Les Régions timides face à l’ouverture à la concurrence dans le ferroviaire

Seules quelques entités régionales ont été volontaires pour entamer le processus d'ouverture à la concurrence entre opérateurs, les autres préférant attendre l'échéance de 2033.
Pays de la Loire
L'ouverture à la concurrence avance à des vitesses très différentes selon les régions. Mais in fine, les passagers doivent bénéficier d'un service amélioré et d'une offre densifiée © Région Pays de la Loire - Ouest Médias

L’ouverture à la concurrence des lignes régionales françaises est également sur les rails depuis décembre 2019, attisant les convoitises de Transdev (filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations), RATP Dev Rail, Régioneo (joint-venture entre Getlink et la RATP) et autre Arriva (filiale de la DB) désireux de tailler des croupières à la SNCF. En effet, les régions ou l’Etat peuvent initier des appels d’offre sur les lignes à la fin des contrats en cours avec la SNCF. Les collectivités engagées dans ce processus dont Alpes-Provence-Côte d’Azur, les Hauts-de-France et Grand Est espèrent un impact positif de cette ouverture via une augmentation de l’offre de transport et de confort pour les usagers via la commande de nouvelles rames. La majorité des régions attendront toutefois l’échéance maximale du 1er janvier 2033 fixée par les règles européennes pour lancer ces appels d’offres. Plusieurs entités, à l’image de la Région Occitanie, ont ainsi préféré reconduire leur convention avec la SNCF pour dix ans. La Région Bourgogne-Franche-Comté joue elle sur les deux tableaux. Reculant en janvier 2022 sur une libéralisation totale et rapide de l’ensemble de ses lignes TER, la collectivité a préféré ouvrir en janvier 2027 un seul lot constitué des lignes Dijon-Nevers et Dijon-Chalon-sur-Saône-Macon, et reconduire ses accords avec la SNCF sur le reste du réseau en échange d’une réduction des charges de 30M€ par an et d’un engagement sur la qualité de service. Ce recul s’explique par l’opposition à cette libéralisation des élus écologistes et communistes présents au sein de cette majorité de gauche mais aussi des syndicats de cheminots. Ces derniers s’opposent notamment à la baisse de la contribution TER de la SNCF qui serait synonyme de réductions de personnels et au transfert des équipes dans une filiale spécifiquement créée par la SNCF ou chez un autre opérateur ferroviaire.

La Région Sud, première collectivité à ne pas retenir la SNCF

En octobre 2021, la région Sud fut donc la première à voter l’attribution à Transdev des TER de la ligne MarseilleToulonNice dont l’exploitation doit débuter à l’été 2025. Dans les Hauts-de-France, quatre lots seront soumis à la concurrence ferroviaire d’ici mi-2026, le premier dit de « l’étoile d’Amiens », soit 17% du réseau régional ayant contre toute attente été remporté par la SNCF pour 9 ans à partir de 2025. Pour remporter la mise alors que le transporteur était depuis des années critiqué pour la piètre qualité de son service, la SNCF s’est là aussi engagée sur une hausse de 26% de l’offre en 2026 à matériel roulant constant et sur la création d’un nouveau centre de maintenance. Face à Transdev et Regioneo, la SNCF a également remporté en Pays-de-la-Loire l’exploitation à partir de décembre 2024 et pour 10 ans du 1er lot tram-train et Sud-Loire, soit 30% des lignes régionales. Pour gagner, la compagnie ferroviaire nationale s’est pareillement engagée sur une hausse de l’offre de trains de 26% en 2026 et de 33% en 2030 mais aussi sur la création du site de maintenance de Nantes Sud. La question de la maintenance des rames est un point crucial pour les nouveaux opérateurs qui candidatent lors de ces appels d’offre. Ceux-ci craignent en effet de confier leur matériel roulant aux centres de la SNCF qui pourraient être bloqués en cas de grève.

La région Grand Est a initié une première libéralisation sur les lignes entre Nancy et Contrexéville ainsi qu’entre Strasbourg, Saint-Dié-des-Vosges et Epinal. Mais le gros du morceau sera constitué par les lignes transfrontalières vers l’Allemagne soit au départ de Metz, Strasbourg et Mulhouse pour rallier les villes des Länder de Rhénanie-Palatinat, de Sarre et du Bade-Wurtemberg. Avec possiblement un début d’exploitation par un opérateur privé prévu pour débuter en décembre 2024. « Pour que l’offre TER séduise les voyageurs et leur fasse abandonner la voiture, les opérateurs sont obligés de proposer beaucoup de fréquences et pas seulement aux heures de pointe, souligne David Valence. « Ils doivent en outre diversifier les clientèles avec des passagers loisir afin de ne pas être uniquement dépendants de personnes ayant des déplacements contraints. Car il est impératif de trouver des usagers pour remplir les trains creux en journée ce qui ne se fera pas qu’avec des tarifs attractifs« , poursuit le Président du Conseil d’orientation des infrastructures et député des Vosges. Selon la loi de réforme ferroviaire, il est important de rappeler que c’est aux régions que revient la responsabilité de fixer les tarifs des TER. D’où une multiplicité de tarifs d’une région à l’autre. Et des billets qui ont aussi tendance à flamber depuis un an en raison de l’augmentation du coût des énergies.

Transdev demande un total accès aux données lors des appels d’offre

Malgré ce premier succès dans la région Sud et après avoir répondu aux appels d’offre des Hauts-de-France et des Pays de la Loire, Transdev considère l’ouverture à la concurrence difficile en France. « L’avenir de ce processus dépendra des critères d’ouverture des régions et surtout de conditions égales pour les nouveaux entrants, déclarait en juin Alix Lecadre, directrice Offres et métiers ferroviaires chez Trandev lors de la conférence organisée par Trainline. La situation est contrastée selon les régions. La difficulté est d’obtenir des informations sur le service de la SNCF pour que l’équité dans l’appel d’offre soit respecté. Dans les dernières procédures, ce n’était pas toujours le cas« . Estimant que les règles sont inégales et imparfaites dans les conditions actuelles, Transdev se montre sélectif et ne devrait par exemple pas répondre à l’appel d’offre de la région Grand Est en raison d’un cahier des charges complexe et de l’absence dans le contrat d’atelier de maintenance sur le second lot (transfrontalier). « Nous aurons la même réflexion lors des futurs appels d’offre. Transdev n’y va pas pour faire plaisir aux régions car chaque candidature représente un coût d’environ 3M€. D’où la nécessité d’équilibrer les coûts et les gains » pointe Alix Lecadre.

L’ouverture à la concurrence est désormais en marche en France avec comme bénéfice sur les lignes à grande vitesse concernées un accroissement sensible de l’offre et des tarifs en baisse. L’occasion de voir qu’il est possible de faire circuler davantage de trains et notamment sur les LGV, le réseau ferroviaire français étant loin d’atteindre la saturation. Si l’ouverture est plus timide à ce jour en région, celle-ci s’accélérera d’ici fin 2032. D’ici là, les passagers en apprécieront bientôt aussi les effets positifs dans les territoires où cette libéralisation est initiée. Car même si la SNCF remporte la majorité des appels d’offre, la compagnie nationale s’engage à y augmenter son offre et à investir dans la maintenance des rames. En attendant de possibles réouvertures de lignes. Enfin, qui dit plus de trains et des rames mieux remplies dit voyages plus verts et une contribution certaine à la transition écologique du pays.