
Presque aussi vite qu’un service de Novak Djokovic ou un passing de Rafael Nadal. A peine Wojo avait-il annoncé un lieu de coworking éphémère à Roland Garros, pendant les qualifications du tournoi, que ce lieu s’est retrouvé réservé en quelques heures. En partenariat avec l’organisation de la compétition et le programme de fidélité ALL – Accor est son copropriétaire avec Bouygues Immobilier -, Wojo a reconverti les tables du restaurant situé sous le court Suzanne-Lenglen en lieu de travail partagé, tandis que la loge Accor servait de salle de réunion avec vue sur les courts 7 et 9.
Des freelances attirés par ce cadre de travail original, des professionnels désireux de combiner impératifs professionnels et passion du tennis, des équipes alternant réunions et balades entre les courts : la formule a plu. Et le spécialiste du travail flexible n’en est d’ailleurs pas à son coup d’essai puisqu’il avait profité de ses liens étroits avec All, sponsor du PSG, pour installer un coworking éphémère dans les tribunes du Parc des Princes en septembre 2021. Quant à renouveler ce type d’opération, Wojo y réfléchit déjà, que ce soit à Roland Garros – « pourquoi ne pas y être présent pendant l’intégralité du tournoi », imagine son PDG, Stéphane Bensimon – ou ailleurs.
Avec ses 15 sites en France et depuis peu en Espagne, à Barcelone, Wojo s’est imposé dans le paysage du coworking depuis sa création en 2015 et compte aller plus loin. L’évolution des nouvelles habitudes de travail, accélérée par la pandémie, devrait modifier en profondeur l’approche des entreprises vis-à-vis de l’immobilier de bureau. D’où des perspectives multiples pour étendre l’empreinte de Wojo à travers ses solutions flexibles permettant de se dégager de la pesanteur des baux 3-6-9, l’exploitation de mètres carrés de bureaux aujourd’hui inoccupés ou sa capacité à s’intégrer dans une nouvelle génération d’immeubles de bureaux où l’animation des lieux deviendrait la valeur ajoutée.
Mais, à côté de ce volet immobilier, les voyageurs d’affaires ont pu constater l’éclosion d’espaces Wojo dans les hôtels Accor, que ce soit des Wojo Spots ou des Wojo Corners, structurés et designés pour accueillir les professionnels nomades quelques heures, toute une journée, voire à l’année. A l’heure actuelle, 400 établissements en France en disposent, mais aussi 150 en Amérique Latine, là où la greffe du coworking a commencé à prendre chez Accor avant de gagner l’Europe. « J’y ai cru tout de suite quand j’étais patron de la région. Ensuite, ça a démarré en France », précise Patrick Mendès, directeur général commercial du groupe français.

« Aujourd’hui, de plus en plus d’hôtels rentrent dans la boucle pour transformer soit des salles de réunion, soit des chambres en espaces de travail pérennes loués à des entreprises », remarque Stéphane Bensimon. Alors qu’avec la pandémie, la transformation de chambres en bureau pouvait être vue comme un pis-aller compensant la complète absence de déplacements professionnels, cette solution joue les prolongations alors que le segment corporate n’a pas encore repris sa vitesse de croisière. D’autant que, si la conjoncture vient à s’améliorer, revenir à la fonction initiale ne poserait pas de difficultés.
« Ca commence à bien marcher, remarque Patrick Mendès. On sait qu’il faudra du temps avant de revenir à 100% d’occupation. » Pour les hôteliers qui voudraient aller un cran plus loin contre un léger investissement, Wojo et les équipes design de Accor ont imaginé la création de cocons business à l’intérieur d’une chambre. « Une question s’est alors posée : que faire de la salle de bains ? », raconte Stéphane Bensimon. Réponse simple : « On l’a transformée en phone box! »
L’offre de Wojo participe à la vie des hôtels
L’entrée au sein des hôtels du monde du travail, et non plus des seuls voyageurs d’affaires, s’inscrit dans l’évolution globale des établissements en lieux de vie, animés du matin jusqu’au soir, notamment grâce à la clientèle de proximité. « L’hôtel fait partie d’un écosystème intégrant ses clients comme son voisinage, ce qui passe par des bars et restaurants attractifs, des rooftops et des salles de gym, et maintenant des espaces de coworking », décrit Patrick Mendès, soulignant le côté précurseur de son groupe qui avait fait de la notion d’AccorLocal un de ses chevaux de bataille il y a quelques années.
Si les voyageurs d’affaires sont habitués à passer la porte de hôtels, reste que ce réflexe n’est pas encore naturel pour tout le monde. « On est en train de casser les codes », remarque le directeur général commercial d’Accor. L’essor du télétravail recèle à ce titre une manne potentielle de nouveaux convertis. Par exemple, ceux qui n’ont pas envie de rester chez eux et préfèrent aller poser leurs ordinateurs dans un hôtel pour plus de vie sociale, mais aussi tous ces « commuters » qui trouvent à l’hôtel près de chez eux une alternative pratique aux longs trajets domicile-bureau. Autre utilisation potentielle : faire de l’hôtel un lieu de rendez-vous tout trouvé. « Quand vous êtes en télétravail et que vous devez rencontrer un client ou un collaborateur, il serait incongru de le faire venir chez soi. En revanche, c’est tout à fait possible dans un hôtel à proximité », remarque Stéphane Bensimon.

Et si, à l’avenir, la composante coworking était intégrée directement à la genèse des projets hôteliers ? De la même manière que la tendance est au complexe hôtelier bimarque, pourquoi ne pas imaginer à l’avenir des combo Wojo-Novotel, Wojo-Ibis ou Wojo-Pullman ? Cette idée fait son chemin. « Nous avons finalisé un dispositif avec les équipes développement de Accor sur ce qu’on appelle le mixed-use, précise le PDG de Wojo. A la conception même du bâtiment, on pourrait très bien avoir deux tiers de l’offre en hôtel et un tiers en espaces de bureaux et de coworking. »
Une entrée commune et des services partagés, des équipes qui peuvent s’occuper des télétravailleurs entre les départs et les arrivées des clients : la formule a du sens économiquement. « Avoir dans un même hôtel des choses très différenciées – des bars et des restaurants, des espaces de coworking et de coliving – pour des clientèles très différentes, c’est cette diversité qui nous intéresse et qui fait de Accor un groupe innovant », souligne Patrick Mendès. De l’art de faire bouger les lignes.