Self Booking Tools : place à l’expérience utilisateur

D’un outil d'abord centré sur les économies en matière de coût des déplacements, les solutions de réservation des voyages d'affaires, les self booking tools (SBT), s'envisagent aujourd’hui comme des plate-formes globales. Une évolution en lien avec la maturité croissante des voyageurs concernant les pratiques online et à l’émergence de services digitaux pour améliorer l’expérience utilisateur.
© Pressmaster/Shutterstock.com
Les SBT ont évolué pour mieux coller aux attentes des voyageurs, en travaillant notamment sur le fond, le contenu, mais aussi sur la forme, avec une meilleure expérience utilisateur

Des voyageurs d’affaires comparant les tarifs aériens sur Kayak, réservant leur séjour professionnel sur Airbnb ou Booking, voire un trajet en autopartage sur BlaBlaCar… a priori, l’image peut sembler “exotique”. Ces habitudes sont cependant loin d’être anecdotiques. Les éditeurs de solutions intégrées de gestion des déplacements professionnels ne ménagent pourtant pas leur peine pour déployer l’outil le plus complet possible auprès des entreprises. Partis de la simple réservation d’un voyage, les self booking tools (SBT) / online booking tools (OBT) ont évolué, que ce soit via l’intégration de contenus et des normes réglementaires – notamment la RGPD et la sécurité des données –, ou à travers le développement d’applications mobiles, de solutions end-to-end et d’un système de gestion des notes de frais. Avec l’impératif, pour ces acteurs technologiques, d’investir sans relâche afin d’intégrer l’ensemble des tarifications, dont celles négociées par l’entreprise et celles liées à la nouvelle norme NDC (New Distribution Capability).

Les tarifs des compagnies aériennes sont de plus en plus marketés et prennent la forme de forfaits incluant, selon les options, la flexibilité du billet, le choix du siège, l’enregistrement ou non d’un bagage, l’accès au lounge, l’embarquement prioritaire, le WiFi…”, observe Bruno Jacquemin-Sablon, Global Product Manager Online Booking Tools chez CWT. Représentant une part non négligeable des déplacements en France, le rail n’est pas oublié, marqué par l’intégration de la tarification TER suite à la création d’une interface créée par les régions pour gérer la distribution des trains locaux. “Tous les SBT ne distribuent pas encore l’ensemble du contenu rail”, tient néanmoins à souligner Antoine Delesalle, directeur des ventes d’Amex GBT qui privilégie la solution de KDS depuis le rachat de cet éditeur par la TMC en 2016.

donner confiance à l’utilisateur en lui assurant de trouver l’hébergement adéquat et au juste prix par rapport à la politique voyages

Le volet hôtelier fait de son côté toujours l’objet d’une attention particulière pour diminuer l’open booking, les voyageurs n’hésitant pas à réserver en dehors des canaux officiels. “D’une offre centrée sur les grandes chaînes, les outils ont intégré les inventaires des plates-formes hôtelières pour disposer d’un choix étendu en France et en Europe”, dit Bruno Jacquemin-Sablon, son agence ayant développé sa propre solution baptisée RoomIt. Et d’ajouter : “Il faut donner confiance à l’utilisateur en lui assurant de trouver l’hébergement adéquat et au juste prix par rapport à la politique voyages”. “L’objectif est d’engager le cadre nomade dans le programme voyages de l’entreprise pour accroître le taux d’adoption”, confirme Cédric Lefort, Senior Director Solutions Consulting de l’agence BCD Travel, qui propose à ses clients sa plate-forme de gestion de voyages TripSource.

LIRE AUSSI : « Politique voyages : les voyageurs ont-ils leurs mots à dire ?« 

Pour étendre l’utilisation des canaux de réservation maison, certaines entreprises n’hésitent pas à récompenser leurs collaborateurs via des bons ou des cartes cadeaux. Et d’autant plus si le choix effectué est inférieur au budget alloué, générant au passage des économies supplémentaires. BCD Travel collabore ainsi avec la start-up Rocketrip dans cette démarche dite de “gamification”, très en vogue aux États-Unis, où les récompenses financières sont même autorisées.

Dans le but de responsabiliser le voyageur, le Self Booking Tool (SBT) se fait aussi plate-forme de communication et permet de rappeler les bonnes pratiques – a fortiori si la destination visitée est à risque – en apportant des conseils et en aidant le voyageur à prendre les bonnes décisions.

Parmi les informations diffusées, le bilan carbone de chaque déplacement est l’un des nouveaux éléments incontournables. “L’empreinte carbone du voyage est particulièrement demandée en Scandinavie où l’outil incitera à emprunter le train plutôt que le taxi pour les transferts depuis l’aéroport, mais aussi à voyager si possible en train plutôt qu’en avion”, note Bertrand Blais, vice-président Produits de KDS. Cette préoccupation environnementale progresse aussi en France où SAP Concur accompagne ses clients dans leur volonté de se déplacer de manière responsable. “Cette transition s’effectue sans faire exploser les budgets. L’outil choisit alors des transporteurs, des hôtels et des loueurs ayant une démarche environnementale, explique Hélène Goumard, consultante senior Expertise Travel. Dans le cas d’un aller-retour dans la journée, il proposera une conférence téléphonique en alternative.”

Mais le principal enrichissement opéré sur les outils ces dernières années concerne l’“expense” avec des SBT/OBT munis d’une solution de gestion des factures et des notes de frais. Quand ce ne sont pas des spécialistes des notes de frais comme Dimo Software qui enrichissent leurs produits d’une partie “voyages” à l’image de la solution Travel and Expense Notilus.

Il est impossible pour un SBT de ne pas disposer, soit d’une solution intégrée, soit d’une solution ouverte, celle-ci permettant de choisir son logiciel de gestion indépendamment”, assure Bruno Jacquemin-Sablon, de CWT. SAP Concur propose ainsi une plate-forme ouverte afin d’apporter plus de contenus au travers de connexions avec les partenaires référencés par l’entreprise et les nouveaux acteurs tels Airbnb, Booking, Uber, Business Table… Une ouverture qui permet d’encadrer l’open booking et d’automatiser le processus en faisant remonter l’ensemble des dépenses dans l’outil. “Il faut automatiser au maximum les procédures et supprimer, grâce à la technologie, la nécessité de faire des notes de frais”, confirme Lydie Charpin, vice-présidente Customer Solution, Corporation d’Amadeus. Amex GBT a choisi pour cela une solution end-to-end dans la même interface, de la réservation à la gestion des notes de frais, “pour une expérience fluide de bout en bout”, assure Antoine Delesalle.

Les éditeurs ont fortement investi pour améliorer l’interface afin de proposer une ergonomie calquée sur celle des sites loisirs grand public. “D’un SBT centré sur la recherche des meilleurs tarifs, l’outil devient ‘BtoC like’. Les voyageurs d’affaires s’attendent à une même fluidité que lorsqu’ils utilisent Airbnb ou Booking dans la sphère privée”, note Bertrand Blais chez KDS. Les filtres ont été multipliés sur KDS Neo, pour l’hôtellerie notamment, dans le but d’améliorer l’expérience utilisateur et d’arriver rapidement sur ses préférences. Même préoccupation chez SAP Concur dont la nouvelle interface entend apporter le meilleur compromis entre BtoB et BtoC. Rénovée également en 2019, celle d’Amadeus Cytric Travel repose sur des options de voyages étendues dans l’aérien, l’hôtellerie et le ferroviaire. “Pour la partie hôtel, l’utilisateur retrouvera notamment des filtres, des étoiles, des photos… afin de bénéficier de l’expérience BtoC tout en restant dans l’environnement du SBT”, dit Lydie Charpin.

ramener l’utilisateur vers le SBT

L’expérience utilisateur est primordiale avec un large choix, des informations pratiques, des photos… Le tout afin de ramener l’utilisateur vers le SBT”, ajoute Antoine Delesalle, d’Amex GBT. Les éditeurs tentent ainsi de trouver le bon équilibre entre une utilisation aisée de l’outil et le fait d’être complet en matière d’offre et de tarification pour répondre aux différents profils de voyageurs “pros”. Avec, d’un côté, les “occasionnels” qui ont besoin d’un outil très intuitif avec de l’information, mais peu de sophistication et, de l’autre, les “fréquents” qui maîtrisent l’outil, mais ont des attentes plus pointues en matière d’utilisation.

Autre contrainte, les utilisateurs n’ont pas les mêmes besoins selon la taille et la zone d’activité de l’entreprise. Le SBT doit alors être capable de s’adapter aux règles de chaque entreprise et de son secteur d’activité. “Dans le cas d’une multinationale, l’outil doit répondre aux spécificités de chaque filiale, de chaque pays ou zone géographique. Les GDS peuvent y être différents, mais aussi les transporteurs, les règles fiscales, la TVA…”, souligne Stéphane Donders, CEO de Traveldoo, éditeur technologique du groupe américain Expedia. Les outils se doivent donc d’être globaux avec des solutions locales. “Il n’est pas rare d’avoir plusieurs partenaires technologiques pour ce type d’entreprise. CWT travaille ainsi avec GetThere sur le marché nord-américain, Traveldoo, Amadeus et KDS en Europe, Serko en Australie et Nouvelle-Zélande”, explique Bruno Jacquemin-Sablon.© Gorodenkoff/Shutterstock.com

Si l’usage du mobile s’est généralisé avec une version digitale pour chaque SBT, les réservations via ce canal restent minoritaires et demeurent l’apanage du bon vieil ordinateur. La faute à la taille des smartphones qui rend peu lisibles les horaires et tarifs aériens. Toutefois, ce support fait de plus en plus office d’assistant virtuel apportant de l’information pratique, permettant l’annulation ou la modification du voyage, offrant des services annexes et un accès direct à l’agence affaires en cas d’urgence. “Le système doit être agile pour que le voyageur puisse passer d’un canal à l’autre tout en retrouvant ses dossiers de voyage”, dit encore Lydie Charpin d’Amadeus. “L’appli mobile est plus utilisée pour les réservations hôtelières ou lorsque des modifications sont nécessaires”, note Stéphane Donders, de Traveldoo. “Cette utilisation s’est cependant imposée pour les notes de frais avec des solutions, dont celle d’Expensya permettant une gestion automatisée à partir des photos des factures. L’utilisation du mobile reste modeste, mais progresse d’année en année. Pour séduire l’utilisateur, il faut proposer une expérience quasi similaire à celle de l’ordinateur. C’est ce qu’Amex GBT réalise avec KDS Neo, dont la version mobile donne de la valeur au SBT”, insiste Antoine Delesalle.

Toutes les opérations se feront demain sur le mobile

Toutes les opérations se feront demain sur le mobile, car les jeunes générations y sont habituées”, prévoit Cédric Lefort chez BCD Travel, dont l’application mobile TripSource permet déjà la planification, la réservation, la création d’itinéraires, la gestion des risques et des imprévus lors du voyage.

Certaines sociétés technologiques vont toutefois plus loin en proposant des solutions de déplacement door-to-door grâce à la géolocalisation, aux informations de voyage et à l’intégration des taxis, VTC, loueurs, scooters électriques et autres vélos en libre-service. Le tout pouvant aller jusqu’à la gestion des flottes de véhicules d’entreprise, récemment intégrée dans l’outil Notilus. “Le door-to-door suppose d’importants investissements afin de documenter les données des différents acteurs, explique Bruno Jacquemin-Sablon de CWT. Mais, pour pouvoir avancer sur ce type d’innovation, il faut que l’outil soit déjà capable d’assurer de façon fiable les missions essentielles d’un SBT.”

Nous sommes les seuls à proposer le door-to-door avec Neo, se félicite Bertrand Blais chez KDS. “Le système permet de planifier et de réserver plusieurs éléments de pré et post-acheminement”, complète Antoine Delesalle d’Amex GBT. Cédric Lefort, de BCD Travel, est pour sa part plus nuancé : “Le door to door convient aux personnes n’ayant pas l’habitude de se déplacer à l’étranger. Pour les voyageurs aguerris, il apparaît souvent comme trop contraignant, limitant leur liberté de choix.” “Sa mise en oeuvre s’avère compliquée”, ajoute Hélène Goumard. D’ailleurs, après quelques désillusions sur le sujet, SAP Concur préfère désormais se connecter à des partenaires spécialisés dans ce type de solutions. “Nous développons cette expérience en lien avec l’écoresponsabilité via des options permettant de réduire les émissions de CO2. SAP Concur propose ainsi différentes alternatives de façon intelligente au voyageur, tout en lui laissant la flexibilité”, ajoute-t-elle.

Le challenge des déplacements en porte-à-porte bénéficie de l’émergence de l’intelligence artificielle (IA) dans le monde du voyage d’affaires. L’analyse des données récoltées par le SBT/OBT, notamment des réservations passées, aide à la personnalisation des réponses apportées au voyageur. “Plus l’outil dispose de données, plus l’IA permet de délivrer des conseils adaptés aux voyageurs”, confirme Cédric Lefort, chez BCD Travel. L’outil affiche par exemple une sélection d’hôtels en fonction des précédents séjours réalisés ou de ceux réservés par d’autres collègues. Selon une étude de Traveldoo et l’ESCAET, l’IA peut par exemple alerter en cas d’expiration d’un document de voyage, valider automatiquement un déplacement s’il respecte la politique voyages ou évaluer le budget du déplacement avant le départ.

La data doit aider à la décision et réduire le nombre de clics à la réservation

La data doit aider à la décision et réduire le nombre de clics à la réservation. L’IA permet de faire le meilleur choix”, insiste Hélène Goumard chez SAP Concur. “L’intelligence artificielle peut faire en sorte que le SBT ne soit même plus visible, car intégré dans les outils de travail du collaborateur à l’exemple de sa messagerie Outlook, avec une utilisation à partir du calendrier sans avoir à se connecter au SBT”, conclut Lydie Charpin d’Amadeus.

Au final, il n’existe plus de demande pour de simples SBT/OBT dans les appels d’offres. Les entreprises, notamment les plus grandes, souhaitent bénéficier d’une solution complète de services allant de la réservation jusqu’au reporting. Ces solutions technologiques se muent progressivement en plates-formes intégrées, intelligentes, opérant dans un écosystème cohérent et ouvert en direction des GDS, des centrales hôtelières, des intégrateurs de contenus et des nouveaux acteurs de mobilité.

Ce renforcement de l’offre de valeur de l’outil, tout en accordant une certaine liberté au voyageur dans le respect de la politique voyages, a permis d’améliorer leur adoption et de diminuer l’open booking. Les éditeurs continuent d’investir dans l’optique de proposer demain les évolutions et innovations technologiques les plus pertinentes.

La satisfaction du voyageur, un indicateur grandissant© Jacob Lund/Shutterstock.com

L’étude Espace Voyages Professionnelle (EVP) datant de mars 2019 publiée par American Express Global Business Travel (GBT) révèle que 71 % des entreprises mesurent la satisfaction des voyageurs d’affaires. Une progression de 15 points par rapport à l’enquête publiée en 2018. La satisfaction des utilisateurs deviendrait un élément clé de la définition des politiques voyages. Plusieurs points sont essentiels à leurs yeux :

  • la protection des données personnelles et professionnelles ;
  • la facilitation de la réservation en cas de situation perturbée ;
  • la proposition de solution de sécurité en cours de déplacement ;
  • l’accès complet au contenu du voyage ;
  • l’amélioration du service clients au cours du voyage.

À noter que 66 % des sociétés interrogées estiment aussi que la satisfaction de leurs collaborateurs avant, pendant et après le voyage, est un moyen d’améliorer l’engagement, et donc l’utilisation de l’outil.