
Comment décririez-vous la dynamique de reprise du voyage d’affaires ?
Bertrand Poey – La reprise est bonne si l’on regarde les chiffres IATA globaux, on est à peu près à 95% par rapport à 2019. Pour le marché France, les compagnies aériennes prévoient que l’on réatteigne en octobre un alignement sur la même période en 2019 en ce qui concerne le nombre de sièges volés. Et c’est aussi ce qui est prévu pour novembre et décembre. On voit la même dynamique sur l’hôtellerie avec des taux d’occupation de 76% en juillet. C’est 5 points de plus qu’en Amérique du Nord, qui en général affiche les chiffres les plus élevés. Il y a une vraie une...
Comment décririez-vous la dynamique de reprise du voyage d’affaires ?
Bertrand Poey – La reprise est bonne si l’on regarde les chiffres IATA globaux, on est à peu près à 95% par rapport à 2019. Pour le marché France, les compagnies aériennes prévoient que l’on réatteigne en octobre un alignement sur la même période en 2019 en ce qui concerne le nombre de sièges volés. Et c’est aussi ce qui est prévu pour novembre et décembre. On voit la même dynamique sur l’hôtellerie avec des taux d’occupation de 76% en juillet. C’est 5 points de plus qu’en Amérique du Nord, qui en général affiche les chiffres les plus élevés. Il y a une vraie une dynamique européenne, après deux années de craintes, pendant lesquelles beaucoup prédisaient que la visio-conférence remplacerait les déplacements. Or la réalité c’est que dès septembre 2021, on a eu une reprise très forte du voyage d’affaires, tout particulièrement chez les PME-PMI qui ont besoin d’aller occuper le marché, pour assurer une présence auprès de leurs clients et prospects. L’année 2022 après a été faite de hauts et de bas, entre confinements light et réouvertures. Et ce qu’on observe depuis le début de l’année c’est un retour à 90% voire 95 % des volumes de 2019. Certes, la reprise est assez hétérogène, et les paniers moyens augmentent principalement en lien avec des augmentations. Mais globalement, il y a une belle reprise.
Au-delà des chiffres, comment les comportements ont-ils évolué ?
Bertrand Poey – On a vu en 2021-2022 une explosion du Meeting & Events. Beaucoup de grandes sociétés et des structures moyennes se sont lancées dans le télétravail. Or le seul moyen de faire adhérer ses collaborateurs à un projet de société, ou à des projets technologiques, c’est de les réunir. Il y a aussi eu un changement de nature du voyageur d’affaires. Beaucoup de salariés qui étaient habitués avant le télétravail à vivre sur des gros pôles économiques comme Paris, Bordeaux ou Lyon, ont fait le choix de partir en province, ou du moins de s’éloigner des gros pôles. Il y a donc une explosion du commuting. Et alors certains pensaient que la visio-conférence allait tuer le voyage d’affaires, celui-ci a évolué vers des déplacements peut-être moins fréquents, mais qui durent plus longtemps. Justement parce que la visio permet de faire un voyage d’affaires à Bangalore par exemple, et d’y rester deux semaines parce qu’avec Teams on pourra faire beaucoup de vidéos avec les Etats-Unis, etc. Les outils comme Teams soutiennent donc le voyage d’affaires plutôt qu’ils ne s’y opposent.
La dernière actualité d’Amadeus concerne CDS : en quoi ce partenariat diffère-t-il du précédent ?
Bertrand Poey – CDS est un partenaire d’assez longue date, avec lequel il y a eu deux rapprochements majeurs. Le premier partenariat, conclu l’an dernier, portait sur Amadeus Value Hotel, qui était alors intégré dans CDS. Cela nous permettait d’exposer notre contenu beaucoup plus largement grâce à cet acteur incontournable qu’est CDS dans le domaine de la distribution hôtelière. Un an plus tard, cette nouvelle accélération repose sur l’intégration de CDS dans Cytric et Cytric Easy. Cela permet à CDS, via Cytric qui commence à être un acteur très significatif du marché business travel en France et au-delà, d’être exposé à beaucoup de clients entreprises.
Cette place de Cytric a-t-elle profité de la disparition d’un acteur comme Traveldoo ?
Bertrand Poey – Oui. Si on revient sur l’historique de Cytric, il s’agissait de l’acquisition d’un très bon produit développé en Allemagne, principalement pour des acteurs allemands. On s’est rendu compte qu’il n’est jamais simple d’internationaliser un produit, nous avons donc fait le choix courageux, pendant deux ans, d’investir pour être certains que ce produit puisse être stable pour l’ensemble des acteurs du marché en Europe. À partir de 2019, on a vu une accélération via les partenariats avec les agences mais aussi en direct avec certains clients. Et il y a eu une deuxième accélération depuis un peu plus d’un an, avec l’annonce de Cytric Easy, des partenariats avec Microsoft et Accenture… Il y a donc vraiment aujourd’hui une accélération de la part de marché de Cytric, qui est devenu un acteur majeur.
Quid du partenariat avec Microsoft ? En quoi évolue-t-il ?
Bertrand Poey – C’est un partenariat qui a démarré en 2021 avec le souhait pour Amadeus de migrer sur le cloud, ce qui devenait essentiel. Microsoft est un acteur incontournable, mondial, et il s’agissait d’assurer une pérennité technologique pour nos clients. Dans un deuxième temps, nous avons aussi mis en commun avec Microsoft des équipes de développement et d’experts produit à 50/50, pour développer ensemble des idées communes. C’est comme ça que Cytric Easy est venu sur la table. Nous sommes partis du postulat qu’un voyage d’affaires, ça ne commence jamais dans un SBT. Tout débute en amont, par mail ou par Teams, par un échange assez informel avant la création d’un dossier de voyage. Dès lors, est-ce que c’est pertinent de devoir ouvrir un autre outil pour planifier le déplacement ? Il y a donc une intégration totale dans l’environnement Microsoft 365. Maintenant nous allons plus loin, avec la possibilité de décortiquer en langage naturel un échange pour pré-remplir un dossier de voyage en amont, qui prévoit tel vol, tel hôtel, en fonction des préférences du voyageur. Nous passons donc à un niveau supérieur. Et nous avons pas mal de projets en cours que ce soit avec Microsoft ou avec Accenture, autour de l’intelligence artificielle, mais pas seulement.
A quel horizon est prévu le lancement de cette fonctionnalité ?
Bertrand Poey – Nous n’annonçons pas encore de date de mise en production, mais cela fonctionne déjà en test. Et ce sera disponible très prochainement.
L’IA a maintenant des airs de figures imposées pour toute annonce technologique. Comment distinguer la vraie innovation du gadget ?
Bertrand Poey – C’est vrai. Pour l’intelligence artificielle comme pour la RSE d’ailleurs. Dans les deux cas, ce sont des dossiers sur lesquels Amadeus investit depuis des années. Notre data center d’Erding était déjà neutre en carbone depuis 2019 par exemple. Et nous avons intégré de l’IA dans les solutions pour les compagnies aériennes et les aéroports, ne serait-ce que pour optimiser les chargements de passagers et de fret par exemple. J’invite tout le monde à penser aux cas d’utilisation. Depuis une dizaine d’années, on est passé par plusieurs phases où la technologie a devancé un certain nombre de besoins qui n’étaient pas encore exprimés. Chat GPT en fait partie. C’est formidable, mais concrètement, la vraie question c’est : qu’est-ce que j’en fais en tant qu’agent de voyage, entreprise, compagnie aérienne ou ferroviaire ?Aujourd’hui beaucoup d’acteurs parlent d’IA parce que les autres en font ou prétendent en faire, alors qu’il s’agit souvent d’algorithmes. Il faut aussi se poser une question éthique sur l’utilisation de l’IA. Chez Amadeus, nous avons un board qui se réunit régulièrement et qui donne sa validation sur le fait de mener des études sur des cas d’utilisation de l’IA que l’on pourrait développer. Nous avons donc beaucoup d’idées, près de 180 sont à l’étude en ce moment. La grande question, c’est de savoir si ces cas d’applications seront utiles à la collectivité, et si elles seront éthiques.
Quels sont les besoins que vous avez identifiés ?
Bertrand Poey – Je ne vais pas tout dévoiler, mais la première réponse est donc l’analyse du langage naturel, qui est une énorme avancée. Il y a aussi le sujet des chatbots : les agences de voyages, les entreprises recherchent des solutions et à terme l’IA va nécessairement aider au développement ou du moins à la propagation de chatbots qui soient véritablement pertinents pour tout le monde
Quid de l’IA appliquée justement à la RSE ?
Bertrand Poey – Aujourd’hui, beaucoup de labels cherchent la bonne manière de calculer ce que représente véritablement un voyage en termes d’émissions de CO2. Et je pense que l’on a beaucoup gagné en pertinence en cinq ans. Dans nos outils, par exemple, nous intégrons Chooose. Ce que l’on peut imaginer, c’est sur la base des données de ces acteurs, l’IA va permettre de définir des modèles futurs sur l’optimisation des voyages. Ce n’est plus juste de la mesure c’est véritablement de l’action et de l’anticipation.
Un géant du voyage comme Amadeus peut-il aujourd’hui assumer une position qui consisterait à dire qu’il faut voyager moins ?
Bertrand Poey – Notre objectif n’est pas de nous substituer à la décision du voyageur ou de l’agent de voyage. En revanche, et ça c’est notre responsabilité RSE, notre rôle est de fournir toutes les indications qui permettent de prendre la bonne décision. Sur ce point je sais que beaucoup de gens ont des craintes quant au fait que l’IA puisse remplacer des emplois. Là où nous intègrons de l’IA, ce n’est pas pour remplacer le raisonnement humain, mais pour apporter toutes les bonnes informations qui permettent de prendre la meilleure décision en fonction des critères de l’agent de voyage ou du voyageur.
Dernière question, et non des moindres : on en est où du dossier NDC ?
Bertrand Poey – On entend encore malheureusement beaucoup de déclarations négatives qui font écho à la situation d’il y a deux ans. Or les choses ont quand même beaucoup évolué, il faut être honnête. En ce qui concerne NDC chez Amadeus, nous équipons à la fois les compagnies aériennes et la distribution. Il faut donc déjà rappeler, alors que certains opposent GDS et NDC, que c’est compatible. Mais je pense que maintenant ça commence à être mieux compris. Amadeus distribue du contenu NDC, à hauteur de 21 compagnies aériennes en France, et 23 dans le monde. En deux ans, nous avons beaucoup avancé sur les fonctionnalités. Certains critiquent l’absence d’après-vente. Je ne vais pas commenter ce que font d’autres acteurs, mais chez Amadeus les fonctionnalités d’après-vente sont bien présentes. Donc aujourd’hui, pour quelqu’un qui veut faire un échange, un remboursement, c’est disponible sur Amadeus. On entend aussi qu’il est trois fois plus long de faire une réservation NDC. Il y a énormément d’améliorations qui ont été faites, à la fois du côté d’Amadeus, mais aussi du côté des compagnies aériennes, il faut être honnête. Avec le Conseil consultatif des agences de voyages (CCAV), nous avons défini sept scénarios de réservation, loisirs et voyage d’affaires. Nous avions fait des mesures l’an dernier et nous étions en moyenne à +30% de temps. Nous avons refait des mesures récemment, et nous sommes maintenant à parité par rapport à EDIFACT. Les temps de réponse ont donc été amélioré de manière très significative.