
Biométrie, chatbot, tracking des bagages, réalité virtuelle… Depuis quelques mois, les grandes compagnies aériennes rivalisent d’imagination pour améliorer l’expérience voyageur et réduire les frictions à toutes les étapes du parcours client. Pour Jean-Baptiste Nau, senior manager au cabinet Wavestone et spécialiste du transport aérien, on assiste à une deuxième vague de digitalisation qui porte aujourd’hui sur une offre de services différenciants et personnalisés. “La première vague était intervenue, en gros, durant la première partie des années 2010, estime-t-il. Les compagnies traditionnelles ainsi que les low cost avaient alors digitalisé les transactions de base comme la réservation du billet ou le check-in via leurs applications pour smartphone.”
Place donc à l’innovation. Parmi les initiatives les plus originales, on peut citer l’utilisation de la réalité augmentée pour vérifier la taille d’un bagage à main pour les clients de KLM et d’easyJet, la réalité virtuelle pour se divertir dans les salons ou à bord de nombreux appareils, mais aussi le premier terminal biométrique récemment dévoilé par Delta Air Lines à Atlanta. Le modèle en la matière reste le groupe Lufthansa. Le transporteur allemand veut devenir la compagnie aérienne la plus digitale au monde et investira pour cela 500 millions d’euros jusqu’en 2020 à travers de multiples projets. Avec HomeTag, le client de Lufthansa peut notamment imprimer chez lui l’étiquette de son bagage. Un partenariat avec le bagagiste Rimowa va encore plus loin. Plus besoin d’imprimer et de coller une étiquette, puisque c’est un tag électronique qui s’affiche sur la valise et se réactualise à chaque voyage. Il n’y a plus qu’à la déposer sur le tapis. Entre autres initiatives, le transporteur allemand développe aussi avec car2go un service de covoiturage afin de mutualiser les frais de stationnement et de carburant pour se rendre à l’aéroport.
Au sein même de l’aérogare, un système de beacons – de balises intelligentes – installé à Munich et Francfort géolocalise le passager en temps réel. Lufthansa peut ainsi indiquer au passager s’il a suffisamment de temps pour se rendre dans tel salon par rapport à la distance qui le sépare de sa porte d’embarquement. Lufthansa teste également la reconnaissance faciale afin de permettre aux voyageurs de passer les portiques de contrôle presque sans s’arrêter.
Couteau suisse
Air France n’est pas en reste. Lors de la septième édition des #AFDigiDays, mi-février, la compagnie française a présenté de nouvelles fonctionnalités pour accompagner ses clients tout au long de leur voyage. Tout commence par l’enrichissement de son application mobile qui devient un véritable couteau suisse. Au-delà des 20 solutions de moyen de paiement déjà proposées – Paypal, carte de crédit, virement bancaire… – s’ajouteront prochainement Google Pay et Apple Pay, les portefeuilles électroniques des deux géants du numérique.
Autre évolution, l’application estime désormais le temps de trajet jusqu’à l’aéroport en tenant compte du moyen de transport – voiture, métro, bus – et de l’état de la circulation. Une fois à l’aéroport, le voyageur est, comme avec Lufthansa, géolocalisé à partir du plan de l’aérogare. Grâce à cela, il peut être guidé jusqu’à la porte d’embarquement, et, si un changement de porte intervient entre-temps, le parcours est rectifié en conséquence. Air France dispose déjà des données d’une vingtaine d’aéroports en France et à l’international. Paris Orly et CDG seront pris en compte dans les prochains mois.
L’application mobile permet également de tracer un bagage à toutes les grandes étapes de son acheminement. Le voyageur est notifié en temps réel du statut de son bagage : à bord, débarqué, déposé sur le tapis numéro X. Mais c’est surtout l’enregistrement qui a été largement simplifié. Le voyageur, pour ajouter sa carte d’identité ou son passeport, n’a plus qu’à positionner sa pièce d’identité dans l’espace indiqué par l’application pour la scanner. Les champs de données réglementaires sont alors automatiquement remplis à partir des informations extraites.
En parallèle, Air France expérimente aussi la carte biométrique pour la dépose-bagage et pour l’embarquement. À l’instar de Lufthansa, le projet fait appel à la reconnaissance faciale. Le client ayant été invité à scanner son passeport depuis l’application mobile – il pourra également le faire sur une borne libre-service à l’aéroport –, le système peut réconcilier la photo de la pièce d’identité numérisée avec son visage capté en “live” par un automate lors de chaque passage. Le rapprochement entre les données biométriques et l’image du client permettra alors de l’autoriser, ou non, à déposer ses bagages, puis à embarquer. “Ce ‘matching’ permet de ne pas avoir à collecter des données personnelles ou à accéder à une base de données”, précise Carole Peytavin, directrice expérience client d’Air France. À l’arrivée du vol, l’application demande au client d’évaluer son expérience de voyage par un système d’étoiles, allant d’une à cinq. “Cela permet d’avoir un feedback immédiat”, estime Stéphanie Charlaix, vice-présidente produit digital et innovation de la compagnie française. Bientôt, pour toutes ces actions, le client pourra interroger l’application à la voix via Siri sur iPhone, l’intégration d’autres assistants vocaux comme OK Google ! étant en cours.
Enfin, Air France multiplie aussi les chatbots. Après Louis pour le service client des bagages, puis Lucie, sorte guide touristique inspirationnel pour le choix d’une destination, voici Léa. Disponible en français et en anglais sur Facebook Messenger, cet agent conversationnel est chargé de gérer les imprévus du voyage. Léa signale les problèmes survenant sur le parcours et les alternatives proposées. Selon le problème rencontré, elle enverra des indications sur l’hébergement proposé, des attestations de retard ou d’annulation et des bons de compensation pour le transport, l’hébergement et le repas. En ce qui concerne le bon de restauration, Air France transforme d’ailleurs la carte d’accès à bord dématérialisée en voucher. “Il n’est plus nécessaire de devoir faire la queue pour le retirer au guichet, le client se sert de cet e-coupon pour consommer”, se réjouit Aurélie Rédon, responsable priorité clients et aléas. Parmi les enseignes partenaires, on trouve notamment Starbucks.
Pour Sophie Montoussy, consultante chez Wavestone, cette stratégie de digitalisation illustre la volonté de proposer un parcours client sans couture. “Avant, le numérique intervenait surtout au moment de l’enregistrement et un peu à l’aéroport. Aujourd’hui, l’expérience voyageur s’étire dans le temps et les points de contact avec la compagnie aérienne se multiplient.” Pour que ce parcours ne connaisse pas de trou d’air, les compagnies aériennes se sont lancées dans la bataille du wi-fi à bord. Un point clé pour fidéliser les voyageurs d’affaires.
Défi à relever
“Le défi se révèle important pour les compagnies qui doivent s’équiper progressivement, et donc immobiliser plusieurs centaines d’appareils. Cela demande du temps, observe Jean-Baptiste Nau. Le client, lui, s’attend à bénéficier d’un service identique quel que soit l’appareil et le vol.” Et cela, sans que cela lui coûte plus cher. Aussi, selon Jean-Baptiste Nau, “la généralisation du wi-fi s’accompagnera de nouveaux services monétisables à bord que ce soit en matière de divertissement ou de shopping.” La start-up française Skydeals propose déjà aux passagers de certaines compagnies d’accéder, via leur smartphone, à des ventes privées à bord. Elle participe actuellement à un test avec Air France (lire encadré ci-dessous).
Quelle sera la suite ? Pour Jean-Baptiste Nau, la troisième vague digitale consistera, pour les compagnies aériennes, à exploiter tout le potentiel des données afin de proposer “des services toujours plus adaptés et une meilleure anticipation des disruptions.” Lufthansa, encore elle, est déjà dans cette étape de l’exploitation des données voyageurs à travers son département SMILE (Surpass My Individual Lufthansa Experience). Dans la phase d’expérimentation, 10 000 clients ont accepté de confier leurs données, préalablement rendues anonymes. Selon Jean-Baptiste Nau, la qualité du service client, élément clé de la fidélisation, passe aussi par un meilleur partage des informations entre les différents acteurs de la relation client : “Mettre à disposition de l’équipage certaines informations relatives au parcours préalable du client, comme par exemple un incident survenu lors du vol aller, offre à la compagnie la possibilité d’améliorer sa relation. C’est aujourd’hui plus facile avec l’équipement du personnel de bord en tablettes tactiles.” Attention toutefois à ne pas pousser le curseur du digital trop loin. “La présence humaine reste de mise pour accompagner les voyageurs, poursuit l’expert. Rien de tel, en cas d’aléas, que de pouvoir compter sur la disponibilité rassurante d’un agent commercial. Il ne faut pas non plus oublier le besoin de reconnaissance qui, quoi qu’on en dise, demeure toujours important pour les voyageurs que nous sommes.” De l’art de prendre le meilleur du numérique et de l’humain.
Le wi-fi à bord généralisé chez Air France d’ici à fin 2020Dans le cadre de son programme Air France Connect, la compagnie a déjà équipé en wi-fi 21 de ses avions long-courriers (Boeing 787, Airbus A330 revisités, Boeing 777). Depuis le 31 janvier, c’est au tour de sa flotte moyen-courrier d’être prise en charge. D’ici à fin 2020, l’intégralité des appareils Air France – hors flotte régionale – en sera dotée. Air France offre gratuitement à tous les passagers l’accès aux messageries instantanées de type WhatsApp, iMessage, Viber, WeChat, Messenger à travers le Pass Message. Le Pass Surf, facturé de 3 à 18 euros, permet d’envoyer des mails, de surfer sur internet. Enfin, le Pass Stream, au coût de 30 euros et accessible uniquement sur le long-courrier à l’heure actuelle, offre une plus large bande passante pour le streaming vidéo ou le téléchargement de fichiers lourds. |