
Bien faire ce qu’on sait faire, mais le faire encore mieux : cette philosophie sous-tend l’activité future de la nouvelle division Premium, Milieu de gamme et Economique (P&ME) de Accor, regroupant les marques qui ont fait l’histoire du groupe. Et qui, Ibis, Novotel, Pullman et Mercure compris, génèrent toujours une large part du chiffre d’affaires du groupe français. « Dans les années à venir, nous allons nous refocaliser sur notre cœur de métier afin d’être certain qu’il délivre le niveau de performance attendu », a expliqué Jean-Jacques Morin, PDG de la division P&ME, lors de la récente journée investisseurs organisée par le groupe français.
Cette stratégie se décline côté opérationnel, en donnant aux 230 000 employés les moyens de bien faire leur métier à travers l’optimisation des canaux de distribution et le déploiement d’outils de gestion et de revenue management en version cloud. Mais elle se traduira aussi par un développement plus concentré. « Quand on est sur moins de sujets, et de manière plus puissante, on a plus de résultats, remarque Jean-Jacques Morin. De ce fait, 90% des ouvertures dans les cinq années à venir se feront dans 30 pays ».
Parmi lesquels la France évidemment, mais aussi l’Allemagne, le Royaume-Uni, le bassin méditerranéen et la Pologne en Europe, ou encore des marchés clés dans le monde tels l’Australie, le Brésil, l’Indonésie, la Thaïlande et l’Arabie Saoudite. Autant de pays où Accor a déjà une empreinte forte et qui participent à faire du groupe français le leader sur tous les grands marchés mondiaux, la Chine et les Etats-Unis exceptés.

Si Accor est aussi le leader incontesté de l’hôtellerie milieu de gamme et économique hors Chine et USA, le groupe a encore une marge de progression sur le segment Premium, Accor n’étant que le quatrième acteur sur ce marché. C’est notamment le cas en Europe où cette catégorie ne représente que 6% du nombre de chambres. « Nous pouvons doubler ce chiffre dans les trois à cinq ans avec nos enseignes Movenpick, Swissôtel et Pullman. Passer à 10%-12% est un de nos objectifs », explique Patrick Mendès, le nouveau patron de la région Europe-Afrique du Nord qui englobe plus de 3000 hôtels sur les 5500 que compte le groupe dans le monde.

Une de ses autres priorités sera de renforcer la consistance du réseau. Dans le cadre de son projet PURE, Accor a en effet identifié à peu près 10% de « détracteurs », des hôtels vieillissants qui ne correspondent plus aux standards des marques ni aux attentes des voyageurs en matière d’expérience. Des hôtels qui n’auront comme autres alternatives que d’investir dans des rénovations, de changer de marque ou alors de sortir du réseau. « Nous n’avons pas toujours été aussi rigoureux sur ce sujet que les groupes américains, estime Jean-Jacques Morin. Nous préférons avoir moins d’hôtels, mais des hôtels qui vont nous permettre de développer encore plus d’hôtels dans le futur, sans faire perdre de la valeur à nos marques ».
Alors que les enseignes Ibis et Novotel ont établi au tournant de la décennie de nouveaux concepts de design, 30% des Ibis et 40% des Novotel en Europe ont déjà procédé à cette remise au goût du jour, de même que la moitié des hôtels Pullman. Un mouvement qui devrait s’accélérer selon Patrick Mendès : « Nous devons aller plus vite en convaincant les propriétaires de réaliser ces investissements nécessaires pour remoderniser ces marques, qu’elles soient plus funky ».
Dans une des autres grandes régions pour Accor, celle englobant le Moyen-Orient, l’Asie et le Pacifique, 79 hôtels sont également en cours de transformation. Sur ce vaste marché, le patron de la région, Ducan O’Rourke, voit aussi là aussi la possibilité d’accroître de 30% le portefeuille des marques premium dans les cinq ans à venir, notamment grâce à la marque Pullman. Et ce, même si ce segment y est déjà plus développé qu’en Europe, représentant plus de 30 % des chambres. Autres objectifs de développement concernant la région : doubler de taille au Japon en passant à une quarantaine d’établissements, accroître la présence de Accor en Inde et en Arabie Saoudite et développer l’offre économique et milieu de gamme à travers la franchise et les conversions d’hôtels existants.
Au regard des enjeux RSE et de conditions de financement plus restreintes pour les propriétaires, Accor entend jouer à plein sur l’attractivité de ses marques spécialisées dans la conversion comme Mercure et Mövenpick, mais aussi deux enseignes plus récentes : Greet et l’Handwritten Collection. En parallèle, le modèle de croissance de Accor passera par la franchise, un mode de développement déjà déployé en France, mais de plus en plus attractif de par le monde. « On va le faire, mais on le fera à bon escient, dans les endroits où ça fait du sens ». C’est-à-dire dans les villes tertiaires ou en périphérie tandis que la gestion des hôtels sera le modèle privilégié dans les grandes métropoles comme les villes secondaires.

De quoi, donc, augurer d’un déploiement plus rapide des marques historiques du groupe. Mais, de par sa profonde transformation au cours de la dernière décennie, Accor dispose désormais d’autres marques phares, à commencer dans le luxe où l’hôtelier français détient aujourd’hui trois des six grands noms du voyage apparus au tournant du XXe siècle – Orient Express, Raffles et Fairmont -, les autres étant St Regis et Ritz-Carlton, propriétés de Marriott, et Waldorf Astoria, déployé par Hilton.
« En 2013, nous avions une seule de nos 13 marques sur le luxe et lifestyle. Aujourd’hui, nous avons 26 marques sur ce segment pour un total de 46 enseignes, précise Sébastien Bazin, PDG du groupe français. Sur ce marché en pleine expansion, notre pipeline est en croissance de 45%, soit plus que Hyatt et les autres groupes, preuve de la demande des propriétaires pour nos marques ». Avoir des relations plus étroites avec ces investisseurs est d’ailleurs une des motivations de la subdivision du groupe en deux ensembles distincts alors qu’auparavant, avec l’organisation par zones géographiques, les patrons des différentes régions ne pouvaient accorder qu’un temps sensiblement similaire au franchisé Ibis comme au propriétaire d’un Raffles.

Ainsi, si la division P&ME est organisée en quatre grands marchés mondiaux, la division luxe et lifestyle se décline en quatre collections de marques, incarnées par une personne en charge de leur évolution au plan mondial. En l’occurrence Omar Acar pour Raffles et Orient Express, Maud Bailly pour Sofitel, MGallery et Emblems, Gaurav Bhushan pour l’offre lifestyle d’Ennismore et, enfin, Mark Willis pour Fairmont.
Cette dernière marque, pionnière dans le développement durable et largement axée sur le MICE, compte aujourd’hui un tiers de ses établissements en cours de rénovation pour maintenir son standing élevé, bientôt renforcé par une offre F&B de nouvelle génération et une image de marque repensée. Largement représentée aux Etats-Unis, son futur se tourne aujourd’hui vers les autres continents, son développement ciblant une quarantaine de métropoles clés dans le monde. Sur les 34 hôtels annoncés sur la période 2023-2027, la plupart des ouvertures prévues auront lieu en dehors de l’Amérique du Nord, dans des destinations aussi diverses que Prague, Djibouti et Tashkent, Le Caire, Ryiad et Dubaï ou encore Abuja, Hanoi et Tokyo.

Si Sofitel n’a pas la même ancienneté que Fairmont, l’enseigne originelle de Accor sur le haut de gamme se dirige néanmoins vers ses 60 ans, qu’elle fêtera l’an prochain. Là aussi, l’objectif est d’offrir un réseau de qualité plus uniforme en sortant certains hôtels éloignés des standards de la marque tout en mettant l’accent sur des hôtels pouvant devenir leaders sur leurs marchés. Offrant 122 établissements aujourd’hui, Sofitel entend accélérer son développement en Europe – le Sofitel Barcelone Skipper récemment ouvert y incarnant le futur de la marque avec son rooftop et son offre F&B attractive – mais aussi en Chine, au Mexique ou au Vietnam. Parmi les ouvertures prévues dans les prochaines années, Sofitel est attendu à Dublin, mais aussi à Paris, Lille et Marseille en ce qui concerne. En parallèle, l’enseigne va mettre un accent fort sur les grandes villes d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie avec, sur les tablettes, Le Caire, Nairobi, Auckland, Ryad, Sapporo, Shanghai ou Nanjing entre autres.
Egalement dans le périmètre de cette collection, MGallery, qui compte une quarantaine d’établissements en projet, axe elle aussi son développement sur l’Europe du Sud et l’Asie. Un continent qui verra l’apparition des premiers membres de l’Emblems Collection, une nouvelle enseigne de luxe lancée en 2021 qui attend ses premiers développements en Chine – à Hangzhou et Guiyang – , mais aussi aux Philippines et au Vietnam de même que dans les montagnes rocheuses, au Canada. En attendant un premier hôtel en Europe qui devrait être bientôt annoncé alors que la marque annonce un objectif de 60 hôtels en 2032.
A l’inverse, la collection de marques lifestyle d’Ennismore devrait connaître un développement bien plus rapide. Le Covid étant passé par là, sans doute les propriétaires sont-ils de plsu en plus séduits par toutes ces marques qui, telles Mama Shelter, Hoxton ou 25Hours, ont démontré leur résilience à travers leur forte attractivité auprès de la clientèle locale. En effet, si les hôtels d’Ennismore tirent 44 % de leurs revenus de leurs chambres, l’offre F&B génère 40% du résultat de ces établissements, les 16 autres pour-cent provenant du coworking ou des résidences.
Dès lors, fort de 137 hôtels, Ennismore en attend quasiment autant dans les quatre ans à venir avec plus d’un tiers des développements attendus concentrés sur le Moyen-Orient, 28 % autres en Asie et 22% en Europe. Un développement qui pourrait aussi passer par les Etats-Unis alors que les groupes américains n’ont pas d’offre lifestyle aussi développée. « De ma vie, je n’ai jamais vu un momentum pareil, a remarqué Gaurav Bhushan, à la tête de l’entité d’Ennismore. Nous sommes au bon moment, à la bonne place, avec les bonnes marques ».
