
Avec le retour des voyages d’affaires et des grandes réunions en 2023, le tout accompagné de la croissance des capacités aériennes, l’hôtellerie mondiale a retrouvé tout son allant. Les chiffres présentés par le cabinet d’analyses STR lors de l’événement Global Meeting Exchange, récemment organisé par Accor, ne peuvent que le confirmer. En mai dernier, le taux d’occupation moyen au plan mondial n’était plus que 4% en retrait du niveau atteint en 2019, contre -20% en juin 2021. Quant aux prix des chambres, les voyageurs ont pu le constater un peu partout dans le monde : ils se sont mis à dépasser ce qui se faisait avant le covid depuis l’an dernier, pour atteindre les + 25% en Europe et au Moyen-Orient en juin dernier.
Comme souvent plus lente à redémarrer, la fréquentation des hôtels de luxe est revenue à 93% de ce qu’elle était en 2019 – elle était de seulement 84% l’an dernier -, tandis que le segment haut de gamme est à 95% de ses performances d’avant, contre 88% en 2022. En parallèle, le milieu de gamme, à 98%, et l’économique, avec 96%, sont quasi en ligne avec leurs niveaux pré-covid.
De la même manière, depuis le début de l’année, certaines régions font aussi bien, voire mieux qu’en 2019 comme l’Amérique Centrale avec un TO de 7% supérieur, tandis que l’Afrique subsaharienne et l’Amérique du Sud font jeu égal avec la période précovid. En Amérique du Nord (-4%) ou en Europe et en Afrique du Nord (-5% toutes les deux), la fréquentation des hôtels affiche également une bonne tenue. Restent deux sous-régions mondiales où la fréquentation est encore loin des niveaux d’avant la pandémie : l’Australie et l’Océanie (-8%) et l’Asie (-9%), le trafic aérien international vers ces destinations étant encore largement inférieur à ce qu’il a pu être, expliquant ceci ou accentuant cela.
Mais, et c’est une bonne nouvelle pour les hôteliers du fait de l’importance de ce marché, les chiffres de STR pour l’Asie excluent la Chine qui, avec une fréquentation retrait de -3%, revient progressivement dans le jeu après de longs mois de politique zéro covid. Un chiffre qui marque un nouvel élan au plan domestique mais qui ouvre aussi des perspectives à l’international. Si un peu moins de 150 millions de voyageurs chinois sont attendus cette année dans le monde, STR table sur près de 250 millions l’an prochain et sur plus de 350 millions de voyageurs en 2025, dépassant ainsi le total atteint avant la pandémie.
Révisions à la hausse
De quoi encourager les groupes hôteliers à l’optimisme. Pour autant, l’annonce par les leaders du secteur de leurs résultats trimestriels montre qu’ils l’étaient déjà. « La croissance de notre activité au premier semestre est très solide pour toutes nos marques et sur tous nos marchés, a déclaré Sébastien Bazin, le PDG du groupe Accor. Cette dynamique devrait se poursuivre sur les prochains mois, portée par une demande toujours soutenue à la fois pour les loisirs et le voyage d’affaires ». Une tendance favorable qui permet à l’hôtelier français de revoir ses prévisions de croissance à la hausse, avec une croissance du revenu par chambre (RevPAR) « désormais attendue dans le haut de la fourchette entre 15% et 20% » pour l’exercice 2023.
Les groupes américains sont à l’unisson avec, par exemple, un RevPAR qui devrait augmenter de 10 % à 12 % par rapport à 2022 chez Hilton. Quant à Marriott, son RevPAR mondial au deuxième trimestre a augmenté de 13,5 %, « grâce à une croissance significative dans toutes nos régions internationales, où le RevPAR a augmenté de 39 % », a commenté Anthony Capuano, le PDG du groupe. Pour le reste de l’année, le groupe table sur une croissance qui devrait rester plus élevée à l’international qu’aux États-Unis et au Canada, « où l’on observe un retour à des schémas plus normaux », remarque le groupe Marriott dans son communiqué. Même si, comme l’a constaté Marriott, le tourisme de groupes a vu ses recettes augmenter de 10 % par rapport à 2022, tandis que « les revenus des voyageurs d’affaires ont également connu une forte croissance d’une année sur l’autre, grâce à une forte croissance des tarifs journaliers moyens ».
L’analyste STR constate lui aussi une croissance qui a tendance à s’essouffler au fil des semaines aux Etats-Unis depuis début 2023. Une sorte de retour à la normale. Ou plutôt à un nouveau normal, marqué notamment par les effets du « work from home ». Avec la banalisation du télétravail, les jours traditionnellement forts, du mardi au vendredi, ont tendance à perdre un peu de leur superbe, tandis que les jours creux comme les dimanches et lundis enregistrent une demande croissante. Une tendance qui n’a pas – encore ? – traversé l’Atlantique, puisqu’en Europe, la demande est toujours en croissance en semaine, mais aussi, et c’est plus nouveau, les dimanches et lundis.
Des marges de progression
Autre constat, et qui offre une marge de progression à l’hôtellerie européenne, la demande de groupe n’est pas encore revenue au même niveau qu’elle peut l’être aux Etats-Unis. Les hôtels de plus de 400 chambres affichaient par exemple un taux d’occupation moyen de 64% en mai dernier, contre 70% en mai 2019. Selon les semaines, ce décalage de la demande de groupe – compensée par la croissance de la clientèle individuelle – peut atteindre les 20%-30% vs 2019.
Point positif pour les grandes métropoles d’Europe, mais aussi d’Asie, STR table sur une demande qui dépassera celle de 2019 très prochainement, et assurément au premier trimestre 2024. Les destinations principales européennes, longtemps pénalisées par la pandémie, retrouvent leur rôle moteur. Paris, Londres, Madrid, Rome, Athènes, Lisbonne, Varsovie, Dublin, Edimbourg, Budapest : toutes ces villes enregistrent une nette progression du revenu par chambre, de 20% et plus, en comparaison de l’année de référence 2019. Ce qui est moins le cas au Benelux et, plus encore, dans la région DACH, la zone germanique.
A Berlin comme à Zurich ou Vienne, la croissance est limitée, voire nulle par rapport à la période prépandémique. Un point noir qui se retrouve au plan national avec une baisse du RevPAR de -2% en Allemagne et une faible progression en Autriche (+2%) et en Suisse (+4%), contre +35% pour l’Italie, +32% pour la France ou + 24% pour le Royaume-Uni. Un écart sensible de performance que STR explique par une demande domestique plus prudente, une offre luxe et loisirs plus faible qui ne favorise pas les séjours « plaisir », un tourisme de groupe qui n’a pas encore retrouvé toute sa vigueur ou encore une moindre attractivité pour la clientèle « dollar ».