Mama Shelter : Quinze ans après

Mama Shelter ou la recette d'un succès prolongé. Quinze ans après l'ouverture du premier établissement, la marque a conservé au sein du groupe Accor son esprit lifestyle pionnier. En attendant de nouveaux projets en préparation.
L'esprit décalé et convivial de Mama Shelter se déploiera à Dubaï l'an prochain, entre autres projets en cours.
L'esprit décalé et convivial de Mama Shelter se déploiera à Dubaï l'an prochain, entre autres projets en cours.

Dijon il y a quelques semaines, bientôt Nice, Dubaï, Los Angeles, Singapour… Mama Shelter ne fait pas d’exclusive dans son développement entre les grandes villes françaises et les métropoles mondiales. Prix abordables, restauration conviviale, décoration originale, ambiance festive : la greffe de ce concept lancé par Serge Trigano semble prendre partout, avec 17 hôtels ouverts aujourd’hui et bien d’autres à venir.

Comme d’autres – sans doute plus que d’autres -, cette marque incarne-t-elle le virage lifestyle pris par l’hôtellerie aujourd’hui. Une success story dont la genèse remonte à maintenant 15 ans, au 5 septembre 2008, date de l’ouverture du premier « Mama » au fin fond du XXe arrondissement parisien. Une localisation peu propice pour beaucoup d’observateurs, Serge Trigano rappelant avoir rencontré 80 banques et essuyé 80 refus avant de pouvoir mener à bien son projet dans le document revenant sur l’histoire de l’enseigne. Et pourtant…

De la transformation d’un ancien parking rue de Bagnolet, Serge Trigano a su faire un lieu de rendez-vous prisé par les trentenaires parisiens côté restauration comme par les touristes et voyageurs d’affaires pour l’hébergement. Avec, comme garants de cette réussite, Philippe Starck côté design, le chef étoilé Alain Senderens pour la carte, Cyril Aouizerate, l’une des figures de proue de la rénovation urbaine. Sans compter les deux fils de Serge Trigano, Jérémie et Benjamin, au soutien de leur père.

« C’est la marque qui a compris avant tout le monde que son premier client était celui qui habitait à quelques minutes de là alors que, pendant 50 ans, l’hôtellerie réalisait 85% de son chiffre d’affaires avec des voyageurs souvent venus de loin, expliquait récemment Sébastien Bazin, PDG d’Accor, lors d’une rencontre avec la presse autour de la journée investisseurs du groupe français. La famille Trigano nous a démontré qu’avec leur concept, on pouvait réaliser 65% du chiffre d’affaires sans lien avec la chambre d’hôtel, avec des grands-parents, des banquiers, des étudiants venant tous se mêler au brunch du dimanche. Le tournant, il est là ».  

Mama Shelter Rennes.

Si le concept a démontré sa force, restait à lui donner de l’ampleur. D’où l’idée de l’association avec le groupe Accor en 2014. « Notre alliance avec Accor a permis ce développement », décrit Serge Trigano. « Nous n’avons pas été chercher la famille Trigano, de la même manière que Christoph Hoffmann chez 25Hours, précise Sébastien Bazin. Ces entrepreneurs se sont dit : « Nous avons créé une marque, ouvert cinq-six hôtels. Mais nous n’avons ni la taille, ni le bilan ou la centrale de réservation pour passer à la trentaine ». D’où la nécessité de s’atteler à une locomotive comme Accor ».

Une quinzaine de Mama Shelter aujourd’hui, possiblement une cinquantaine à plus long terme : l’expansion de la marque suit un rythme mesuré depuis les débuts de ce partenariat. Sans tomber dans l’écueil, propre aux grandes structures, de diluer une identité forte à travers la multiplication de clones sans âme. Une gageure qui s’explique sans doute par le fait que la famille Trigano soit toujours partie prenante de l’aventure, même si elle a cédé toutes ses parts. « Indépendamment de leur cession capitalistique, les fondateurs sont toujours là pour préserver leur marque, avec un droit de veto non écrit sur les ouvertures », remarque Sébastien Bazin.

Préserver l’ADN originel

« C’est un cas d’école », estime Cédric Gobilliard, directeur en charge de Mama Shelter au sein d’Ennismore, la joint-venture créée par Accor et Sharan Pasricha pour étendre son empreinte sur l’hôtellerie lifestyle. Pour préserver l’ADN originel, Cédric Gobilliard continue à travailler main dans la main avec la famille Trigano. « Je suis à leur écoute, explique-t-il. Elle m’a donné sa bénédiction et m’a transmis ses valeurs. Je suis là pour protéger celles-ci et continuer à développer Mama Shelter en maintenant l’identité et l’esprit communautaire de la marque. Nous renforçons même son ambiance vivante et joyeuse ».

Pour cela, Mama Shelter compte notamment sur son nouveau designer attitré, Benjamin El Doghaïli, choisi par la famille Trigano pour succéder à Jalil Amor, qui avait travaillé avec Philippe Starck sur les premiers hôtels : « Je conçois chaque hôtel pour qu’il garde sa personnalité et son style en vieillissant, en reflétant toujours l’âme de la ville et du quartier où il se trouve ». Dans ce cadre, après Paris, Marseille, Lyon, Bordeaux, Toulouse, Lille, Rennes et Dijon, Nice s’apprête à découvrir l’atmosphère particulière des « Mama » avec l’ouverture en juin 2024, dans le quartier central de Riquier, d’un hôtel de 102 chambres surmonté d’une piscine en rooftop.

Mais le futur s’écrit aussi et surtout sous des cieux plus lointains avec l’arrivée de la marque à Dubaï l’an prochain. Avec un hôtel dans le ton du gigantisme ambiant, disposant de 197 chambres et de 204 appartements, de quatre piscines et de plusieurs options de restauration ou encore d’un CinéMama en plein air. Après le Moyen-Orient, l’Afrique est aussi sur le plan de marche avec un projet en cours à Casablanca, au sein du complexe à usage mixte Saray. Mêlant immeubles résidentiels, bureaux et boutiques, ce développement ajoutera un hôtel de 92 chambres et 49 appartements doté de deux restaurants, d’une immense piscine et d’un espace de réunion de 120 m².

Cette dimension affaires sera aussi bien présente à Medellin comme à Zurich. Tandis que le futur Mama Shelter Zurich, situé dans le quartier d’Oerlikon, disposera de 550 m² de salles de réunion en plus de 178 chambres, un toit-terrasse et de trois salles de karaoké, le Mama Shelter en cours de préparation dans la deuxième ville de Colombie aura une offre business encore plus marquée. Situé dans le quartier d’El Poblado, cet hôtel de 150 chambres intégrera en effet un espace de coworking de plus de 3 000 m², s’ajoutant à 500 m² de salles de réunion.

Toujours dans les cartons, l’enseigne lifestyle devrait aussi faire son apparition à Singapour, avec un hôtel de 115 chambres au cœur de Killiney Road, ou encore à Liverpool, au sein d’un bâtiment iconique de la métropole anglaise, le grand magasin George Henry Lee. En parallèle, la marque va ajouter une deuxième adresse à Los Angeles. Situé comme le premier dans Downtown LA, l’hôtel comprendra 149 chambres et deux restaurants festifs, dont un sur le toit-terrasse. « De plus en plus de villes moyennes en France nous sollicitent et il en va de même aux États-Unis, constate Cédric Gobilliard. Notre signature locale et notre expertise locale sont des atouts réels et significatifs ». Entre autres arguments porteurs…