
La liaison ferroviaire à grande vitesse entre Paris et Londres via le tunnel sous la Manche attire les convoitises. Alors qu’Eurostar vient de fusionner avec Thalys et s’apprête à lancer sa première campagne de marque, le projet Evolyn entre dans une nouvelle phase avec la commande de 12 TGV de type Avelia (+ 4 options) auprès d’Alstom. Porté par le groupe espagnol Cosmen, actionnaire à 18,5% de Mobico Group (ex-National Express), Evolyn annonce mobiliser un milliard de livres sterling (soit 940 M€) pour sa création avec ces trains à grande vitesse qui seront livrés à partir de 2025 pour débuter leur campagne d’homologation et une exploitation commerciale dès 2026. Le futur opérateur a précisé dans un communiqué vouloir « offrir une alternative compétitive en termes de service et de prix sur une liaison stratégique et très demandée qui ne possède actuellement qu’un seul opérateur« .
Les capacités du tunnel sous la Manche utilisées qu’à 50%
Getlink, le gestionnaire du tunnel sous la Manche, s’est immédiatement félicité de cette annonce qui « confirme le potentiel de croissance du marché du transport ferroviaire de passagers transmanche« . Et de rappeler dans son communiqué que « le tunnel et les réseaux ferroviaires qui y sont reliés sont conçus pour transporter plus de 20 millions de passagers à grande vitesse à travers la Manche chaque année, ce qui représente près du double du niveau actuel« . Le tunnel est ainsi accessible en « open access » garantissant un droit d’accès équitable à toute compagnie ferroviaire qui voudrait opérer des dessertes ferroviaires entre les réseaux britannique et du Vieux Continent.

C’est un challenger de poids qui s’avance à l’horizon pour Eurostar (détenue à 55% par la SNCF), Mobico Group étant un opérateur de transport aux reins solides dont les 46 000 salariés font voyager 977 millions de passagers par an dans onze pays à travers le monde : Grande-Bretagne déjà mais aussi Allemagne, USA, Espagne, Portugal, Maroc, Irlande, Australie… C’est en juin dernier que Mobico a troqué son nom de National Express, ce dernier demeurant toutefois l’une des marques commerciales en Grande-Bretagne. Il est à noter que ce groupe a revendu en 2017 l’exploitation de son réseau ferroviaire C2C (East London et South Essex) à Trenitalia à qui l’on prête également l’intention de se lancer dans les prochaines années sur cette ligne ferroviaire stratégique.
Pléthore de candidats depuis l’ouverture à la concurrence en 2010
Avant Evolyn, la Deutsche Bahn avait tenté en 2009 d’entrer en force au capital d’Eurostar avant d’envisager d’opérer sous ses couleurs sur Paris-Londres. Le coût financier de ce lancement mais surtout la complexité technique des rames nécessaire pour rouler sur les différents réseaux et dans le tunnel sous la Manche avaient eu raison de ce projet. D’autres prétendants comme un tandem Air France-Véolia ainsi que la Renfe ont également un temps étudié la question avant de jeter l’éponge pour les mêmes raisons. Avelia d’Alstom, le train choisi par Evolyn, coche sur ce point toutes les cases. D’une capacité de 740 passagers avec ses deux niveaux (soit 40% de plus qu’un TGV sans étage), ce train consomme 30% d’énergie en moins que l’ancienne génération et permet une exploitation transfrontalière intégrant à la fois les systèmes ERTMS (système européen de gestion du trafic ferroviaire) nationaux et quatre niveaux de tension électrique. Avec l’objectif d’augmenter le trafic passagers transmanche, Getlink avait enfin émis l’idée en 2022 d’acquérir des trains à grande vitesse – auprès de l’allemand Siemens cette fois -, afin de les louer à la compagnie qui accepterait de se lancer dans l’aventure. Getlink pourrait d’ailleurs être partie prenante du futur projet Evolyn/Mobico selon certaines rumeurs de marché. A suivre…