
Quel bilan dressez-vous de l’arrivée de Trenitalia en France ?
Roberto Rinaudo – Le bilan est très positif même si nous devons depuis l’été nous concentrer sur Paris-Lyon en raison des éboulements survenus fin août dans la vallée de la Maurienne, qui ont entrainé la suspension de la desserte vers Milan jusqu’en juin 2024. Nos remplissages étaient de plus de 80% sur le Paris-Milan et sont supérieurs à 65% sur le Paris-Lyon, en constante augmentation. Le tout avec 95% de clients satisfaits, notamment les voyageurs d’affaires qui ont le choix à bord des rames entre l’Executive, la Business, la Sala Meeting et la Standard, notre 2nde classe. Ils apprécient la présence de prises électriques et de ports USB, du wifi et l’existence d’un portail qui donne accès à des films, vidéos ou journaux. Ce dernier permet aussi de commander et de se faire servir un repas à la place en Business ou Standard [la prestation est incluse en classe Executive, ndlr]. Au final, notre arrivée a permis d’augmenter l’offre, de baisser les prix tout en augmentant la qualité du service proposé. La concurrence stimule la croissance car la SNCF enregistrait également de bons résultats sur ces deux axes.
Quelles sont les ambitions de Trenitalia ?
Roberto Rinaudo – Trenitalia espère pouvoir augmenter les dessertes sur Paris-Lyon mais nous avons besoin pour cela de l’autorisation de SNCF Réseau, le gestionnaires de l’infrastructure. L’objectif est ensuite de se développer sur le réseau à grande vitesse en France et en Europe, vers la Belgique et les Pays-Bas par exemple. Des études économiques et techniques sont en cours afin d’identifier les prochaines ouvertures, la disponibilité des sillons, les gares desservies… Des annonces devraient intervenir dans les prochains mois.
Quel est le plus gros frein à l’ouverture à la concurrence en France ?
Roberto Rinaudo – C’est indiscutablement le coût des péages ferroviaires qui est, par exemple, quatre fois plus cher sur Paris-Lyon que sur Milan-Rome. Ici le coût de l’infrastructure est supporté par les compagnies alors qu’il est pris en partie en charge par l’Etat en Italie. Cela complexifie le modèle économique et oblige les nouveaux opérateurs à se positionner sur les lignes les plus rentables. Il faut trouver la bonne équation pour baisser de l’ordre de 20% le montant des péages tout en réussissant à compenser cette différence pour SNCF Réseau qui assure l’entretien des voies. Selon moi, la solution serait de baisser le prix des billets ce qui entrainerait une hausse des volumes par une stimulation de la demande de voyages. C’est ce modèle vertueux qui marche en Italie où les péages ont été abaissé de 38% en 2015 sur le réseau à grande vitesse. L’augmentation des ventes a suivi grâce à une chute de plus de 30% des tarifs. Ce modèle implique évidemment d’accroître la capacité de trafic des lignes TGV et d’avoir suffisamment de rames pour opérer cette politique de volume. C’est un process long mais qui est à mon avis inéluctable en France. Et qui sera bénéfique pour les voyageurs. Le coût de l’énergie intervient ensuite, passé l’hiver dernier de 112 à 473€ le mégawatt-heure. Pour faire baisser la facture, Trenitalia a signé avec un nouveau fournisseur d’énergie, Endesa [filiale de l’Italien Enel], n’étant plus obligé de recourir aux services de SNCF Réseau sur ce point. C’est, là aussi, une excellente chose de faire jouer la concurrence en cette période de forte augmentation des prix de l’électricité.