
Sa façade légendaire, la vue sur la grande bleue depuis ses plus belles suites, sa plage privée… Et, même, son toit quand tous les chats sont gris la nuit : le Carlton de Cannes a servi de décor prestigieux aux aventures de John Robie « The Cat » et de Frances Stevens, alias Cary Grant et Grace Kelly dans le film La Main au collet. Aujourd’hui encore, après une longue rénovation qui a vu ce monument historique passer en mode ultra luxe sous la marque Regent, l’hôtel conserve la mémoire du tournage à travers sa suite Alfred Hitchcock. Une de ses plus belles, la 623, devant laquelle, en 1954, la future princesse de Monaco et le sex-symbol au teint halé échangèrent un langoureux baiser.

(c) Carlton Cannes, a Regent Hotel

(c) Carlton Cannes, a Regent Hotel
Le palace cannois, également protagoniste clé de la comédie Quatre étoiles, a lié son histoire avec le cinéma. Notamment depuis que les huit seuls journalistes venus assister au premier festival de Cannes, en 1946, en firent leur pied-à-terre. Depuis, chaque année – hormis la longue période de fermeture qui vient de s’achever -, de nombreuses stars en font leur point de chute attitré lors du rendez-vous mondial du cinéma. Un événement qui met en valeur les légendes hôtelières de la Croisette, du Carlton au Martinez, en passant par le Majestic ou le Grand Hôtel de Cannes, depuis peu un hôtel Mondrian.
Le festival, qui diffuse de par le monde l’aura de Cannes et de son palais des congrès, offre l’occasion de se pencher sur les liens étroits entre le septième art et l’art de l’hospitalité. Le glamour d’une destination, l’intimité d’une chambre, l’intrigue au détour d’un couloir : les hôtels sont souvent des héros très discrets de nombreux films, mais bien présents au cœur de leur intrigue. Quelquefois même des acteurs clés comme le Park Hyatt Tokyo dans Lost in Translation, le Grand Hôtel des Bains dans Mort à Venise ou encore l’hôtel degli Orafi à Florence dont la Chambre avec vue peut toujours se réserver. Pour contempler au plus près le Rialto ou s’offrir des flashbacks en mémoire du film de James Ivory.

Au gré de leurs déplacements, les voyageurs d’affaires cinéphiles peuvent se repasser in situ certaines scènes mythiques, le temps d’une nuit dans les étoiles, juste pour prendre un verre. Voire lors d’une conférence ou d’une soirée de gala. Certaines villes se prêtent plus que d’autres à ces détours cinématographiques en marge d’un déplacement professionnel. Proches des studios de Holywood, les palaces de Los Angeles ont prêté leur cadre à de nombreux tournages. Connu comme « l’hôtel de Pretty Woman », le Beverly Wilshire, du groupe Four Seasons, exploite toujours ce filon. Par exemple, son package « Pretty Woman for a day » propose un hébergement dans une Specialty Suites – avec baignoire, évidemment -, des soins au spa et, pour parfaire le mimétisme, le tour des boutiques de luxe de Rodeo Drive avec un consultant garde-robe.
Studio à ciel ouvert, où chaque rue a des airs de déjà vu même pour ceux qui y mettent les pieds pour la première fois, New York donne également l’occasion de marcher dans les pas des grands noms du cinéma. Notamment ceux de Cary Grant, de Leonardo Dicaprio ou de Macauley Culkin au Plaza ou, dans un style plus « franchouillard », ceux de Louis de Funès au Sheraton Times Square. Alors qu’il s’appelait encore l’Hôtel Americana, dans les années 1960, l’établissement a en effet accueilli le tournage du Gendarme à New York, invité à New York pour un congrès international de la gendarmerie. Un film où, de ce fait, l’immense espace MICE de l’hôtel – une quarantaine de salles pour une capacité de 2850 personnes – prend toute la place à l’écran.


Noblesse oblige, le standing de l’hôtellerie londonienne rime avec de nombreux castings. Fréquenté par Hugh Grant dans Coup de Foudre à Notting Hill, le luxueux Savoy – qui, comme le Plaza de New York, fait partie de la marque Fairmont – a également servi de cadre à plusieurs scènes du biopic Stan et Ollie. Un choix logique puisque les comédiens Laurel et Hardy furent en leur temps des clients fidèles de cette star de l’hôtellerie londonienne. Mais, surtout, la capitale britannique fourmille de lieux iconiques associés à James Bond. La Tamise of course, pour de nombreuses courses poursuites fluviales, mais aussi le SIS Building, le siège du MI6 depuis 1994, ou encore le Old War Office, un des autres lieux accueillant régulièrement les bureaux de « M ».
Apparaissant aux génériques d’Octopussy, de Dangereusement Vôtre ou de Skyfall, l’ancien Bureau de la Guerre du gouvernement britannique sera bientôt accessible à toutes les voyageurs. Sans doute moyennant plusieurs centaines de livres sterling, mais sans qu’ils aient à démontrer leur qualité d’espion. En effet, le célèbre bâtiment, reconnaissable à son imposante façade néo-baroque, s’apprête à accueillir d’ici la fin de l’année un prestigieux hôtel Raffles.

Un plongeon dans la piscine du Four Seasons at Canary Wharf, un verre en terrasse à l’hôtel Cipriani à Venise, une cavalcade sur les toits de l’Atlantic à Hambourg : James Bond ne s’est jamais privé lors de ses différents voyages. Alfred Hitchcock non plus, parmi les réalisateurs. Le maître du suspense a donné le beau rôle à de nombreux hôtels comme la Mamounia à Marrakech avec L’Homme qui en savait trop, le Plaza à New York dans la Mort aux Trousses ou encore l’Empire Hotel à San Francisco. Lieu de tournage de Sueurs Froides – souvent considéré comme un des plus grands films de l’histoire du cinéma -, cet établissement n’a pas hésité à jouer sur cet héritage pour se rebaptiser en Hotel… Vertigo, le nom du film en VO.
Pour autant, s’ils sont amenés à se rendre en Californie, que les voyageurs d’affaires fans de tous ces thrillers ne perdent pas leur temps à rechercher l’hôtel dans leur système de réservation : l’hôtel a fermé ses portes, victime du covid. Pas plus qu’ils ne trouveront dans leurs hotel booking tools de Grand Budapest Hotel ou d’Hôtel Transylvanie. Des têtes d’affiche évidemment fictives.

Cependant, sans aller aussi loin que New York ou San Francisco, les professionnels cinéphiles trouveront en France de quoi combiner leur passion et leurs affaires. Par exemple à Saint Nazaire, où l’Hôtel de la plage, aujourd’hui un Best Western, a hébergé dans les années 50 Les Vacances de Monsieur Hulot. Comme cette station, d’autres villes balnéaires font revivre aux voyageurs de grands moments de cinéma. A Cabourg, le Grand Hôtel, qui fait partie de la collection MGallery, n’a pas seulement inspiré Marcel Proust pour son Grand Hôtel de la Plage à Balbec. La Boum, Intouchables, On ne meurt que deux fois, Le Cœur des hommes : toutes ces productions ont pris pour cadre ce lieu historique à la façade Belle Epoque.
L’idylle entre Deauville et le monde du cinéma est aussi archi connue. Notamment parce que c’est là, dans les années 60, que Claude Lelouch a posé ses caméras à l’hôtel Normandy, du groupe Barrière, pour filmer les amours d’Anne Gauthier (Anouk Aimée) et de Jean-Louis Duroc (Jean-Louis Trintignant). Un établissement qui célèbre avec sa suite « Un Homme et une Femme« , décorée de grandes photos en noir et blanc tirées des scènes les plus célèbres.

Paradoxalement, Paris, pourtant si représentée dans les films, semble moins prisée par les réalisateurs côté hôtellerie. Le Bristol a certes vu ses suites magnifiées par Woody Allen dans Minuit à Paris. Le Ritz a accueilli le professeur Langdon dans le film tiré du Da Vinci Code. L’entrée de l’InterContinental Le Grand apparaît aussi, furtivement, dans Frantic de Roman Polanski. Mais nulle trace de James Bond ou de Hitchock dans les palaces parisiens.
Alors, pour quelques réminiscences cinématographiques, les voyageurs pourront toujours séjourner à l’hôtel Saint-Jacques, décor du film Charade, thriller à la Hitchcock avec Cary Grant et Audrey Hepburn comme acteurs principaux. De la même manière, l’hôtel Les Rives de Notre-Dame leur évoquera A bout de souffle, même si ce quatre étoiles de 10 chambres du Quartier Latin n’a plus grand chose à voir avec l’Hôtel de Suède où Godard faisait se rencontrer Jean-Pierre Belmondo et Jean Seberg. Enfin, pour retrouver un peu de cette atmosphère, ils pourront aussi aller prendre un verre à l’Hôtel du Nord, quai de Jemappes. Un café dont la façade longeant le canal Saint-Martin a été reconstituée près des studios de Billancourt pour le tournage du film éponyme de Marcel Carné en 1938. Quand le vrai et le faux se confondent pour laisser place à l’imagination. Comme au cinéma.