Hyatt : un grand nom devenu un grand groupe

Depuis cinq ans, le groupe Hyatt affiche une croissance de son offre nettement supérieure à la moyenne à coup d'acquisitions ou de lancement de marques. Retour sur la transformation en profondeur d'un grand nom de l'hôtellerie.
Le Andaz Nanjing, un des derniers hôtels ouverts par le groupe Hyatt.
Le Andaz Nanjing, un des derniers hôtels ouverts par le groupe Hyatt.

Lancement de nouvelles marques, acquisitions stratégiques, orientation marquée vers le luxe et le lifestyle : toutes ces tendances animent la transformation en profondeur des groupes hôteliers depuis plus d’une décennie. Mais, parmi les Accor, Hilton, IHG, Marriott et consorts, s’il est un à avoir connu une croissance impressionnante depuis le début des années 2010, c’est à n’en pas douter Hyatt. Un grand nom du secteur, mais qui n’était qu’un nain par la taille encore en 2009. Alors que la plupart des ses concurrents disposaient tous de plusieurs milliers d’hôtels à cette époque, l’hôtelier américain en comptait 400 à peine, la plupart aux Etats-Unis et dans les grandes métropoles mondiales… contre plus de 1250 en fin d’année dernière pour une présence de 700 destinations !

Depuis 2017, le groupe américain est celui qui a connu le plus fort développement parmi ses pairs, avec une croissance en nombre de chambres de 64%, contre 31% pour Hilton, 30% pour Accor, 22% pour Marriott et 14% pour IHG. « Non seulement nous avons connu une croissance plus importante, mais une croissance disproportionnée dans les segments où les redevances par chambre sont les plus élevées« , a remarqué Mark Hoplamazian, PDG du groupe hôtelier. L’offre de Hyatt est en effet positionnée à 70% sur les segments luxe et « upper upscale », contre 28% pour Marriott par exemple.

Lors de sa journée dédiée aux investisseurs, le groupe américain, qui va sur ses 65 ans, est récemment revenu sur sa profonde évolution au cours des deux dernières décennies. Et notamment sur les raisons d’un développement pendant longtemps à pas mesurés, quand l’hôtellerie n’était qu’une des multiples activités de ses propriétaires, la famille Pritzker, l’un des plus riches des Etats-Unis aussi connue pour son célèbre prix d’architecture. « Notre ambition était d’avoir une marque forte, mais sans réel objectif de taille, a expliqué Thomas Pritzker, président exécutif du groupe depuis 2004. Notre but était surtout de construire notre patrimoine familial en investissant dans tout un tas de business, notamment en utilisant une part du cash généré par l’hôtellerie. De ce fait, la croissance de Hyatt a été plus lente« .

Lobby du FirstName Bordeaux, membre de la collection JdV by Hyatt. (c) Jérôme Galland
Lobby du FirstName Bordeaux, membre de la collection JdV by Hyatt. (c) Jérôme Galland

La disparition de Jay Pitzker, un des principaux bâtisseurs de cet empire, et les dissensions familiales qui en ont suivies ont conduit à l’introduction du groupe en bourse en 2009. D’où une nouvelle dynamique : « Hyatt se devait d’être une société purement concentrée sur l’hôtellerie et d’offrir des perspectives de croissance. D’où la nécessité d’aller vers d’autres segments et de s’ouvrir à la franchise« , a souligné Thomas Pritzker. Mark Hoplamazian, PDG de Hyatt depuis 2006, est revenu sur cette période préparatoire au « New Hyatt » que l’on connaît aujourd’hui : « De 2007 à 2016, nous avons lancé des marques pour pouvoir entrer sur de nouveaux marchés et offrir davantage d’expériences à nos clients« .

Mark Hoplamazian se plaît ainsi à présenter son groupe comme un des premiers à s’être orienté vers le lifestyle haut de gamme avec Andaz en 2007 comme à miser sur le all inclusive avec Hyatt Ziva et Hyatt Zilara. Le portefeuille d’enseignes, toujours axées sur le haut de gamme s’est aussi étendu à l’hôtellerie indépendante avec The Unbound Collection, à l’hôtellerie contemporaine à services limités avec Hyatt Place, aux longs séjours avec Hyatt House et, très récemment, avec Hyatt Studios.

En parallèle, suivant la stratégie « asset light » en vigueur dans le secteur, Hyatt a aussi changé de modèle économique. Alors que le groupe était propriétaire d’une centaine d’hôtels au moment de son entrée en bourse, il n’en détient plus que 34 aujourd’hui. Des ventes qui ont généré 3,8 milliards de dollars, presque intégralement réinvestis dans des acquisitions stratégiques.

Cet autre grand levier de croissance a permis à Hyatt de mettre un pied dans l’hôtellerie de luxe et bien-être avec le rachat de Miraval en 2017, puis de faire un pas conséquent dans le lifestyle avec l’acquisition de Two Roads Hospitality et de ses enseignes JdV, Thompson et Alila en 2018. Un segment porteur sur lequel Hyatt a poursuivi ses emplettes avec l’intégration cette année du Dream Hotel Group, lui offrant notamment une présence accrue de 30% à New York. Plus encore, l’acquisition du groupe Apple Leisure – la plus grande du groupe à ce jour – élève Hyatt au rang de leader mondial du all inclusive haut de gamme.

Le Thompson Madrid, attendu en milieu d'année.
Hôtel Thompson, à Madrid.

Au total, l’offre du groupe se sera enrichie de 13 marques au cours de cette profonde transformation. Fort de cet ensemble à même de satisfaire les propriétaires potentiels comme les clients fidèles, Hyatt a posé les bases de sa croissance actuelle et future. Le nombre d’hôtels de luxe a ainsi été multiplié par deux depuis 2017, par trois en ce qui concerne les resorts et même par quatre sur le segment en vogue du moment, le lifestyle. « En plus de ça, nous avons étendu la présence de nos marques dans 18 nouveaux pays et 224 marchés« , s’est réjoui Mark Hoplamazian.

Paradoxalement, ce qui faisait la faiblesse du groupe – une moindre présence géographique par rapport à ses concurrents – pourrait être sa force aujourd’hui, avec de nombreuses terrae incognitae encore à conquérir. Sur les 650 principaux marchés dans le monde, seule la moitié compte des hôtels Hyatt. Et encore : si l’offre de l’hôtelier américain rivalise dans les marchés clés, c’est loin d’être le cas ailleurs. « Alors que nos concurrents ont 14 hôtels par marché en moyenne, Hyatt n’en a que 4, précise Mark Hoplamazian. D’où une marge de croissance importante« . Par exemple, la dernière de ses marques, Hyatt Studios, va permettre au groupe de s’implanter dans les villes secondaires et tertiaires aux Etats-Unis, avec une offre au prix adapté à ces marchés. Fort de toutes ces pages blanches encore à écrire, Hyatt dispose d’un pipeline bien fourni de 117 000 chambres. De quoi entrevoir avec confiance la barre des 1 500 hôtels dans le monde à l’horizon 2025.