leurs polices d’assurance – car les activités de loisirs et profiter d’une destination offrent des avantages aux employés -, témoignant ainsi de leur bonne volonté« . Puisque ces mystères me dépassent, feignons d’en être l’organisateur : Cocteau n’aurait pas dit mieux.